Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires

Remarques officiaux

Le 6 mai 2019

Monsieur Gregory A. Lick
L'Ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes

 


 

 

Merci, Monsieur le Président, et merci aux membres du comité de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui au sujet de l’embauche de vétérans dans la fonction publique. Je suis très honoré de témoigner en tant qu’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.

Je m’appelle Greg Lick. Avant d’assumer mon rôle actuel, j’ai été directeur général des Opérations pour la Garde côtière canadienne. J’ai aussi fièrement servi dans la Réserve navale pendant 17 ans. À ma gauche (ou droite), m’accompagne aujourd’hui le major à la retraite Carole Lajoie, qui agit comme notre directrice de l’Éducation et de la collaboration. Mme. Lajoie possède une vaste connaissance et expérience du domaine que vous étudiez aujourd’hui. Si je ne peux répondre à une question, je crois qu’elle le pourra.

Je suis aussi ravi de témoigner en compagnie de l’ombudsman des vétérans, M. Craig Dalton. Craig et moi avons déjà établi une excellente relation de travail. Nos deux bureaux explorent déjà les secteurs d’intérêts communs se prêtant à la collaboration. Nous avons récemment fait un exposé conjoint devant deux groupes externes et étudions présentement d’autres occasions d’aller présenter le duo « Craig et Greg » sur la route.

J’ai été nommé de façon intérimaire au poste d’ombudsman en novembre 2018. Ces sept derniers mois, servir cet important groupe de commettants a été pour moi l’expérience la plus gratifiante de ma carrière.

Chaque matin au réveil, je lis les résumés d’actualité qui pour constater l’impact positif de la communauté de la Défense sur la scène mondiale et ici au Canada. On le constate en ce moment même. Voir les militaires des Forces armées canadiennes déployés dans l’arrière-cour de la région de la capitale nationale pour combattre les inondations dévastatrices nous rappelle que nos militaires jouent un rôle vital pour la protection des citoyens. À ces militaires je dis : merci.

La communauté que nous servons est extrêmement vaste. Nous servons non seulement les membres de la Force régulière et de la Réserve des Forces armées canadiennes, mais aussi les civils de la Défense, les Rangers canadiens, les cadets, les Rangers juniors canadiens, les employés des Fonds non publics, les nouvelles recrues, les familles de tous ces groupes, ainsi que les personnes détachées ou affectées aux Forces armées canadiennes. Ces responsabilités ne sont pas prises à la légère par moi et mon équipe de plus de 65 fonctionnaires passionnés à l’emploi de mon Bureau. En fait, je crois que ces employés servent nos commettants avec un professionnalisme et un sens du devoir sans égal. Certains de ces employés sont avec le Bureau depuis ses tout débuts en 1998, ce qui nous donne la mémoire institutionnelle nécessaire pour nous acquitter de notre mandat, c’est-à-dire de s’assurer du traitement juste et équitable et contribuer à améliorer, de manière substantielle et durable, le bien-être des employés et des militaires au sein du ministère de la Défense nationale et dans les Forces armées canadiennes.

C’est cette mémoire institutionnelle qui m’a aidé à comprendre l’historique de notre engagement dans la question très importante à l’étude par votre comité. Par ailleurs, durant ma carrière dans la Garde côtière canadienne et surtout lorsque j’en étais un cadre supérieur au sein de cette organisation-là, j’ai vivement exprimé mon soutien et l’embauche active de militaires à la retraite dans la Garde côtière. Mon soutien était basé sur ce que je voyais étant des liens naturels entre la Garde côtière et les Forces armées canadiennes. Je reconnais que les liens en termes de formation des Forces armées canadiennes et les organisations comme la Garde côtière, l’Agence des services frontaliers du Canada, Parcs Canada et la Gendarmerie royale du Canada  je reconnais que ces liens peuvent être moins clairs pour les autres ministères qui envisagent de faire appel à des militaires à la retraite pour pourvoir des postes de fonctionnaire. Mais je crois qu’il incombe à tous les gestionnaires responsables des embauches à la fonction publique de rencontrer les militaires à la retraite à mi-chemin, car nous nous sommes engagés à donner des possibilités professionnelles aux militaires qui quittent les Forces. Selon mon expérience, finalement, c’est la fonction publique qui vient à bénéficier de leur expertise.

En ce qui concerne les militaires en processus de libération pour des raisons médicales, nous avons l’obligation de leur donner un accès prioritaire aux postes de la fonction publique. Pour ceux en processus de libération à cause d’une maladie ou blessure découlant directement du service militaire, ils figurent au sommet de la liste de priorité statutaire. Quant aux militaires dont la blessure ou maladie ne découle pas du service, ils jouissent du droit de priorité réglementaire. Dans les deux cas, nous avons une obligation qui devance toute « politique » ou « initiative ». C’est dans ce contexte, et dans le contexte du dépôt et de l’adoption de la Loi sur l’embauche des anciens combattants, que mon prédécesseur s’est exprimé publiquement sur cette question. En 2015, il a publié, en consultation avec le prédécesseur de M. Dalton, un rapport qui recommandait ce qui suit :

« [...] les Forces armées canadiennes sont les mieux placées pour décider si une libération pour raisons médicales est attribuable au service en vertu du projet de loi C-27. [...]Mais surtout, les membres blessés ou malades des Forces armées canadiennes ont beaucoup à gagner en ayant plus rapidement accès à des emplois dans la fonction publique. »

En fin de compte, la Loi sur l’embauche des anciens combattants a confié à Anciens Combattants Canada la responsabilité d’arbitrer les demandes des militaires souhaitant être ajoutés à la liste d’embauches prioritaires de la Commission de la fonction publique. Depuis ce temps, Anciens Combattants Canada peine à respecter ses normes de service, malheureuse conséquence rapportée dans de nombreux reportages médiatiques et débats publics.

Le but de mon témoignage aujourd’hui n’est pas de jeter de l’huile sur le feu de ce débat. Bien au contraire, je voudrais vous donner en langage clair l’avis de mon bureau sur les éléments dont il faut tenir compte afin que cette initiative réussisse.

Premièrement, nous devons nous pencher sur la statistique peut-être la plus pertinente : l’âge de libération moyen des membres des Forces armées canadiennes se situe autour de leur 40e anniversaire de naissance. Cela signifie que les militaires à la retraite ont devant eux de nombreuses années d’employabilité avant leur pleine retraite. L’expérience acquise au sein des Forces armées canadiennes est unique et la fonction publique fédérale, dans sa recherche de candidats qualifiés pour remplir ses postes, a la possibilité de mobiliser une grande partie de cette énergie.

Les militaires en processus de libération pour des raisons médicales peuvent se trouver devant des difficultés et obstacles encore plus grands au moment d’entamer une seconde carrière. Pour cette raison, logiquement, nous avons les dispositions de la Loi sur l’embauche des anciens combattants et les règles d’embauche prioritaire pour faciliter leur entrée dans la fonction publique.

Cela dit, ils font face à des délais tant à Anciens Combattants Canada, qui doit rendre des décisions sur l’admissibilité des demandeurs d’accès prioritaires à ces postes, qu’à la Commission de la fonction publique, où le processus est très long pour finalement ajouter ces personnes sur la liste d’embauche prioritaire.

La conséquence naturelle de ces deux délais administratifs est que de opportunités passent sous le nez de militaires à la retraite qui pourtant, méritent ces emplois pour lesquels ils sont qualifiés. Les statistiques d’Anciens Combattants Canada s’améliorent. Mais on est loin de l’idéal. Cela cause beaucoup d’anxiété aux membres des FAC qui font la transition du militaire au civil – ou, dans le contexte de M. Dalton et moi-même, de ma juridiction à la sienne.

Sur le plan administratif, ACC a éliminé certains arbitrages dédoublés afin d’améliorer ses temps de réponse. Cela est prometteur. Ce qui est tout autant prometteur est que les Forces armées canadiennes et Anciens Combattants Canada ont établi un processus afin qu’ACC puisse dorénavant accéder presque instantanément aux renseignements pertinents du Système d’information sur la santé des Forces canadiennes (SISFC) dans le but d’accélérer les décisions. Cette initiative devrait non seulement accélérer les décisions sur la priorité d’embauche, mais aussi les arbitrages dans leur ensemble. Toutefois, les demandeurs continuent de faire face à des temps d’attente importants, alors des solutions plus créatives devront peut-être être mises de l’avant pour que les demandeurs soient ajoutés à temps sur la liste d’embauche prioritaire.

Quant aux militaires libérées pour des raisons non médicales, certains ont peut-être déjà un emploi au privé, ou encore dans la fonction publique fédérale, puisque les militaires en service peuvent déjà postuler dans les concours internes en vertu de dispositions touchant la mobilité et la préférence. Mais pour plusieurs, ce n’est peut-être pas le cas.

Ce que nombreux commettants et gestionnaires responsables des embauches nous ont rapporté est qu’en dépit des efforts du gouvernement, la possibilité de tranférer les connaissances et compétences acquises avec le service militaire dans un milieu de travail civil est encore très mal comprise. Cela est troublant, vu que cet enjeu est une priorité clé des militaires à la retraite et du gouvernement depuis au moins 2011.

Par exemple, en 2014 le Comité permanent de la défense nationale a publié un rapport intitulé Soins offerts aux militaires canadiens malades ou blessés. Dans ce rapport, le Comité recommandait que « le gouvernement du Canada mette au point un outil logiciel complet et algorithmique de conversion des compétences militaires, ce qui aiderait les membres des Forces armées canadiennes à trouver un emploi civil après leur libération ».

Ce type d’outil de conversion sophistiqué existe aux États-Unis. Un militaire américain n’a qu’à entrer les unités auxquelles il appartenu et les certificats obtenus dans une base de données. Par la suite, le logiciel non seulement lui attribue les équivalences civiles, mais produit aussi un curriculum vitae, le tout à partir de menus déroulants faciles d’utilisation. Les FAC ont développé un outil, mais un outil unique endossé par le gouvernement serait profitable à la fois aux militaires en service, aux militaires à la retraite et aux gestionnaires responsables des embauches. Peu importe la forme que prend cet outil, il faut qu’il puisse aller au-delà une transformation simple du code de profession militaire en un code de Classification civil des professions. Il doit incorporer et reconnaître l’expérience en leadership et de gestion qu’un militaire acquiert durant une carrière militaire, ici au Canada et en déploiement à l’étranger.

De plus, on note une méconnaissance évidente de certains programmes importants comme le Programme de réadaptation professionnelle à l’intention des militaires en activité de service, soit le PRPMAS. Le PRPMAS permet aux militaires des FAC ayant été avisés de leur libération médicale imminente d’entreprendre, avec l’autorisation de leur commandant, un Programme de réadaptation professionnelle, jusqu’à six mois avant la première des dates suivantes : le début de leur congé de retraite ou la date définitive de leur libération des Forces armées canadiennes.

Qu’est-ce que le Programme de réadaptation professionnelle à l’intention des militaires en activité de service veut dire pour les gestionnaires responsables des embauches dans la fonction publique? Que les FAC continueront de payer le salaire du militaire pendant qu’il travaille au sein de votre organisation. S’il s’avère que le militaire a un bon rendement au sein de l’organisation civile, la probabilité est grande pour qu’on l’embauche à temps plein s’il répond aux critères d’un poste devenu vacant. Ce programme est incroyable, mais peu de gens en ont entendu parler. C’est le parfait exemple du concept de « transition harmonieuse ». Le Bureau de l’ombudsman et moi-même avons eu recours au PRPMAS par le passé, ce qui a nous a été profitable.

Enfin, Nous devons rendre l’embauche de militaires à la retraite le plus facile possible pour les gestionnaires en charge de l’embauche et ce, le plus tôt possible.

Lorsque j’étais directeur général des opérations à la Garde côtière, je m’étais pleinement engagé dans l’embauche de militaires à la retraite au sein de mon organisation. J’ai visité certaines bases et escadres des FAC afin de convaincre les militaires en processus de libération à se joindre à nous. Je sais que de nombreux gestionnaires de la fonction publique sont tout aussi enthousiastes. Mais nous devons leur donner l’information, les outils et les instruments pour qu’ils puissent agir. Nous sommes tous un rôle à jouer dans cette question.

Chers membres du Comité, Monsieur le Président, je tiens à vous remercier, encore une fois, de m’avoir permis de m’adresser à vous aujourd’hui. Je suis maintenant prêt à répondre à toutes vos questions sur cet important dossier.

Merci.

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