Témoignage de l’ombudsman devant le sous-comité des anciens combattants du Sénat

Mercredi le 8 mars 2017

Aujourd’hui j’ai été invité par le Sous-comité des anciens combattants du Sénat afin de discuter des défis dont font face les membres des Forces armées canadiennes lors de leur transition vers la vie civile. Vous pouvez lire mon allocution d’ouverture ici.

 

Gary Walbourne
Ombudsman

 

MOT D’OUVERTURE
DISCOURS AU SOUS-COMITÉ SÉNATORIAL DES ANCIENS COMBATTANTS

 

Priorité au discours prononcé

 

Merci, Monsieur le Président.

Estimés Sénateurs, bon après-midi à tous et merci de me donner l’occasion de discuter des questions concernant la transition de la vie militaire à la vie civile.

Comme je l’ai indiqué auparavant dans un témoignage donné devant d’autres comités parlementaires, plus de la moitié des plaintes que traite mon bureau chaque année porte sur les questions de fin de carrière.

Bien que chaque cas soit unique, mon bureau assure un suivi des tendances, et j’ai lancé des enquêtes systémiques en conséquence. Comme vous le savez, deux de mes derniers rapports comprenaient des recommandations simples fondées sur des données probantes qui, selon moi, peuvent alléger le fardeau administratif et les procédures auxquels sont confrontés nos militaires blessés ou malades.

Mes recommandations sont simples, et elles peuvent facilement être mises en œuvre.

1)   D’abord, on doit attribuer au médecin général la responsabilité de déterminer si la maladie ou la blessure d’une personne est attribuable au service militaire, et Anciens combattants Canada doit s’appuyer sur cette détermination pour accorder l’ensemble des avantages sociaux aux militaires libérés.

-      Nous avons estimé que les temps d’attente liés à l’obtention des prestations d’ACC seraient réduits au moins de moitié.

2)   Deuxièmement, les militaires ne devraient pas être libérés des Forces armées canadiennes avant que TOUS les avantages et les services auxquels ils ont droit, provenant de TOUTES les sources, y compris Anciens combattants, soient en place.

Cela comprend leurs pensions des Forces canadiennes.

3)  Troisièmement, un service de type « conciergerie » doit être mis en place, constitué de membres des Forces armées canadiennes, afin d’aider les militaires à parcourir le processus complexe de libération.

4)  Enfin, il faudrait créer un portail web CONJOINT qui permet une navigation conviviale et qui comprend tous les renseignements pertinents sur les avantages et les services d’Anciens Combattants et des Forces armées canadiennes.

Sénateurs, vous pourriez croire que ce plan a été accepté et mis en œuvre rapidement. Ce n’est pas le cas.

Malheureusement, j’ai reçu deux réponses nébuleuses du ministre de la Défense nationale, indiquant que certaines de mes recommandations étaient « pertinentes », mais le ministre n’a pas fourni d’indication réelle que l’une ou l’autre des recommandations seraient mises en œuvre. Le Général Vance, chef d’état-major de la Défense, nous a également indiqué que les Forces armées canadiennes mettraient en veilleuse la libération pour raisons médicales des militaires jusqu’à ce que tous les mécanismes soient mis en place, et qu’un service de type « conciergerie » serait créé sous peu. C’est encourageant, mais en réalité nous n’en sommes pas là.

Nous savons que le pouvoir de retenir la libération des militaires jusqu’à l’activation des avantages relève entièrement du ministre ou du chef d’état-major de la Défense – mais des militaires continuent d’obtenir leur libération.

Mesdames et messieurs, certaines des luttes des militaires libérés des Forces armées canadiennes ont été portées à l’attention du public. Il est impossible de les réprimer. On entend parler de difficultés financières, de stress émotionnel et de frustration inutile. Des membres des Forces armées canadiennes qui ont servi notre pays pendant des décennies, qui ont effectué de multiples déploiements et qui ont obtenu des mentions élogieuses sont menacés d’expulsion ou SONT EXPULSÉS de leurs maisons et font face à la ruine financière parce qu’ils attendent leur indemnité de départ, leur premier chèque de pension ou leurs prestations. Cela pourrait très bien être évité.

Il semble que l’on élabore des processus administratifs lourds pour répondre à des questions pointues. Ce qui est encore plus troublant, c’est que les résultats désirés demeurent imprécis. Pendant presque quatre ans, j’ai agi comme ombudsman adjoint à Anciens Combattants Canada. Certaines questions qui faisaient l’objet de discussions en 2011 sont encore à l’ordre du jour aujourd’hui, et elles n’ont pas été réglées.

Il est facile de justifier les causes principales de toutes les difficultés d’un ministère par l’inaction de l’administration d’un gouvernement précédent. Toutefois, alors que les administrations changent, la bureaucratie ne change pas. Il y a eu plus d’examens qu’il n’en fallait. Les réponses s’offrent à nous, mais quelqu’un doit agir avec audace et de façon créative, et le financement vient des niveaux supérieurs.

Grâce aux informations obtenues auprès des responsables du ministère de la Défense nationale par l’entremise des interactions quotidiennes de mon bureau avec eux et grâce à notre participation à titre d’observateurs dans un certain nombre de groupes travail, nous avons une bonne idée des corrections que les deux ministères prévoient appliquer au système. Il semble que la bureaucratie progresse.

Ce que je demande c’est un changement fondamental au système existant – Il faut supprimer la complexité du système et instaurer un modèle de service qui repose sur une logique rigoureuse. On procède à une réorganisation esthétique ou à ce qu’on appelle une « optimisation » pendant que le bateau est en train de couler.

À l’automne 2016, dans mon témoignage devant deux comités parlementaires, j’ai mentionné aux membres des deux chambres que, selon moi, l’embauche de personnel supplémentaire n’était pas la solution permettant de régler ce modèle de transition complexe. Trouver la bonne solution demandera beaucoup de travail, mais ce qu’il importe de reconnaître c’est que le système dans sa forme actuelle présente des lacunes fondamentales et que l’application de mesures correctives n’est pas suffisante; il faut un changement fondamental qui porte non seulement sur ce qui est nécessaire mais, chose tout aussi importante, sur les moyens de répondre aux besoins.

Vous savez, sénateurs, l’un des moments le plus absurde que j’ai vécu l’an dernier a été la lecture d’une diapositive particulière d’une présentation qui indiquait que mon bureau avait « peu d’influence et peu d’intérêt » pour tous ces travaux visant à « colmater la brèche ». Si, en quelque sorte, les ministères s’entendent pour dire que ce bureau de dernier recours, avec lequel les personnes communiquent lorsque le système les laisse tomber, n’a pas d’intérêt véritable dans l’issue de leur nouveau modèle de transition, je ne peux que remettre ouvertement en question leur capacité à comprendre l’ensemble de la situation.

Mon mandat consiste à faire enquête sur des cas individuels et à demander des recours. S’il y a suffisamment de cas du même genre, je dois déterminer systématiquement les causes. J’indique ensuite au ministre, le chef de l’organisation, les mesures à prendre pour régler les difficultés, non pas de façon ponctuelle, mais de façon permanente. Sénateurs, mon mandat ne peut pas être plus précis. J’ai une position unique dans l’organisation où je peux offrir des conseils. Mais ces derniers semblent tomber dans l’oreille d’un sourd.

Je vous donne quelques exemples de ce que je constate sur le terrain.

D’abord, le nombre de personnes et de groupes de travail qui participent à cet examen est vertigineux. Ensuite, il existe de nombreuses initiatives qui semblent être déconnectées. Des initiatives comme « Convergence », « The Journey » et « Bienveillance, compassion, respect 2020 » renforcent la préférence intrinsèque qui consiste à procéder à des examens plutôt qu’à agir.

En réalité, sénateurs, sans vouloir offenser qui que ce soit, je crains que vos tentatives d’examiner la question de la transition découlent de votre incapacité, à titre de législateurs, d’obtenir des renseignements clairs sur ce qui se passe derrière les portes closes. Cela doit être extrêmement frustrant.

Permettez-moi de vous donner un exemple. J’ai pris le temps d’examiner le dernier témoignage des responsables d’ACC et des FAC au Comité permanent des anciens combattants de l’autre chambre. J’estime qu’il porte à confusion et que, dans certains cas, il est dichotomique.

Comme je l’ai mentionné précédemment, j’ai reçu une réponse nébuleuse du ministre de la Défense nationale concernant ma recommandation d’accorder le pouvoir au médecin général de déterminer l’attribution au service. Dans sa réponse, le ministre a indiqué que les FAC n’avaient pas le mandat statutaire requis pour le faire. En réalité, il a ce pouvoir. Il est le ministre. De plus, comme je l’ai mentionné dans mon rapport, les Forces armées canadiennes déterminent déjà l’attribution au service pour différentes catégories de personnel, y compris les réservistes. Donc, on détermine déjà l’attribution au service.

Maintenant, en comité la semaine dernière, on a déclaré, et je cite « La décision de quitter les forces armées ou d’y rester est une décision administrative prise par le directeur de l’administration des carrières militaires, qui détermine si les contraintes à l’emploi pour des raisons médicales répondent aux exigences liées à l’universalité du service. »

Le médecin général a indiqué au Comité qu’ils déterminaient les contraintes à l’emploi pour raisons médicales et qu’ils faisaient des propositions au DACM, mais qu’ils n’étaient pas à l’aise d’aller plus loin dans le cadre de leurs responsabilités.

Ainsi, le médecin général fournit de l’information au DACM – cette information peut indiquer ou non si la blessure est attribuable au service – et le DACM rend sa décision en fonction des contraintes à l’emploi pour raisons médicales précisées dans l’information fournie. C’est ce qu’on appelle, sous un autre nom, l’attribution au service. Par conséquent, ce petit changement de responsabilités pourrait être rapidement mis en œuvre, si le ministre l’ordonnait.

Actuellement, seulement 25 p. 100 de TOUS les anciens combattants confiés aux soins d’Anciens Combattants sont désignés comme étant libérés. En tenant compte du fait qu’un certain nombre de ces personnes se manifesteront plus tard, particulièrement s’ils présentent un traumatisme lié au stress opérationnel, je crois que ce nombre devrait et pourrait être plus élevé. La désignation d’un seul point de responsabilité chargé de déterminer si la blessure ou la maladie d’un militaire libéré pour des raisons médicales est attribuable au service permet de s’assurer que personne n’est laissé dans l’ignorance en ce qui concerne les avantages et les services que les militaires pourraient recevoir lorsqu’ils se retrouvent dans le milieu civil. Le fait de retenir les membres des Forces armées jusqu’à ce que l’ensemble des mesures soit mis en place permet d’éliminer la douleur et l’angoisse associées à l’ignorance ou à l’absence de contrôle de ce qui les attend après la vie militaire.

Sénateurs, si votre Comité a l’intention d’entreprendre un autre examen sur la transition et les soins offerts aux malades et aux blessés, je vous invite à quitter la « bulle d’Ottawa » et à vous rendre dans les unités intégrées de soutien du personnel, à discuter avec les militaires ET les familles sur le terrain. Ce que vous entendrez sera bien différent des points de discussion bureaucratique qui sont transmis à votre comité. Mon organisation s’est rendue sur le terrain, aux premières lignes depuis 1998, et nous sommes témoins de cette divergence tous les jours.

Notre travail dans ce processus a pour seul but de nous assurer que les militaires libérés sont entièrement prêts à entreprendre les premières démarches vers la vie civile. Nous ne sommes pas ici pour habiliter la fonction publique centrale ni pour stimuler l’égo des personnes occupant des postes de pouvoir. Nous sommes au service des militaires; il faut donc nous assurer de créer un système qui leur donne du pouvoir. Actuellement, nous ne respectons pas nos engagements. Si nous faisons cela, nous pourrons commencer à changer de discours.

Merci.

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