Allégations contre les Forces canadiennes - Quatrième partie

QUATRIÈME PARTIE :Autres allégations de riposte et de représailles

A. Allégation contre le lieutenant-commander Ed King

Allégation : A donné des réponses erronées aux médias, à propos de l'enquête menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes sur les événements entourant la publication de la note de juillet 1996

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 23 juin 1998, je suis tombé par accident sur une réponse aux médias qui n'était pas numérotée mais qui était tout de même conservée dans les classeurs du Bureau de liaison avec les médias. La réponse aux médias en question portait sur ma note de service du 9 juillet 1996, rendue publique le 17 juin 1998.
 

Cette réponse aux médias contenait de nombreuses imprécisions de sorte que je suis allé en parler à son auteur qui, à ce moment là, était le lieutenant(M) Ed King (Affaires publiques, vice-chef d'état-major de la Défense). Elle ne portait pas non plus de numéro, contrairement aux instructions permanentes d'opération de la liaison avec les médias, point 13, UTILISATION des réponses aux médias dans le Bureau de liaison avec les médias : " N'utiliser qu'une réponse aux médias portant un numéro de dossier fourni par le coordonnateur administratif " (version de juin 1998). Néanmoins, le lieutenant(M) King a indiqué qu'il ne la changerait pas, ni qu'il remplirait la feuille d'approbation.
 

La mauvaise information contenue dans cette réponse aux médias aurait dû être corrigée conformément aux ordonnances administratives et aux instructions datées le 1er mars 1998 qui stipulent que : " En consultation avec la Direction générale - Affaires publiques ou l'officier supérieur d'état-major - Affaires publiques, les commandants et les gestionnaires doivent prendre rapidement les mesures de relations publiques requises pour corriger toute erreur factuelle, déformation de propos et information trompeuse attribuées au ministère de la Défense nationale / Forces canadiennes. " Les annexes aux réponses aux médias sont relativement faciles à produire.
 

La conduite du lieutenant(M) A. King a été d'autant plus surprenante qu'un ancien officier des Affaires publiques, le commandant Doug Caie, avait récemment été traduit en cour martiale pour des actions similaires : " pour avoir fait volontairement une fausse déclaration dans un document, pour avoir fait preuve de négligence dans l'exécution d'une tâche et pour négligence portant atteinte au bon ordre et à la discipline. " (The Calgary Herald, 13 décembre, 1996, p. A14.)

 
Le lieutenant-commander King est un officier de relations publiques au Bureau des Affaires publiques du Quartier général de la Défense nationale; il a été affecté à la section des affaires publiques du vice-chef d'état-major de la Défense. À ce titre, le lieutenant-commander King s'occupait des questions d'affaires publiques du Grand Prévôt d'où le lien hiérarchique auprès du vice-chef d'état-major de la Défense.
 

Le lieutenant-commander King a répondu par courrier électronique depuis son poste outremer, le 28 mars 2001, remerciant mon Bureau de lui avoir donné l'occasion de revoir la partie du rapport intérimaire le concernant et déclarant qu'il n'avait rien à y ajouter.
 

Le capitaine Poulin travaillait comme officier de liaison avec les médias au moment de cette allégation. Dans le cadre de ses fonctions, il était amené à se servir des réponses aux médias pour répondre aux demandes de renseignements des médias. Les membres du personnel du Bureau de liaison avec les médias sont les premiers points de contact pour les médias.
 

Mes enquêteurs ont obtenu une copie de la réponse aux médias ébauchée par le lieutenant-commander King qui, selon le capitaine Poulin, serait inexacte. Cette réponse se lit comme suit :
 

Ce matin, le Service national des enquêtes a été chargé d'enquêter sur les allégations d'inconduite sexuelle soulevées à l'occasion de la conférence de presse de ce matin (17 juin). Ces allégations ont soi-disant été faites dans une note de service interne datée de juillet 1996 et ont été soi-disant présentées au major-général (alors) Leach, commandant adjoint, Commandement de la Force terrestre. En conséquence, le Service national des enquêtes examinera aussi le suivi fait par la chaîne de commandement à cette note de service.

 
Les notes manuscrites du capitaine Poulin dans son journal marquent ses objections à la version des événements indiquée dans la réponse aux médias préparée par le lieutenant-commander King :
 

... la réponse aux médias sur cette affaire est inexacte (c.-à-d., le moment où l'enquête a été lancée et les allégations n'ont pas été " soit-disant " faites dans une note interne datée de juillet 1996. Ces allégations ont bel et bien été faites dans une note interne datée de juillet 1996. J'ai parlé à Ed King (l'auteur) et il était d'accord qu'il y avait des inexactitudes, mais il a ajouté que cette réponse aux médias était maintenant dépassée par les événements et qu'il n'était donc pas nécessaire de Ia corriger ... la réponse aux médias sur la note de service de Poulin (sic).

 
Le lieutenant-commander King a indiqué qu'il ne se rappelait pas que le capitaine Poulin lui ait parlé de cette question mais il a déclaré :
 

En réalité, cette question se réglerait entre moi, le gestionnaire de répertoire et la chaîne de commandement. Le capitaine Poulin ou ses impressions sur la question ... à moins qu'il ait été un expert en la matière et que j'ai eu besoin de lui parler. Je n'avais aucune raison de le consulter.

 
Conclusions

Il est compréhensible que le capitaine Poulin ait été sensible a la réponse aux médias, sur le plan personnel, étant donné que cette affaire le touchait directement; il croyait de toute évidence qu'une telle réponse aux médias pouvait se refléter sur sa crédibilité.
 

Le capitaine Poulin maintient que la réponse aux médias était inexacte lorsqu'elle indiquait que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes avait été chargé d'enquêter sur les circonstances entourant la note de service du 9 juin 1996, le matin du 17 juin 1998. La signification du moment exact où le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a pris officiellement connaissance de l'objet de l'enquête n'est pas claire. Il est aussi difficile d'établir le moment exact où le cas a été pris en charge par les Forces canadiennes. Une entrée dans le cahier du commander Moore indique qu'il avait été désigné enquêteur en chef et qu'il avait rencontré le Grand Prévôt des Forces canadiennes et le Grand Prévôt adjoint afin d'être mis au courant, à 14 h 55, le 17 juin. On lui avait aussi remis une copie de la note de service du 9 juillet, à ce moment là. De toute évidence, le Grand Prévôt des Forces canadiennes et le Grand Prévôt adjoint avaient déjà été mis au courant de la situation avant 14 h 55, le 17 juin. Je ne trouve pas que la préoccupation du capitaine Poulin au sujet de cet écart temporel soit justifiée.
 

Le capitaine Poulin s'objecte aussi à l'utilisation du mot " soi-disant " pour qualifier l'énoncé des allégations contre le colonel Labbé dans sa note de service du 9 juillet 1996 qui à été présentée au lieutenant-général Leach. Je pense que la plainte du capitaine Poulin à cet égard a quelque mérite. Même s'il n'est pas nommé dans la réponse aux médias, plusieurs autres comptes rendus des médias sur sa note de service et les enquêtes du Service national des enquêtes qui s'ensuivirent, l'identifient comme l'auteur de la note de service.
 

L'auteur de la réponse aux médias semble avoir employé le mot " soi-disant " pour qualifier la note de service présentée au lieutenant-général Leach, afin de bien faire comprendre à quiconque lisait ou entendait la réponse aux médias, qu'il n'était pas encore certain que le lieutenant-général Leach avait effectivement pris connaissance de la note de service et qu'il s'agissait encore bel et bien d'une allégation sur laquelle on enquêtait à ce moment là.
 

La justification de l'emploi du terme " soi-disant " dans la réponse au média est moins claire. La réponse aux médias indique que les allégations d'inconduite contre le colonel Labbé avaient soi-disant été formulées dans une note de service interne datée du 9 juillet 1996. Compte tenu que les allégations contre le colonel Labbé ont été faites par écrit et pouvaient être facilement vérifiées dans la note de service, l'emploi du terme " soi-disant " ne me semble pas justifié. Il est compréhensible que le capitaine Poulin s'objecte à cet aspect de la réponse aux médias qui remet en question le contenu de sa note de service et par ricochet, porte atteinte à sa crédibilité.
 

La mesure dans laquelle la réponse aux médias que le capitaine Poulin avait trouvée dans le classeur de la Direction générale des Affaires publiques avait servi à répondre aux demandes de renseignements des médias n'est pas claire. Je ne trouve pas qu'il y ait là la moindre preuve que la réponse a porté un préjudice personnel ou professionnel direct au capitaine Poulin. Je suis d'avis, comme l'avait indiqué le lieutenant-commander King à ce dernier, que les incidents décrits dans la note de service avaient été dépassés par les événements et qu'il ne servait à rien de publier de nouveau ou de corriger cette réponse aux médias.
 

Table des matières
 

B. Allégation contre le major George Mackie

Allégation : Mutation inappropriée à la suite d'une demande en redressement de grief

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Le major Mackie s'est comporté de manière scandaleuse lorsqu'il m'a relevé de mes fonctions au sein de son personnel après avoir appris que j'avais présenté une demande en redressement de grief au sujet du rapport d'appréciation qu'il avait rédigé à mon sujet vers le 25 juin 1999.
 

Précisément, vers le 9 août 1999, je suis retourné au travail après trois semaines de vacances pour découvrir qu'on m'avait de nouveau déplacé. Je ne travaillerais plus avec le major Mackie. J'étais maintenant chargé de la rédaction des discours hebdomadaires, des demandes de films des médias et des visites des médias à l'étranger. Le 9 août 1999 était le premier jour après que le major Mackie eut lu mes deux griefs contre les rapports d'appréciation qu'il avait rédigés et après mon retour au travail.
 

Je n'ai jamais été averti ni même consulté au sujet de cette mutation avant mon retour au travail vers le 8 août 1999. En fait, quand je suis revenu de vacances, cette situation m'a été présentée comme un fait accompli.
 

La décision du major Mackie contrevenait au paragraphe 15 de l'Ordonnance administrative des Forces canadiennes qui stipule ce que : " Généralement, cela prendra la forme d'une utilisation inopportune du pouvoir ou de l'autorité propre à un poste occupé par une personne pour mettre en péril le travail d'une autre personne, miner l'exécution de ce travail, menacer le moyen de subsistance de cette personne ou de toute autre façon s'ingérer dans la carrière d'une telle personne ou l'influencer. "

 
La décision du major Mackie contrevenait aussi au paragraphe 51 de l'Ordonnance administrative des Forces canadiennes concernant les représailles, qui stipule que :  « Il incombe à toutes les personnes participant au traitement d'une plainte d'assurer qu'un plaignant ne subit pas de préjudice en raison de la plainte qu'il a déposée. Des représailles contre n'importe quel individu qui s'est plaint de harcèlement, ne seront ni permises ni tolérées. Cette interdiction vaut aussi pour les individus qui ne sont pas eux-mêmes des plaignants mais qui aident dans une enquête pour harcèlement. Quiconque s'engage ainsi dans des actions de représailles, est passible de sanctions disciplinaires ou administratives. »  
 

Le major Mackie a répondu, le 22 mars 2001, déclarant qu'il n'avait rien à ajouter à la partie du rapport intérimaire qui le concernait.
 

Le major Mackie a été interrogé par mes enquêteurs le 23 mars 2000 dans la salle de réunion de mon bureau, sis au 185, rue Sparks à Ottawa. Le major Mackie a déclaré que le capitaine Poulin avait été assigné au projet du bogue de l'an 2000 depuis novembre 1998. Cependant, le major Mackie avait indiqué que, en mars 1999, le capitaine Poulin avait été affecté à la rédaction de discours pour les séances d'information quotidiennes concernant la campagne de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord au Kosovo. Selon le major Mackie, la décision d'assigner le capitaine Poulin aux séances d'information quotidiennes avait été prise initialement par le colonel Coleman. Le major Mackie avait rappelé que lorsque les opérations de l'OTAN au Kosovo avaient rendu nécessaire de tenir des séances d'information quotidiennes, le colonel Coleman avait été affecté à cette tâche et avait pris le capitaine Poulin avec lui.
 

À la fin des séances d'information quotidiennes sur le Kosovo, la note manuscrite du capitaine Poulin dans son journal le 15 juin 1999 indique que le colonel Coleman l'avait informé qu'il retournerait travailler avec le major Mackie, la semaine suivante.
 

Lorsque mes enquêteurs le lui ont demandé, le major Mackie a répondu sans équivoque qu'il n'avait jamais demandé que le capitaine Poulin soit retiré de sa section consacrée au projet du bogue de l'an 2000. Le major Mackie a indiqué que le capitaine Poulin avait été choisi initialement par le colonel Coleman pour travailler aux séances d'information quotidiennes sur les opérations de l'OTAN au Kosovo. Le major Mackie avait ajouté que la haute direction, aux Affaires publiques, avait décidé que ces séances continueraient sur une base régulière et que le capitaine Poulin y resterait affecté.
 

Le major Mackie a déclaré qu'à son avis, il avait perdu les services du capitaine Poulin parce qu'il avait suffisamment de ressources dans sa section. Le major Mackie a aussi rappelé que la décision de continuer les séances d'information sur les opérations au Kosovo et de laisser le capitaine Poulin à ce poste avait été prise par la haute direction, aux Affaires publiques et qu'elle n'était pas de son ressort.
 

Questionné par mes enquêteurs, le capitaine(M) Frewer a déclaré que le major Mackie n'avait pas pris part à la décision de muter le capitaine Poulin de la section du projet sur le bogue de l'an 2000. Le capitaine(M) Frewer a déclaré qu'il avait pris la décision de muter le capitaine Poulin. Il était aussi au courant que le capitaine Poulin avait présenté une demande en redressement de grief concernant son rapport d'appréciation que le major Mackie avait rédigé. Le capitaine(M) Frewer a également confirmé à mes enquêteurs que le capitaine Poulin n'avait été avisé de sa mutation du projet sur le bogue de l'an 2000 qu'après son retour de vacances en août 1999.
 

Les entrées au journal du capitaine Poulin concernant le major Mackie, sont révélatrices des relations de travail qu'entretenaient le major Mackie et le capitaine Poulin telles que vues par ce dernier. En novembre 1998, le capitaine Poulin note des situations dans lesquelles le major Mackie semble s'inquiéter du bien-être du capitaine Poulin et comprendre le stress qu'il subit à cause de l'intérêt persistant de certains représentants des médias. En janvier 1999, le capitaine Poulin remarque que le capitaine Mackie considère que l'implication du capitaine Poulin dans l'enquête administrative proposée et ses plaintes contre la police militaire nuisent à son travail. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire ici d'entrer dans les particularités, mais on peut dire que le capitaine Poulin devient plus critique dans son journal à l'endroit du leadership du major Mackie.
 

Conclusions

Je ne pense pas que Ie capitaine Poulin a été muté de la section du projet sur le bogue de l'an 2000, par le major Mackie, par représailles pour avoir déposé un grief à propos de son rapport d'appréciation. En fait, il semblerait que le capitaine(M) Frewer et non pas le major Mackie ait pris la décision d'empêcher le capitaine Poulin de retourner à la section et de plutôt le garder aux séances d'information sur les opérations de l'OTAN au Kosovo.
 

Je pense que le capitaine Poulin n'était pas de mauvaise foi en prétendant qu'il était victime de représailles. À mon sens, sa perception que le major Mackie l'avait muté à cause du grief qu'il avait déposé, est un excellent exemple de la façon dont sa méfiance à l'égard du leadership de l'institution l'a amené à percevoir toutes les décisions qui sont prises à son endroit. Comme je l'ai indiqué précédemment, il apparaît que ce manque de confiance a pour origine, au moins en partie, le fait qu'il n'avait pas reçu de réponse aux allégations préoccupantes qu'il avait faites au lieutenant-général Leach, en 1996.
 

Table des matières
 

C. Allégation contre le lieutenant-colonel A. F. Robertson

Allégation : Commentaires inappropriés dans une lettre à propos du capitaine Poulin

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 28 juillet 1998, le lieutenant-colonel Robertson a écrit, à un autre officier supérieur, une lettre militaire officielle qui était diffamatoire à mon égard. C'était tout à fait inappropriée pour un officier supérieur. C'était d'autant plus désobligeant qu'il ne s'est jamais excusé pour avoir tenu ces propos diffamatoires, jusqu'à ce que je prenne un avocat. (sic)

 
Le lieutenant-colonel Robertson a répondu par écrit, le 12 mars 2001, au rapport intérimaire. Ses commentaires ont été soigneusement étudiés et des éclaircissements ont été apportés à ce rapport final chaque fois que c'était nécessaire.
 

Mes enquêteurs ont interrogé le lieutenant-colonel Robertson dans son bureau du Quartier général de l'unité de milice Stormont, Dundas and Glengary Highlanders, à Cornwall, dont il est le commandant. Il était auparavant chef d'état-major par intérim du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne à Kingston, lorsque le colonel Labbé en était le commandant et que le capitaine Poulin était un étudiant.
 

Il a écrit une lettre au colonel Labbé, l'assurant de son soutien face aux allégations du capitaine Poulin et à l'enquête qui a suivi. Sa lettre, datée du 28 juillet 1998, a été écrite sur du papier à en-tête de la Stormont, Dundas and Glengarry Highlanders et adressée au domicile du colonel Labbé. Cette lettre décrivait le capitaine Poulin et ses actions dans un langage peu flatteur et était très critique à son égard.
 

Le colonel Labbé a fourni une copie de cette lettre de soutien aux enquêteurs du Service national des enquêtes des Forces canadiennes au cours de l'enquête dont il a fait l'objet. Le capitaine Poulin a obtenu une version éditée de cette même lettre, le 31 mars 1999, par le biais de l'Accès à l'information. Une copie de la lettre du lieutenant-colonel Robertson contenant le texte complet a été obtenue du Service national des enquêtes des Forces canadiennes par mes enquêteurs. Le colonel Labbé a remis cette lettre au Service national des enquêtes, avec un message électronique provenant d'un autre ancien membre du personnel du collège parce qu'ils appuyaient ses affirmations selon lesquelles sa conduite était irréprochable.
 

La lettre du lieutenant-colonel Robertson suggérait que les allégations initiales du capitaine Poulin contre le colonel Labbé étaient motivées par le mécontentement que lui avaient causé ses résultats de cours au Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre. Des extraits de cette lettre ont été publiées dans le quotidien Ottawa Citizen et la revue Esprit de Corps.
 

Le lieutenant-colonel Robertson a déclaré de façon non-équivoque à mes enquêteurs qu'il n'avait pas voulu que sa lettre au colonel Labbé soit rendue publique et que cela commençait à lui causer de l'embarras. Il a aussi déclaré qu'il voulait donner son opinion en privé et que s'il avait su que cela aboutirait sur la place publique, il n'aurait jamais écrit cette lettre. Il est d'avis que la divulgation de sa lettre par le ministère de la Défense nationale contrevient à la politique du Ministère et à son droit à la confidentialité.
 

Le lieutenant-colonel Robertson a raconté que lorsque sa lettre est devenue publique, son commandant de brigade (33ème Brigade), le colonel Robert Chapman et l'ancien commandant du secteur Centre de la Force terrestre, le major-général Walter Holmes, ont pris des mesures administratives contre lui parce qu'il avait rédigé sa lettre sur du papier à en-tête de l'unité.
 

Le 20 octobre 2000, mes enquêteurs se sont rendus à l'unité de soutien des Forces canadiennes (Ottawa), au 5e étage, 101, promenade du Colonel By, à Ottawa et ont examiné le dossier militaire personnel du lieutenant-colonel Robertson. Ils n'ont rien trouvé sur sa lettre au colonel Labbé.
 

Le 27 octobre 2000, mon enquêteur a communiqué par téléphone avec le colonel Chapman et lui a demandé s'il se souvenait d'une quelconque mesure administrative prise contre le lieutenant-colonel Robertson. Le colonel Chapman ne se rappelait pas quelle mesure précise avait été prise, mais il se rappelait, par contre, que c'était surtout le major-général Holmes qui s'était chargé de cette affaire. Mon enquêteur a demandé au colonel Chapman si cette mesure administrative avait été mentionnée dans son rapport d'appréciation sur le lieutenant-colonel Robertson. Le colonel Chapman a indiqué que bien que ce soit effectivement lui qui fait le rapport d'appréciationsur le lieutenant-colonel Robertson, il ne se rappelait plus s'il en avait fait mention ou pas.
 

Le 27 octobre 2000, le major-général Holmes a envoyé un message électronique à mon enquêteur en réponse à sa demande de renseignement sur le rôle qu'il avait éventuellement joué dans l'imposition d'une mesure administrative contre le lieutenant-colonel Robertson :

 

... voici ce que je me rappelle au sujet du lieutenant-colonel Robertson. On m'avait fourni les parties de la lettre qu'il avait écrite au colonel Labbé et contenant seulement les commentaires qu'il y avait fait à l'endroit du capitaine Poulin. Je ne me rappelle plus le mécanisme utilisé, mais on m'avait dit que le capitaine Poulin accepterait une lettre d'excuses par l'intermédiaire de son commandant de brigade ... Pour ce qui est de cette mesure administrative, je ne me rappelle pas si elle a été exigée et appliquée.

 
Après que le capitaine Poulin eut pris connaissance de la lettre du lieutenant-colonel Robertson au colonel Labbé, il a essayé d'obtenir les services d'un avocat aux frais de l'État. Sa demande avait été rejetée par les Forces canadiennes parce qu'elle ne répondait pas aux critères d'admissibilité établis par le Conseil du Trésor du gouvernement du Canada. En particulier, la politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et la prestation de services juridiques à ces derniers du Secrétariat du Conseil du Trésor (paragraphe 4.c) stipule que :  « inlLe gouvernement a pour politique de ne pas fournir d'aide juridique pour les réclamations ou les actions entamées par les fonctionnaires. »  La demande du lieutenant-colonel Robertson pour des conseils juridiques défrayés par l'État, avait aussi été refusée parce que l'on avait estimé que sa lettre au colonel Labbé ne  « répondait pas aux attentes du Ministère.  » 
 

Au bout du compte, le capitaine Poulin avait retenu les services d'un avocat à ses propres frais. Dans sa réponse au rapport intérimaire, le lieutenant-colonel Robertson a indiqué que lorsque sa lettre au colonel Labbé a été rendue publique, il a pris l'initiative de consulter son avocat à qui il a demandé d'envoyer des excuses à l'avocat du capitaine Poulin.
 

Conclusions

La lettre du lieutenant-colonel Robertson au colonel Labbé contenait des propos acerbes et critiques à l'endroit du capitaine Poulin. Bien que cela n'ait pas été à son avantage, il maintient que cette lettre reflétait son opinion personnelle et privée à l'attention exclusive du colonel Labbé. Cette affirmation est corroborée par le format non officiel de la lettre et le fait qu'il l'ait envoyée au domicile du colonel Labbé.
 

Je ne mets pas en doute l'affirmation du lieutenant-colonel Robertson qu'il n'avait jamais été question que sa lettre au colonel Labbé soit communiquée à qui que ce soit d'autre. Dans ce sens, il n'est pas raisonnable d'y voir un acte de représailles contre le capitaine Poulin. Il n'en demeure pas moins que la divulgation ultérieure de cette lettre a contribué à créer chez le capitaine Poulin cette perception de représailles et de vengeance. Même s'il n'était pas dans l'intention du lieutenant-colonel Robertson de rendre son opinion publique, la différence de grade entre les deux et le fait que la lettre avait été écrite sur du papier en-tête régimentaire des Forces canadiennes ne pouvaient qu'induire, chez le capitaine Poulin, l'idée qu'il était victime d'une injustice.
 

Remboursement defrais juridiques encourus

En dépit de l'intention du lieutenant-colonel Robertson de faire part de sa mauvaise opinion du capitaine Poulin exclusivement au colonel Labbé, le capitaine Poulin a été victime d'une injustice causée par la divulgation ultérieure de cette lettre. Ayant appris qu'il avait fait l'objet de telles remarques négatives dans une lettre échangée entre deux officiers supérieurs, il n'était pas déraisonnable de la part du capitaine Poulin de s'attendre à une quelconque forme officielle de réparation.
 

Dans les circonstances, sa décision de faire appel à un avocat, aux frais de l'État, pour se faire conseiller sur les formes de réparation possibles, n'était pas non plus déraisonnable. Sa demande dans ce sens a été rejetée par le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes sous le prétexte que sa situation ne répondait pas aux critères établis par le Conseil du Trésor pour l'indemnisation des fonctionnaires.
 

Je suis d'avis que même si le capitaine Poulin n'était pas admissible à des frais juridiques payés par l'État, en vertu des lignes directrices du Conseil du Trésor, il est injuste qu'il ait dû encourir des dépenses personnelles pour s'informer sur ses garanties juridiques et tenter de remédier à tout préjudice éventuel qui pourrait découler des commentaires écrits du lieutenant-colonel Robertson, dans sa lettre au colonel Labbé.
 

Je suis d'avis que le capitaine Poulin devrait être indemnisé par les Forces canadiennes pour ses frais d'avocat réels encourus dans cette affaire et que cette indemnisation peut lui être accordée en vertu des lignes directrices du Conseil du Trésor qui prévoient des paiements ex gratia.
 

Recommandation de l'Ombudsman

Je recommande donc que :
 

10. Les Forces canadiennes fassent, au capitaine Poulin, un paiement ex gratia équivalent aux frais juridiques que le capitaine Poulin a dû engager pour retenir les services d'un avocat et se faire conseiller sur ses options de réparation à la suite des commentaires dont il a été l'objet dans la lettre que le lieutenant-colonel Robertson a envoyé au colonel Labbé.
 

Je suis heureux de pouvoir rendre compte que dans sa réponse au rapport intérimaire, le chef d'état-major de la Défense a déclaré que " Votre recommandation est pleine de bon sens " et a invité le capitaine Poulin à soumettre une demande de paiement dans ce sens.
 

Dossier personnel du lieutenant-colonel Robertson

Au cours de l'enquête, mes enquêteurs n'ont trouvé aucune trace dans le dossier personnel du lieutenant-colonel Robertson de mesure administrative prise contre lui. Ses anciens supérieurs n'ont pu fournir qu'une information vague sur ce qui avait été fait.
 

Dans le rapport intérimaire, j'ai déclaré que cette situation devrait être corrigée et que toute action administrative entreprise devrait être documentée comme il faut dans le dossier personnel du lieutenant-colonel Robertson.
 

Recommandation de l'Ombudsman

Je recommande donc que :
 

11. Le chef d'état-major de la Défense ordonne un examen de la mesure administrative prise contre le lieutenant-colonel Robertson et ordonne que cette mesure soit documentée comme il faut dans le dossier personnel de ce dernier.
 

Dans sa réponse au rapport intérimaire, le 16 mars 2001, le chef d'état-major de la Défense a déclaré qu'il acceptait cette recommandation et qu'il avait donné ordre au Chef d'état-major de l'Armée de terre de procéder à un tel examen. Le 24 avril 2001, le chef d'état-major de la Défense m'a fourni une copie de la réponse du Chef d'état-major de l'Armée de terre, datée du 23 avril 2001 dans laquelle il indiquait qu'une mesure administrative avait été prise mais qu'elle n'avait pas été versée au dossier personnel du lieutenant-colonel Robertson à ce moment-là. Il m'a par ailleurs assuré que son dossier était maintenat mis à jour adéquatement.
 

Table des matières
 

D. Allégations contre le colonel Paul Maillet

Allégation 1 : Refus injuste d'inscrire le capitaine Poulin sur la liste des orateurs prévus lors de la conférence des Forces canadiennes sur l'éthique, en octobre 1998

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 13 octobre 1998, après avoir lu le texte provisoire de l'allocution que je devais prononcer à la Conférence sur l'éthique de la Défense, en octobre 1998, le colonel Maillet est intervenu directement pour m'empêcher de faire ma présentation.
 

Jusqu'alors, l'exposé que je devais faire avait été sollicité et approuvé par ses subalternes - les organisateurs de la conférence (le capitaine Heather MacQuarrie et le major Denis Beauchamp).

 
Le capitaine Poulin indique par ailleurs dans sa plainte écrite que le chef - Service d'examen, le major-général Penney, a lui aussi agi de façon inadéquate en l'empêchant de faire son exposé lors de la Conférence sur l'éthique de la Défense. Dans la portion suivante de sa plainte au sujet du major-général Penney, il précise que :
 

Vers le 13 octobre 1998, après avoir lu le texte provisoire de l'exposé que je devais faire à la Conférence sur l'éthique de la Défense, en octobre 1998, le major-général Penney est intervenu directement pour m'empêcher de faire mon exposé. Jusqu'alors, l'exposé que je devais faire avait été sollicité et approuvé par plusieurs de ses subalternes - qui étaient au nombre des organisateurs de la conférence (c.-à-d. le capitaine Heather MacQuarrie et le major Denis Beauchamp).

 
Le colonel Maillet a répondu, le 20 mars 2001, à la portion du rapport intérimaire qui le concernait, indiquant qu'il n'avait rien à y ajouter.
 

Le colonel Maillet est chef du Programme d'éthique des Forces canadiennes et le responsable de la Conférence sur l'éthique de la Défense, qui s'est tenue en octobre 1998. Mes enquêteurs ont interrogé le colonel Maillet à son bureau du 101, promenade du Colonel By. Il a indiqué que le capitaine Poulin avait répondu à un appel général pour des communications à présenter lors de la Conférence sur l'éthique de la Défense. Il croyait que c'était le capitaine Heather MacQuarrie, qui travaillait sous ses ordres, à l'organisation de la conférence, qui avait invité le capitaine Poulin à soumettre une communication.
 

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin explique comment il a compris que se faisait la présentation des communications à la conférence :
 

Vers le 10 septembre 1998, j'ai reçu un appel téléphonique du capitaine Heather MacQuarrie, qui m'informait qu'elle était intéressée à ce que je me joigne à un groupe d'experts qui participeraient à la Conférence sur l'éthique de la Défense, prévue pour les 20 et 21 octobre 1998. Avant que j'ai pu prendre la parole, elle avait ajouté que je devrais néanmoins me conformer aux critères suivants : 1) Ma communication devrait répondre à la question : " La protection contre les représailles est-elle suffisante ? Dans la négative, comment cela touche-t-il la volonté du plaignant de poursuivre? ; 2) Aucun nom de personne ne devrait être mentionné lors de ma présentation ; 3) L'enquête du Service national des enquêtes sur ma note de service du 9 juillet 1996 devrait être terminée ; 4) L'organisateur de la Conférence devrait approuver le texte avant sa présentation à la Conférence ; 5) Mon patron devrait donner son accord. J'avais accepté toutes ces conditions et j'avais commencé à préparer ma communication.

 
Le colonel Maillet a rapporté à mes enquêteurs que le capitaine MacQuarrie lui avait remis une copie de la communication du capitaine Poulin. Il a dit penser que l'article du capitaine Poulin n'avait pas sa place à la conférence car il y était fait mention d'allégations de harcèlement et de représailles précises. Il a ajouté qu'il avait abordé la question avec le major-général Penney et que ce dernier avait aussi conclu que l'exposé proposé par le capitaine Poulin n'était pas approprié au forum de la conférence.
 

Le colonel Maillet a donné deux raisons de ne pas avoir inclus le capitaine Poulin au nombre des orateurs. Premièrement, il a expliqué que le format même de la conférence ne permettait pas de débattre de cas en litige et que l'on pensait que l'ébauche de communication qu'avait préparée le capitaine Poulin ne se prêtait pas à un forum de conférence qui ne permettait pas une discussion équilibrée de divers points de vue. Deuxièmement, il indique que lors de sa conversation avec le major-général Penney, ce dernier avait précisé qu'il ne croyait pas approprié de permettre au capitaine Poulin de faire son exposé, car l'enquête du Service national des enquêtes sur ses allégations n'était pas terminée.
 

Mes enquêteurs ont interrogé le capitaine Heather MacQuarrie, le 14 décembre 1999, en tant que témoin. Le capitaine MacQuarrie était l'une des personnes responsables de l'organisation de la conférence de 1998 sur l'éthique. Elle a déclaré que le capitaine Poulin avait répondu au message général des Forces canadiennes, daté du 15 juillet 1998, dans lequel on annonçait la conférence et on invitait les membres intéressés à poser leur candidature à l'un des cinq postes d'orateurs à une table ronde. Elle se rappelait que le capitaine Poulin l'avait appelée au sujet de l'enquête, pour lui dire que le thème de la table ronde l'intéressait vivement et que c'était de surcroît très pertinent, étant donnée sa situation personnelle. Elle souhaitait inclure le nom du capitaine Poulin à la liste des orateurs et a déclaré qu'elle avait reçu par télécopieur les notes de présentation du capitaine Poulin, le 8 octobre 1998. Elle a indiqué que :
 

... je me préoccupais tout d'abord du capitaine Poulin et de son bien-être personnel et l'ai prié de parler au colonel Maillet; ce qu'il a fait. J'ai donc remis au directeur du Programme d'éthique, le colonel Maillet, une copie de la communication du capitaine Poulin. Je croyais vraiment pouvoir faire quelque chose, mais au fil du temps, le capitaine Maillet a pu étudier la question, rencontrer le capitaine Poulin, ainsi que le général Penney, auprès de qui il a soulevé la question de la situation (personnelle du capitaine Poulin). Il fut alors constaté que le texte de l'exposé (du capitaine Poulin) contrevenait à la règle établie car il y était fait mention d'un cas précis qui faisait alors l'objet d'une enquête.
 

Nous n'avions aucune certitude que l'enquête serait achevée avant la conférence qui aurait lieu les 20 et 21 octobre. La directive que j'avais alors reçue, m'interdisait d'inclure le capitaine Bruce Poulin à ma table ronde puisque son cas faisait l'objet d'une enquête en cours.

 
Du point de vue du capitaine Poulin, l'enquête conduite par le Service national des enquêtes, au sujet de ses allégations contre le colonel Labbé et de son allégation d'inaction contre le lieutenant-général Leach, ne l'empêchait pas de faire son exposé à la conférence. Il a indiqué que, le 2 octobre 1998, il s'était adressé à l'enquêteur principal du Service national des enquêtes, le commander Moore, à propos de ce dossier, et qu'il s'était assuré auprès de lui que l'exposé qu'il comptait faire à la conférence, ne posait pas problème. Le commander Moore avait confirmé à mes enquêteurs que le capitaine Poulin cherchait à savoir si le fait qu'il fasse un exposé, à la Conférence sur l'éthique de la Défense, posait problème du point de vue du Service national des enquêtes et qu'il avait répondu par la négative.
 

Des copies des deux rapports pertinents à l'enquête du Service national des enquêtes indiquent que les rapports d'enquête ont été achevés en août et en octobre 1998. Les deux rapports ont été approuvés et signés par le Grand Prévôt, le brigadier-général Samson, le 23 octobre 1998.
 

Le capitaine MacQuarrie a indiqué qu'elle avait alors compris que le colonel Maillet avait abordé avec le Chef-Services d'examen, le major-général Penney, la question des notes d'allocution préparées par le capitaine Poulin. Le capitaine MacQuarrie se rappelait que c'est à ce moment là que le colonel Maillet l'a informée que le capitaine Poulin ne pouvait faire de présentation à la conférence.
 

Mes enquêteurs ont interrogé le major Denis Beauchamp qui, tout comme le capitaine MacQuarrie, a été un des organisateurs de la Conférence sur l'éthique de la Défense. Le major Beauchamp a déclaré qu'il avait rencontré le capitaine Poulin car certaines parties de ses notes d'allocution ne répondaient pas aux critères imposés aux présentations qui seraient faites à la conférence. Il a expliqué que, dans certaines sections des notes d'allocutions, des personnes étaient nommées qui étaient liées à certaines allégations. Mais il a ajouté qu'à la fin de leur rencontre, il lui semblait possible que le capitaine Poulin puisse faire sa présentation dans la mesure où il y ferait quelques changements. Le capitaine Poulin avait accepté de modifier les points de son exposé que le major Beauchamp avait jugé inappropriés à la conférence. Le major Beauchamp ne s'expliquait pas pourquoi le capitaine Poulin avait finalement été empêché de faire son exposé, autrement que par le fait que le colonel Maillet et le major-général Penney en avaient décidé ainsi.
 

Le major-général Penney a confirmé à mes enquêteurs qu'il avait lui-même pris la décision d'empêcher le capitaine Poulin de faire son exposé à la conférence. Il a déclaré :
 

Lorsque le texte (du capitaine Poulin) m'est parvenu, je l'ai examiné en compagnie du Directeur de l'éthique, le colonel Maillet ... Dans cet exposé ... faisait état de la façon dont il était traité. En fait, il s'agissait d'accusations. Ce qui m'importait, c'était que nous puissions tenir une conférence sur l'éthique qui permettrait un dialogue sur les problèmes d'éthique qui se posaient. Nous ne voulions pas que quelqu'un s'installe derrière le lutrin et accuse des personnes, dans la salle, de l'avoir traité injustement. ... je ne croyais pas que la conférence sur l'éthique était la plateforme pour de telles accusations.

 
Le major-général Penney a ajouté qu'il s'était adressé au chef d'état-major de la Défense à ce propos et l'avait informé de sa décision de ne pas permettre au capitaine Poulin de faire son exposé. Il a indiqué que le chef d'état-major de la Défense était d'accord avec son évaluation de la situation et que, s'il n'était pas approprié que le capitaine Poulin fasse son exposé la conférence, ses allégations de harcèlement et de représailles devaient être examinées. Plus tard, le Service du Directeur-Enquêtes et examens spéciaux, une division du Chef-Services d'examen, a reçu l'ordre d'ouvrir une enquête administrative sur les allégations de harcèlement et de représailles contenues dans l'exposé que le capitaine Poulin voulait faire. Cette enquête administrative n'a finalement jamais commencé et l'affaire a été remise à mon Bureau, comme c'est expliqué ailleurs dans le présent rapport.
 

Le colonel Maillet a affirmé avoir informé le capitaine Poulin que son exposé ne pourrait être présenté à la conférence et que ce dernier avait semblé accepter l'explication et avait accepté de retirer sa communication.
 

Le capitaine Poulin a confirmé avoir reçu un appel téléphonique du colonel Maillet qui lui annonçait qu'après examen minutieux de son exposé et après en avoir discuté avec le major-général Penney, Chef-Services d'examen, il avait été décidé de transmettre le texte de son exposé au Directeur-Enquêtes et examens spéciaux qui mènerait sa propre enquête et en transmettrait directement les résultats au général Baril. Cependant, le capitaine Poulin a souligné qu'il n'était pas satisfait de la manière dont l'affaire avait été résolue et il a ajouté qu'à posteriori, il trouvait que  « une conversation sur la nécessité d'une enquête administrative immédiate, sans en avoir d'abord étudié les détails et sans ma participation, me semblait une tentative bien maladroite d'empêcher que mon cas attire l'attention de l'Ombudsman et/ou des médias.  »  
 

Conclusions

Je ne crois pas que la décision d'interdire au capitaine Poulin de faire son exposé à la Conférence sur l'éthique de la Défense, ait été prise de mauvaise foi ni que le major-général Penney ait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée. Je ne crois pas non plus que le colonel Maillet ait agi de façon inappropriée ni ait abusé de son autorité ou de son pouvoir discrétionnaire dans sa réponse à la demande du capitaine Poulin d'être autorisé à faire sa présentation à la conférence.
 

Les principales raisons qui ont motivé la décision d'interdire au capitaine Poulin de prendre la parole lors de la Conférence sur l'éthique de la Défense sont qu'il apparaissait inapproprié de faire des allégations de harcèlement et de représailles précises dans le cadre d'une conférence, particulièrement si ces allégations n'avaient pas encore fait l'objet d'enquête et si les personnes visées dans ces allégations n'avaient pas eu la chance d'être entendues ou d'exprimer leurs points de vue. La situation était d'autant plus délicate que les personnes que le capitaine Poulin jugeait responsables du harcèlement et des représailles dont il se prétendait victime, n'étaient pas encore au courant qu'elles seraient impliquées et qu'elles seraient facilement identifiables au sein du Quartier général de la Défense nationale. Je suis donc tout à fait convaincu qu'il n'était nullement inapproprié ni arbitraire de prendre ces éléments en considération et interdire au capitaine Poulin de prendre la parole lors de la conférence.
 

Je ne crois pas davantage que cette interdiction ait été une manœuvre visant à empêcher une enquête approfondie sur les allégations du capitaine Poulin. Cela est renforcé par le fait que le major-général Penney a pris l'initiative de rencontrer le chef d'état-major de la Défense et qu'il ait été décidé de transmettre sur-le-champ les allégations du capitaine Poulin au Bureau du Chef-Services d'examen pour un examen administratif approfondi. À vrai dire, il semble bien que cette décision ait aussi eu pour but de ne pas nuire à la conduite de toute enquête ou examen de ces allégations en dévoilant ces dernières devant la communauté de la Défense nationale avant que les personnes impliquées aient pu y répondre.
 

Une autre raison qui a motivé cette décision, était que les résultats de l'enquête du Service national des enquêtes sur les allégations contre le colonel Labbé et le lieutenant-général Leach, n'avaient pas encore été approuvés par le Grand Prévôt des Forces canadiennes. Même si le capitaine Poulin avait obtenu confirmation du commander Moore, chef enquêteur du Service national des enquêtes, que son exposé ne posait pas problème, d'un point de vue d'enquêteur, il n'en reste pas moins vrai que cet exposé était directement relié aux allégations que le capitaine Poulin avait faites contre le colonel Labbé et le lieutenant-général Leach, allégations qui faisaient toujours l'objet d'une enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes et, qu'à ce titre, les autorités des Forces canadiennes étaient tout à fait fondées dans leur décision d'interdire que le capitaine Poulin fasse son exposé tant que les résultats d'enquête officiels n'auraient pas été approuvés et annoncés publiquement par les Forces canadiennes.
 

Allégation 2 : Commentaires inexacts aux médias, sur les raisons pour lesquelles le capitaine Poulin n'a pas été inscrit sur la liste des orateurs prévus lors de la conférence des Forces canadiennes sur l'éthique, en octobre 1998

Le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 20 octobre 1998, le colonel Maillet s'est également adressé à des journalistes de la presse nationale et de la télévision et ne leur a pas donné les raisons exactes pour lesquelles on m'avait interdit de faire mon exposé qui relatait les représailles dont je suis l'objet depuis le 17 juin 1998, date à laquelle ma note de service du 9 juillet 1996 a été rendue publique. Il a dit que je ne pouvais faire mon exposé à la Conférence sur l'éthique de la Défense parce qu'une enquête pénale et administrative était en cours et que certains interrogatoires étaient déjà entamés, ce qui m'interdisait de parler de mon cas.
 

Cette information inexacte donnée aux médias par le colonel Maillet, le 20 octobre 1998, vers 9 h 45, aurait dû être rectifiée en vertu de la politique des Affaires publiques, en date du 1er mars 1998, sur les directives et ordonnances administratives de la Défense, qui stipulent que : " En consultation avec la Direction générale - Affaires publiques ou l'officier supérieur d'état-major - Affaires publiques, les commandants et les gestionnaires doivent prendre rapidement les mesures de relations publiques requises pour corriger toute erreur factuelle, déformation de propos et information trompeuse attribuées au ministère de la Défense nationale / Forces canadiennes. "

 
Le colonel Maillet a indiqué à mes enquêteurs qu'il avait participé au point de presse à la demande du chef d'état-major. Le point de presse a eu lieu pendant les préparatifs de la Conférence sur l'éthique de la Défense. Il se rappelait avoir dit aux médias pourquoi le capitaine Poulin ne pouvait participer à la conférence. il avait dit avoir informé les médias qu'une enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes portant sur la conduite du colonel Labbé et des actions du lieutenant-général Leach était en cours et que c'était pour cette raison qu'il n'était pas approprié que le capitaine Poulin prenne la parole à la Conférence sur l'éthique de la Défense. Mes enquêteurs se sont procuré une transcription de ce point de presse. Y figurait le commentaire du colonel Maillet suivant :  « Nous avons imposé certaines conditions aux personnes qui présentaient une communication, dont celle de ne pas faire d'observations sur des cas qui étaient toujours sous enquête. » 
 

La Conférence sur l'éthique de la Défense s'est déroulée les 20 et 21 octobre 1998. Mes enquêteurs ont pu attester que les résultats officiels des enquêtes sur les allégations contre le colonel Labbé et le lieutenant-général Leach n'ont pas été approuvés par le Grand Prévôt des Forces canadiennes avant le 23 octobre 1998. Les résultats finaux de cette enquête ont été rendus publics par les Forces canadiennes dans un communiqué de presse daté du 26 octobre 1998.
 

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 13 octobre 1998, alors que je travaillais pour le Bureau de liaison avec les médias, j'ai reçu un appel téléphonique du colonel Paul Maillet (chef de groupe pour le Programme d'éthique de la Défense) qui souhaitait me dire qu'il avait lu le texte de mon exposé et qu'il y avait là matière à lancer une autre enquête sur les présumées représailles dont j'aurais été victime. Il m'avait dit qu'il préférait que les enquêtes conduites par le Service national des enquêtes soient achevées avant que je fasse mon exposé. Je lui avais alors répondu que le Service national des enquêtes avait vu mon exposé et m'avait dit que cela n'entravait en rien la conduite de leur enquête pénale. Le colonel Maillet a alors ajouté que mon exposé pouvait incommoder certaines personnes de l'auditoire.
 

J'ai répondu que le fait de m'interdire, moi (témoin dans une enquête du Service national des enquêtes), de prendre la parole tout en permettant au lieutenant-général Leach (sujet d'une enquête du Service national des enquêtes), de le faire, mettrait en évidence une pratique de deux poids, deux mesures. À la fin de notre entretien, j'avais néanmoins accepté de me retirer de la liste des orateurs.
 

Le colonel Maillet s'était dit reconnaissant de mon attitude et avait souligné que le fait qu'il m'ait recommandé de ne pas prendre la parole à la conférence ne devait pas être interprété comme des représailles qui s'ajouteraient à celles dont je prétendais être l'objet. Il m'avait également suggéré d'envoyer une copie de mon exposé à l'Ombudsman. Je me suis conformé à sa demande et ai transmis une copie de la version préliminaire de mon exposé.

 
Mes enquêteurs ont examiné le programme de la conférence des Forces canadiennes sur l'éthique, prévue pour octobre 1998. Rien n'indique qu'on aurait autorisé le lieutenant-général Leach ou le colonel Labbé de prendre la parole, à titre officiel, sur des questions relatives aux enquêtes en cours du Service national des enquêtes des Forces canadiennes.
 

Dans ses notes manuscrites inscrites à son journal en date du 19 octobre 1998, le capitaine Poulin confirme qu'une enquête administrative sur les allégations formulées dans son exposé avait été entamée par le Chef-Services d'examen. Il rapporte également qu'il a rencontré, à cette fin, le lieutenant-colonel Deschênes, de la section des Enquêtes et examens spéciaux du Service d'examen. À ce point, cependant, il a précisé dans son journal que  « j'attendrai de voir les résultats de l'enquête du Service national des enquêtes avant de solliciter l'aide du major Deschênes et de poursuivre l'enquête administrative pour harcèlement. » 
 

Conclusions

Le message que le colonel Maillet a transmis aux médias, lors de sa déclaration, semble indiquer que la communication du capitaine Poulin ne pouvait être présentée à la conférence en raison d'enquêtes déjà en cours. Je ne crois pas que les propos du colonel Maillet ou le message qu'ils véhiculaient, aient été imprécis ou aient pu porter à confusion.
 

Malgré que plusieurs raisons aient justifié que l'on interdise au capitaine Poulin de faire son exposé à la conférence, il n'était ni imprécis ni inexact de mentionner celle relative aux enquêtes en cours pour expliquer cette décision. Comme je l'ai mentionné plus haut, même si le capitaine Poulin a obtenu confirmation de la part du commander Moore, en sa qualité de chef enquêteur du Service national des enquêtes, que son exposé n'entravait pas la conduite de son enquête, il demeure qu'il était du ressort du Chef-Services d'examen de décider si les propos contenus dans l'exposé du capitaine Poulin pouvaient ou non être rendus publics avant que les résultats officiels de l'enquête soient approuvés et divulgués. De plus, au moment de la conférence et des déclarations faites aux médias par le colonel Maillet, les autorités des Forces canadiennes avaient déjà décidé que les allégations du capitaine Poulin seraient examinées lors d'une enquête administrative, dont le Chef-Services d'examen avait déjà ordonné le lancement. Même si le capitaine Poulin avait décidé d'attendre que soient connus les résultats de l'enquête du Service national des enquêtes avant de passer à un examen administratif, il faut reconnaître que le Chef-Services d'examen était moralement obligé de donner suite aux allégations formulées dans ses notes d'allocution. Ce qui ne change en rien le bien-fondé de la décision qui, en interdisant au capitaine Poulin de prendre la parole à la conférence, avait pour motif d'empêcher que la conduite d'une enquête en cours soit compromise ou entachée par des déclarations à propos d'incidents faisant l'objet de cette enquête étaient faites au cours de la conférence.
 

Table des matières
 

E. Allégations contre le major-general Keith Penney

Le major-général Penney a répondu par écrit, le 6 mars 2001, à la partie du rapport intérimaire qui le concernait, déclarant " Après avoir étudié ce rapport, je le trouve factuel et je n'ai rien à y ajouter.
 

Allégation 1 : Refus injuste d'inscrire le capitaine Poulin sur la liste des orateurs prévus lors de la conférence des Forces canadiennes sur l'éthique, en octobre 1998

Cette allégation contre le major-général Penney est la même que la première allégation faite contre le colonel Maillet et elle est examinée dans cette section de mon rapport.
 

Allégation 2 : Sélection d'un enquêteur en matière de harcèlement qui était sous contrat avec le Ministère et entrave aux tentatives de résolution des plaintes

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 28 octobre 1998, le major-général Penney m'a adressé une note de service (7045-72(CS) m'indiquant que les plaintes (contenues dans le texte préliminaire de mon exposé pour la Conférence sur l'éthique de la Défense, des 20 et 21 octobre 1998) sont " ... d'une nature telle qu'elles nous obligent à intervenir. Nous avons décidé d'ouvrir une enquête administrative. " Le major-général Penney a aussi indiqué qu'on avait retenu les services de J. Maurice Cantin, du Québec " ... pour examiner les allégations ...
 

Malgré que j'ai maintes et maintes fois rappelé, par écrit, mes réserves à l'égard du choix (fait par le général Penney) de faire appel à J. Maurice Cantin dont les services étaient fréquemment retenus par le ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes, pour mener des enquêtes aussi délicates, le major-général a maintenu son choix, affirmant que seul M. Cantin était disponible et apte à traiter mes plaintes.

 
Plus loin dans sa plainte, le capitaine Poulin continue :
 

Vers le 14 janvier 1999, le major-général Penney m'a envoyé une note de service (7045-72(CS) dans laquelle il m'informait qu'il avait " demandé à J. Maurice Cantin de mener cette enquête sans délai .... ", tout en sachant que cela, ainsi que les propos précédents, étaient inexacts.
 

Le major-général Penney est grandement responsable d'avoir bloqué toutes mes tentatives de résolution de cette affaire. Ironiquement, pendant toute la période dont il est question (d'octobre 1998 à juillet 1999), je me conformais aux recommandations du major-général Penney lui-même, qui m'avaient été transmises par le biais d'une note de service datée du 21 décembre 1998 et restée sans effet.

 
Le major-général Penney est le chef - Services d'examen pour le compte du ministère de la Défense et des Forces canadiennes. Le rôle de la section des Services d'examen est décrit dans son énoncé de mission. Il consiste à :
 

... fournir des services d'examen au sous-ministre et au chef d'état-major de la Défense en vue de favoriser l'amélioration des politiques, des programmes et des activités du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes et d'aider le personnel civil et militaire à remplir ses fonctions suivant les normes d'éthique les plus élevées.

 
Le major-général Penney est intervenu pour la première fois dans le traitement du cas du capitaine Poulin lorsque les allégations de représailles et de harcèlement ont été portées à son attention par le chef du Programme d'éthique de la Défense, le colonel Maillet. Tel que mentionné plus haut, les allégations de harcèlement formulées par le capitaine Poulin étaient contenues dans le texte de l'exposé qu'il avait présenté aux organisateurs de la Conférence sur l'éthique de la Défense d'octobre 1998. Le major-général Penney avait décidé en dernière analyse qu'il ne serait pas possible de présenter cet exposé à la conférence. Il a néanmoins rencontré le chef d'état-major de la Défense afin de discuter de la situation et il a été convenu d'ordonner une enquête administrative pour faire la lumière sur les allégations du capitaine Poulin. Le 28 octobre 1998, le major-général Penney écrivait au capitaine Poulin, dans le but de l'informer qu'une enquête administrative sur les allégations contenues dans ses notes d'exposé serait entreprise, et que le Chef-Services d'examen avait retenu les services d'un expert-conseil d'expérience, M. Cantin, pour diriger l'enquête.
 

Le capitaine Poulin a donné suite à cette communication le 2 novembre 1998 et a souligné que, même s'il se réjouissait de l'examen administratif, il avait l'impression que l'enquêteur embauché à contrat par le Chef-Services d'examen ne correspondait peut-être pas à ce qu'est un " tiers neutre ". Le capitaine Poulin a indiqué que, selon lui, le fait que l'enquêteur ait déjà collaboré avec le ministère de la Défense l'empêchait d'en arriver à des  « conclusions objectives sur des allégations de représailles... ».
 

Le major-général Penney a donné suite aux préoccupations du capitaine Poulin le 16 novembre 1998 en indiquant :  « in[nous] sommes sensibles à votre désir de voir tout examen concernant ces allégations mené de façon tout à fait impartiale, et nous le respectons; cela ne profiterait à personne si nous agissions autrement. »  Cependant, le major-général Penney a exigé du capitaine Poulin sa collaboration pleine et entière auprès de l'enquêteur à contrat, M. Cantin, afin que ce dernier puisse parvenir à une appréciation exhaustive des faits entourant les allégations avancées par le capitaine Poulin.
 

Le 20 novembre 1998, dans une note de service adressée au major-général Penney, le capitaine Poulin a réitéré ses objections quant à la décision du ministère de la Défense et des Forces canadiennes de maintenir en fonction M. Cantin, et il a décrit à titre de suggestion ce qu'il considère comme des conditions minimum pour qu'un enquêteur puisse mener une enquête neutre et approfondie :
 

  • Une personne étrangère au ministère de la Défense nationale et dont le dossier de candidature révèle que le ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes ne l'a pas choisie dans le passé, pas plus qu'il ne lui aurait attribué de contrats;
     
  • Une personne qui n'attend pas de la part du ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes des possibilités d'emploi;
     
  • Une personne dont la subsistance ne dépend pas des résultats de l'enquête;
     
  • Une personne qui comprend la culture propre aux Forces canadiennes;
     
  • Une personne qui comprend la nature hautement hiérarchisée des Forces canadiennes.
     

Le capitaine Poulin a suggéré, des solutions de rechange possibles :
 

  • Une alternative serait de confier l'enquête à des organisations complètement indépendantes du ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes, incluant mais sans s'y limiter :
     
    • Le Bureau de l'Ombudsman;
       
    • La Commission de la fonction publique (Direction générale des appels et enquêtes);
       

Une équipe d'examen extérieure qui pourrait être composée, entre autres, du juge René Marin, du colonel (à la retraite) Jim Allan, du journaliste, M. Mathew Fisher, du brigadier-général Jim Hansen, du colonel (à la retraite) Michel Drapeau et du journaliste, M. Peter Worthington (journaliste).
 

Malgré les objections formulées par le capitaine Poulin et les solutions de remplacement qu'il proposait pour le choix des enquêteurs, le major-général Penney a signé les conditions d'affectation en date du 7 décembre 1998, qui confiait à M. Cantin le mandat d'enquêter sur les allégations du capitaine Poulin et qui l'enjoignait de remettre un rapport au Chef-Services d'examen avant le 15 février 1999.
 

Dans une note de service en date du 8 décembre 1998, le major-général Penney a donné suite aux objections répétées du capitaine Poulin à la " décision unilatérale " de passer un contrat à M. Cantin pour lui assigner l'enquête. Dans cette correspondance, le major-général Penney a souligné le fait que, lors d'une rencontre entre M. Cantin et le capitaine Poulin, M. Cantin avait expliqué à ce dernier la procédure qu'il allait suivre. Le major-général Penney conclut ainsi :
 

J'ose espérer que cela contribue à augmenter votre degré de confiance envers l'impartialité de l'enquête qui doit être entreprise. Mais malgré tout, M. Cantin a toute la latitude possible pour enquêter sur cette affaire et nous n'avons absolument aucune raison de douter de son objectivité professionnelle. En conséquence de quoi, j'aimerais vous inviter de nouveau à offrir votre entière collaboration (à M. Cantin) en donnant suite à ses demandes d'information sur les représailles que vous auriez subies.

 
Dans une note de service datée du 10 décembre 1998, le capitaine Poulin a exprimé de nouveau au major-général Penney ses craintes :
 

Pour des raisons que j'ignore, votre note de service témoigne d'un certain entêtement à vouloir nommer J. Maurice Cantin pour qu'il procède à l'enquête, même si j'ai clairement exprimé ma crainte selon laquelle sa propension à mener, sur une base contractuelle, des enquêtes semblables pour le compte du ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes, ne le prédispose à une certaine vulnérabilité envers l'institution, particulièrement lorsque, comme c'est le cas ici, les allégations visent des personnes clés au sein de cette institution.

 
Le capitaine Poulin a également demandé qu'on lui fournisse à même les fonds publics un avocat qui l'aiderait à " formuler correctement chacune des allégations que je veux faire ".
 

Le major-général Penney a répondu au capitaine Poulin le 21 décembre 1998 et a précisé :
 

Dans le cas précis de l'allégation que vous avez soulevée, le ministère de la Défense avait l'obligation, dans les circonstances, de faire ouvrir une enquête. Comme vous le savez, cette enquête a été ouverte dès que j'ai été au courant de vos préoccupations et nous avons fait appel aux services d'un enquêteur externe expérimenté et respecté, que mon service a embauché à contrat pour la première fois au cours de l'automne de 1998. Comme je le souligne dans une correspondance précédente, nous avons fait appel aux aptitudes professionnelles et à l'objectivité de cette personne pour examiner les allégations que vous avez formulées. J'ai la responsabilité de déterminer si les enquêteurs embauchés ou mutés ont les qualités nécessaires et l'objectivité que requièrent les mandats qui leur sont confiés. Je n'ai reçu aucune information susceptible de remettre en question mon choix de M. Cantin.

 
Le major-général Penney a poursuivi :
 

... quelques choix s'offrent à vous si vous décidez d'engager des poursuites. Il s'agit, entre autres, de déposer une plainte auprès de l'Ombudsman du ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes, M. André Marin ... de solliciter l'aide du Bureau de règlement extrajudiciaire des conflits, M. P. Sterne ... et/ou de formuler un grief. Pour ce qui est d'obtenir des conseils d'ordre juridique, vous pouvez en faire la demande auprès du Directeur juridique-Réclamations, en vertu de la politique du Conseil du Trésor sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et sur la prestation de services juridiques à ces derniers.

 
En guise de conclusion, le major-général Penney a déclaré :
 

Je tiens à vous assurer de nouveau que mon service s'engage à veiller à ce que vos allégations de représailles soient examinées dans le cadre d'une enquête approfondie. Nous vous remercions de la collaboration que vous offrirez aux enquêteurs à l'avenir.

 
Le capitaine Poulin a répondu dans une note de service en date du 8 janvier 1999 adressée au major-général Penney en déclarant ce qui suit :
 

... malgré ma réelle crainte de partialité de la part du ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes et le choix arbitraire de l'enquêteur/arbitre, votre note de service indique que votre décision sur cette question était déjà prise et qu'aucune des inquiétudes que j'aurais pu formuler ne serait parvenue à remettre en question votre décision.

 
Le capitaine Poulin a alors souligné qu'il était prêt à participer à l'enquête menée par M. Cantin, mais à deux conditions :
 

  1. Que la demande, toujours en suspens, que j'ai faite en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il y a plus de 60 jours, soit acceptée;
     
  2. Qu'on me fournisse les services d'un conseiller juridique; une demande à cet effet sera formulée sous peu.
     

Le capitaine Poulin termine en déclarant que :
 

S'il vous est impossible d'accepter ces clauses conditionnelles, je retirerai mes plaintes et poursuivrai plutôt en m'adressant à l'Ombudsman du ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes. Cependant, tant que les clauses conditionnelles décrites plus haut n'auront pas été approuvées, je demande la suspension de l'enquête.

 
Dans une note de service en date du 14 janvier 1999, le major-général Penney a répondu au capitaine Poulin, prenant acte de son  « consentement conditionnel à collaborer à l'enquête de M. Cantin. »  De plus, il a rappelé au capitaine Poulin qu'il avait  « demandé à J. Maurice Cantin de commencer l'enquête sans délai .... »  Il a ajouté que le capitaine Poulin était  « libre en tout temps d'avoir recours aux services de l'Ombudsman du ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes. » 
 

À la suite de cet échange de correspondance entre le capitaine Poulin et le major-général Penney, M. Cantin a tenté de commencer l'enquête. Il semble pourtant qu'elle n'ait jamais démarré. Dans une lettre adressée au major-général Penney en date du 9 mars 1999, M. Cantin affirme que  « jusqu'à présent, mes tentatives d'enquêter sur cette affaire sont demeurées infructueuses. »  M. Cantin a rapporté au major-général Penney que le capitaine Poulin ne se sentait pas en mesure de collaborer à l'enquête tant qu'il n'aurait pas reçu des enregistrements vidéo contenant ses entrevues antérieures avec le Service national des enquêtes. M. Cantin a dit au major-général Penney que :
 

Il m'est actuellement impossible d'entamer l'enquête, à moins que le capitaine Poulin accepte d'être interrogé. J'ai absolument besoin d'allégations précises avec des faits et des noms.

 
La correspondance ultérieure entre le major-général Penney et le capitaine Poulin n'a pas fait progresser l'enquête. Le capitaine Poulin a persisté à maintenir sa participation à l'enquête du Chef-Service d'examens conditionnelle à sa demande d'une représentation juridique payée par l'État, à la réception des copies d'interrogatoires antérieurs menés par les enquêteurs du Service national des enquêtes et à l'intégration de personnes de son choix à l'équipe d'enquêteurs, en plus de M. Cantin.
 

L'absence de progrès dans l'enquête conduite par M. Cantin a eu pour conséquence que le major-général Penney a décidé de s'adresser à mon Bureau et de demander mon approbation à sa décision de nous soumettre l'enquête sur toute cette affaire. Mon Bureau a acquiescé à la demande du major-général de voir la plainte du capitaine Poulin redirigée, au nom des Forces canadiennes, à la condition que le capitaine Poulin accepte de collaborer à l'enquête. Il a en outre été convenu que mon Bureau recevrait la plainte sans signer de conditions d'affectation imposées par le ministère de la Défense et les Forces canadiennes, et enquêterait sur tous les aspects de la plainte du capitaine Poulin qui lui sembleraient pertinents.
 

Par conséquent, après avoir communiqué avec mon Bureau, le major-général Penney a écrit au capitaine Poulin :
 

Conscient que je ne pourrais vraisemblablement pas faire progresser ce dossier et convaincu que vos allégations de représailles justifiaient un examen, j'ai pris l'initiative de rencontrer des responsables du Bureau de l'Ombudsman du ministère de la Défense nationale, le 12 juillet 1999, dans le but de déterminer s'il était approprié et possible pour eux de se pencher sur cette affaire et de reprendre toute l'enquête.

 
Comme réponse au major-général Penney, le capitaine Poulin a exprimé de nouveau son consentement et son point de vue selon lequel mon Bureau jouissait de l'indépendance nécessaire pour enquêter sur ses plaintes :
 

Votre décision de renvoyer l'enquête à l'Ombudsman ... me semble être un pas dans la bonne direction. Il s'agit d'un changement de cap évident de la part du ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes, qui se rapproche le plus de ce que j'avais suggéré lorsque vous vous êtes adressé à moi l'automne dernier ... Il possède, je crois, l'indépendance et l'objectivité nécessaires pour examiner de façon efficace mes allégations.

 
Conclusions

Je suis convaincu que le major-général Penney n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée en retenant les services de M. Cantin pour enquêter sur les plaintes du capitaine Poulin au nom des Forces canadiennes; je suis aussi convaincu qu'il n'a pas tenté de bloquer ou d'entraver la résolution des plaintes déposées par le capitaine Poulin. En qualité de Chef-Services d'examen, le major-général Penney avait la responsabilité de choisir une personne qualifiée pour enquêter sur les allégations du capitaine Poulin de façon approfondie, compétente et impartiale. À la lumière des services que M. Cantin avaient fournis dans le passé au Ministère, le major-général Penney a conclu qu'il était apte à remplir ce mandat.
 

Il est évident que le capitaine Poulin avait des réserves à l'égard des services de M. Cantin, un enquêteur qui a actuellement des liens contractuels avec le Ministère dans la conduite d'enquêtes pour harcèlement. Le fait qu'il ait de telles craintes est compréhensible, particulièrement quand on connaît l'historique des événements, parmi lesquels figurent le refus de traiter les plaintes soulevées dans sa note de service de juillet 1996 et les conflits qu'il vivait à ce moment-là dans son milieu de travail. Je suis néanmoins convaincu que le major-général Penney n'était pas insensible à ces inquiétudes. De toute évidence, le volume de correspondance échangée entre les deux, montre clairement que ce dernier comptait faire tout en son pouvoir pour atténuer les inquiétudes du capitaine Poulin tout en veillant à ce que l'enquête sur ses allégations puisse avoir lieu. On doit noter que, non seulement le capitaine Poulin avait intérêt à voir ses allégations examinées soigneusement, de façon indépendante et rapide, mais la nature des allégations l'exigeait également. En qualité de Chef-Service d'examen, le major-général Penney avait le devoir de veiller à ce que les intérêts de tous soient respectés.
 

Enfin, lorsqu'il est devenu évident que la question entourant les services de M. Cantin ne se règlerait pas, le major-général Penney a pris l'initiative de renvoyer toute cette affaire à mon Bureau afin que l'enquête puisse être reprise. Cette décision est une autre indication du souci qu'il avait de voir l'enquête sur les plaintes du capitaine Poulin menée de façon impartiale et indépendante.
 

Allégation 3 : Recommandation inappropriée de la procédure de redressement de grief pour résoudre les plaintes en dépit d'une possibilité de conflit d'intérêt chez le directeur de l'administration des griefs des Forces canadiennes

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 21 décembre 1998, le major-général Penney a recommandé la formulation d'un " grief " comme mesure possible, si je désirais engager une poursuite pour mettre un terme à ma situation. Il l'a fait tout en sachant que le Directeur de l'administration des griefs des Forces canadiennes était le lieutenant-colonel P. Pellicano, époux de la secrétaire du Directeur général des Affaires publiques. Il avait en outre un grade inférieur à celui de l'une des personnes visées dans mes allégations de harcèlement (c.-à-d. le colonel Samson, à l'époque).
 

Ses actions étaient en violation directe de l'Ordonnance administrative des Forces canadiennes 19.39 (para. 46) qui stipule, en ce qui concerne les enquêteurs en matière de harcèlement (abus de pouvoir) : " ... pour s'assurer de l'impartialité et de la perception d'impartialité, il est nécessaire de recourir aux services d'un enquêteur qui provient d'une unité ou d'un milieu de travail différent (Ordonnance administrative des Forces canadiennes 19.39, para. 46(a)). "
 

L'enquêteur choisi ne doit avoir aucun intérêt dans les résultats de l'enquête, ni être perçu comme entretenant des liens personnels avec quiconque aurait des intérêts dans les résultats de l'enquête (Ordonnance administrative des Forces canadiennes 19.39, para. 46(b)).
 

L'enquêteur ... doit être d'un rang supérieur ou égal à ceux du plaignant et de l'auteur présumé du harcèlement (Ordonnance administrative des Forces canadiennes 19.39, para. 46(c)).
 

L'ensemble des actions posées par le major-général Penney, dans ce cas-ci, se résume à un manquement évident à ses responsabilités d'officier en vertu des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 4.02(c), qui stipulent que : " Un officier doit favoriser le bien-être, l'efficacité et la discipline chez tous ses subordonnés. "

 
La crainte exprimée par le capitaine Poulin, que le major-général Penney ait recommandé à tort le redressement de grief comme mesure possible pour résoudre ses plaintes, découle d'une note qu'il avait reçue de ce dernier, le 21 décembre 1998 et qui disait :
 

Conscient du devoir qu'a l'organisation de traiter avec diligence les allégations de représailles, je vous propose quelques mesures possibles si vous décidez d'engager des poursuites. Il s'agit, entre autres, de déposer une plainte auprès de l'Ombudsman du ministère de la Défense nationale /Forces canadiennes, M. A. Marin, au 992-078, ... de solliciter l'aide du Bureau de règlement extrajudiciaire des conflits, M. P. Sterne au 996-0546, ... et/ou de formuler un grief. Pour ce qui est d'obtenir des conseils d'ordre juridique, vous pouvez en faire la demande auprès du Directeur juridique - Réclamations, en vertu de la politique du Conseil du Trésor sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et sur la prestation de services juridiques à ces derniers.

 
Conclusions

Je suis convaincu que le major-général Penney n'a pas abusé de son autorité ou exercé indûment son pouvoir discrétionnaire en suggérant au capitaine Poulin de faire appel au système de redressement des griefs, parmi les autres mesures possibles proposées pour résoudre ses plaintes.
 

Les circonstances qui ont mené le major-général Penney à envoyer cette note au capitaine Poulin sont décrites plus haut dans le présent rapport. Le major-général Penney donnait suite aux préoccupations que suscitaient chez ce dernier, la décision du Chef-Services d'examen de confier, sur une base contractuelle, l'enquête sur ses allégations de représailles et de harcèlement, à M. Cantin. Parmi ses réponses pour atténuer les inquiétudes du capitaine Poulin, le major-général avait décrit à ce dernier d'autres mesures qu'il pouvait envisager s'il voulait engager des poursuites afin qu'on se penche sur ses préoccupations. Rien n'indique que le major-général Penney ait suggéré au capitaine Poulin qu'il devait privilégier l'une de ces mesures, y compris le dépôt d'une demande en redressement, plutôt qu'une autre ou indiqué que l'une de ces mesures était plus recommandable qu'une autre. En réalité, comme le capitaine Poulin connaît le ministère de la Défense nationale et les politiques et procédures des Forces canadiennes pour étudier les plaintes, il est tout probable qu'il était déjà au courant du système de redressement de griefs des Forces canadiennes, comme mesure disponible.
 

Lors d'une entrevue menée par mes enquêteurs, le major-général Penney a déclaré qu'il ne connaissait pas M. Pellicano et ne savait rien de ses relations personnelles. Qu'il ait été ou non au courant que l'épouse de M. Pellicano était la secrétaire du Directeur général - Affaires Publiques, n'enlève rien à la pertinence de sa décision d'inclure le redressement de grief dans les mesures possibles pour résoudre les problèmes du capitaine Poulin.
 

Dans le cas où le capitaine Poulin aurait décidé de faire appel au redressement de grief, il était clair, qu'à ce moment-là, les Forces canadiennes auraient eu l'obligation de veiller à ce que des mesures appropriées et des garanties soient mises en place pour éviter toute possibilité de conflit d'intérêt dû à la situation personnelle de M. Pellicano.
 

Table des matières
 

F. Allégation contre le lieutenant-colonel Miville Deschênes

Le lieutenant-colonel Deschênes avait été libéré des Forces canadiennes lorsque j'ai terminé mon rapport intérimaire. Mes enquêteurs ont fait de nombreuses tentatives pour entrer en contact avec lui et de lui fournir une copie de la partie du rapport intérimaire qui le concerne, afin qu'il ait l'occasion de le commenter; ils n'ont jamais reçu de réponse à leurs messages.
 

Allégation : A suggéré que l'enquête sur les allégations de harcèlement pouvait se faire sans la participation du capitaine Poulin

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 10 novembre 1998, à 16 h 05 environ, le major Deschênes a dit que le l'enquête du Chef-Service d'examen serait ouverte malgré mes objections et sans ma participation, tout en sachant qu'il n'en serait rien.
 

Vers le 16 novembre 1998, dans l'après-midi, j'ai rencontré J. Maurice Cantin et le major M. Deschênes dans la salle de conférence située près du bureau de ce dernier. Pendant l'entretien, le major Deschênes a reconnu que M. Cantin n'avait toujours pas signé les conditions d'affectation nécessaires à l'ouverture de l'enquête. De plus, à la lumière de ce dont nous avions discuté lors de cette rencontre préliminaire, le major Deschênes a dit que j'avais jusqu'au 7 décembre 1998 pour lui faire connaître mon intention de collaborer ou pas à l'enquête administrative et que M. Cantin irait de l'avant de toute façon. Le major Deschênes savait que cette affirmation était fausse.

 
Le lieutenant-colonel Deschênes est officier de la Police militaire et il a déjà travaillé comme analyste principal au sein de la Direction - Enquêtes et examens spéciaux, qui relève du Chef - Service d'examen. Le rôle du Directeur - Enquêtes et examens spéciaux, une section qui relève du Chef - Service d'examen, est de  « planifier et mener des enquêtes et des examens spéciaux sur des allégations ou des cas de pratique répréhensible, de mauvaise gestion et/ou d'autres irrégularités au sein du ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes. » 
 

Mes enquêteurs ont interrogé le lieutenant-colonel Deschênes à son bureau sis au 101, promenade du Colonel By. Le lieutenant-colonel Deschênes a consulté le journal professionnel qu'il tenait lorsqu'il était analyste principal pour le compte du Directeur - Enquêtes et examens spéciaux. Le lieutenant-général Deschênes a aussi remis à mes enquêteurs une copie de ce journal, à l'exclusion des notes relatives à des activités n'ayant aucun lien avec l'enquête.
 

Le colonel Maillet a communiqué avec le lieutenant-colonel Deschênes le 15 octobre 1998, à propos de la nécessité d'examiner les allégations de représailles et de harcèlement faites dans l'exposé que le capitaine Poulin voulait faire à la Conférence sur l'éthique de la Défense. Les inscriptions au journal du lieutenant-colonel Deschênes relatent ses tentatives, le 16 octobre 1998, d'entrer en contact avec le capitaine Poulin. Le lieutenant-colonel Deschênes avait laissé au capitaine Poulin un message lui demandant de communiquer avec lui.
 

Le lieutenant-colonel Deschênes a rencontré le capitaine Poulin une première fois, le 19 octobre 1998. Selon les notes du lieutenant-colonel Deschênes, le capitaine Poulin désirait obtenir une liste des recours possibles qu'il pourrait avoir à l'issue d'une enquête administrative. Le capitaine Poulin a inscrit lui aussi leur rencontre du 19 octobre 1998, dans ses notes personnelles. Selon les notes, et du capitaine Poulin, et du lieutenant-colonel Deschênes, le capitaine Poulin souhaitait attendre les résultats de l'enquête du Service national des enquêtes avant d'envisager une enquête administrative pour harcèlement.
 

Les notes au journal du lieutenant-colonel Deschênes, datées du 29 octobre1998, indiquent que le capitaine Poulin avait cherché à savoir si l'enquête administrative sur ses allégations de harcèlement et de représailles pouvait être conduite sans sa collaboration. Les notes au journal du lieutenant-général Deschênes précisent que :
 

... J'ai remis au capitaine Poulin une note de service signée par le major-général Penney où on l'informait qu'une enquête (administrative) serait ouverte pour examiner les présumées représailles dont il aurait été victime en raison de sa note de service au sujet du colonel Labbé. Je l'ai également informé de la possibilité que l'issue de cette enquête repose sur l'expérience de M. Cantin . Le capitaine Poulin m'a demandé comment une telle enquête pouvait être entreprise sans sa collaboration. Ce qu'il a compris, d'après mes explications, c'est que l'enquête ne pouvait être parfaite sans ses commentaires. Je lui ai dit que je demanderais à M. Cantin s'il croyait pouvoir procéder à l'enquête sans la collaboration entière du plaignant.

 
Pendant l'entrevue menée par mes enquêteurs, le lieutenant-colonel Deschênes a signalé les inquiétudes que semblait éprouver le capitaine Poulin à l'égard de l'enquête du chef - Services d'examen ainsi qu'à son évaluation de la situation :
 

... il y avait ce sentiment d'inéquité, de parti pris, d'injustice, de manque de neutralité. Au début, le capitaine Poulin s'est peut-être senti mal à l'aise face au processus ... je me suis efforcé de demeurer aussi ouvert que possible avec Bruce, lui parlant du processus, des notes de services, des motivations. J'ai manifesté une ouverture et une confiance totales à ce gars là. En lui affirmant que : " tu es un employé fiable, tu mérites de savoir la vérité. Voici ce qui se passe. " (Je lui ai fait part) des conversations non officielles et des choses qu'on ne met pas sur papier : " Voilà ce qui se passe, Bruce ". Je savais qu'il noterait tout cela car il agit ainsi, et c'est parfait. Ainsi, notre intention était de rester ouvert et de lui garantir les services d'un professionnel. Le meilleur enquêteur en matière de harcèlement disponible, M. Cantin était en mesure, au terme de son enquête pour harcèlement, de remettre un rapport impartial.

 
Le capitaine Poulin a assisté à une rencontre, le 26 novembre 1998, réunissant le lieutenant-colonel Deschênes, lui-même et M. Cantin, l'enquêteur dont on avait retenu les services, sur une base contractuelle, pour mener l'enquête administrative prévue. Le capitaine Poulin a remis à mes enquêteurs un enregistrement audio de cet entretien. Dans l'enregistrement, on entend ce dernier demander s'ils allaient procéder à l'enquête, même s'il n'avait pas manifesté son intention de collaborer. Le lieutenant-colonel Deschênes a confirmé leur intention d'aller de l'avant et il a demandé au capitaine Poulin de leur faire part de sa décision de collaborer ou non, d'ici le 7 décembre 1998.
 

Le major-général Penney a approuvé, le 7 décembre 1998, les modalités de l'enquête sur les allégations de représailles et de harcèlement, incluses dans l'exposé que le capitaine Poulin avait voulu présenter. Comme il est indiqué plus haut, le capitaine Poulin a écrit au major-général Penney, le 8 janvier 1999, pour lui faire part de son consentement à collaborer à l'enquête dirigée par M. Cantin, mais à deux conditions, que nous avons déjà précisées. En fin de compte, l'enquête n'a jamais commencé, comme l'a écrit M. Cantin au major-général Penney, le 8 mars 1998, dans une lettre dans laquelle il précise que ses tentatives de commencer son enquête sont restées infructueuses. M. Cantin a rapporté que le capitaine Poulin affirmait ne pouvoir collaborer à l'enquête tant qu'il n'aurait pas reçu la copie des renseignements provenant du Service national des enquêtes, qu'il désirait avoir à titre de référence. M. Cantin a indiqué que selon lui, il ne pourrait procéder à l'enquête si le capitaine Poulin n'acceptait pas d'être interrogé, car il avait besoin, des allégations détaillées, avec les faits, les noms et les personnes.
 

Comme je l'ai déjà mentionné, lorsqu'il est devenu évident que l'enquête du Chef - Service d'examens n'avançait pas, le major-général Penney m'a demandé de reprendre toute l'enquête.
 

Conclusions

Je ne crois pas que le lieutenant-colonel Deschênes ait agi de façon inappropriée ou ait fourni au capitaine Poulin des informations inexactes ou trompeuses. En informant le capitaine Poulin du fait que l'enquête administrative pouvait être menée sans sa collaboration, il donnait suite à une demande du capitaine Poulin qui découlait de la crainte de ce dernier de voir l'enquête confiée à M. Cantin dont les services avaient été retenus par le Ministère. Je suis convaincu que le lieutenant-colonel Deschênes avait décrit clairement les limites que présenterait une enquête faite sans la collaboration du capitaine Poulin. Il a par ailleurs informé ce dernier de son intention de consulter M. Cantin pour décider s'il lui serait possible de poursuivre l'enquête sans l'aide du capitaine Poulin.
 

Il semble qu'après que les services de M. Cantin avaient été retenus et qu'il avait pris connaissance de la nature des allégations et de leur portée, il avait conclu en tant qu'enquêteur que l'enquête ne pouvait commencer que si le capitaine Poulin consentait à être interrogé et à lui fournir des allégations plus précises et détaillées avec les noms de toutes les personnes soi-disant impliquées.
 

Il faut souligner que le Chef - Services d'examen était libre de décider de poursuivre l'enquête administrative même sans le consentement du capitaine Poulin. Même si le capitaine Poulin était la victime présumée du harcèlement et des représailles dont il faisait état dans son exposé préparé pour la Conférence sur l'éthique de la Défense, une fois que ces allégations étaient faites officiellement, il n'en avait plus la propriété exclusive. Il est exceptionnel qu'un organisme d'enquête se penche sur des allégations sans le consentement de la personne directement touchée ou qui les a faites, mais il existe des cas où il est nécessaire de procéder ainsi. Les allégations contenues dans l'exposé du capitaine Poulin étaient sérieuses et impliquaient des événements qui pouvaient susciter une forte attention de la part des médias. Les personnes que l'on pouvait identifier selon toute vraisemblance comme celles visées dans les allégations avaient également intérêt à ce que les plaintes formulées dans son exposé soient examinées dans un souci de déterminer, si oui ou non, les allégations étaient fondées. Selon moi, le pouvoir discrétionnaire du Chef - Services d'examen lui permettait clairement de décider si l'intérêt public justifiait une enquête sur cette affaire, même si le capitaine Poulin s'opposait à ce que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes fassent une telle enquête.
 

Il est évident qu'une enquête sur des allégations de harcèlement ou de représailles, qui serait menée sans le concours de la personne directement touchée, serait quelque peu limitée et se heurterait à certains obstacles, l'enquêteur devant trouver d'autres sources pour les informations dont il aurait besoin. Dans la mesure où la personne directement touchée est la seule à pouvoir fournir ces informations, comme les noms et les dates, et qu'elle refuse de coopérer, il est peu probable que l'enquête puisse se poursuivre. Je suis convaincu que le lieutenant-colonel Deschênes a clairement décrit ces limites au capitaine Poulin, au cours de leur discussion.
 

Table des matières
 

G. Allégation contre le brigadier-general L. Mathieu

Le brigadier-général Mathieu a répondu par écrit, le 8 mars 2001, à la partie du rapport intérimaire qui la concernait, déclarant qu'elle avait revu le rapport et n'avait rien à y ajouter.
 

Allégation : Interférence dans le processus de règlement extrajudiciaire de conflit

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 26 mai 1999, le colonel Mathieu, qui ne fait partie de ma chaîne de commandement, a fait directement obstacle à un processus de règlement extrajudiciaire de conflit qui n'était pas de son ressort, m'empêchant ainsi de mettre un terme à ma situation du moment.
 

Les actions posées par le colonel Mathieu sont en violation des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 4.02(c) qui stipulent que : " Un officier doit favoriser le bien-être, l'efficacité et la discipline chez tous ses subordonnés. " L'intervention directe du colonel Mathieu nous ont empêché, ma famille et moi, de mettre fin à toute cette affaire.

 

Le brigadier-général Mathieu était colonel et adjointe exécutive du chef d'état-major de la Défense, lorsque le capitaine Poulin l'a mise en cause. Le 9 décembre 1999, mes enquêteurs ont rencontré le brigadier-général Mathieu, alors colonel, à son bureau situé au 101, promenade du Colonel By. Une entrevue ultérieure a été jugée nécessaire et mes enquêteurs l'ont rencontrée de nouveau le 20 novembre 2000, dans la salle de conférence de son bureau actuel sis au quartier général du Groupe médical des Forces canadiennes, promenade Alta Vista, à Ottawa.
 

Lors de l'entrevue, elle a confirmé avoir reçu un appel de M. Daniel Gervais, qui est avocat-conseil et directeur des plaintes et du contentieux des affaires civiles. M. Gervais lui signalait que le capitaine Poulin désirait entamer un processus de médiation pour trouver une solution à ses plaintes. Le brigadier-général Mathieu a déclaré à mes enquêteurs :
 

Je lui ai alors posé des questions et lui ai demandé " vous faites appel à moi pour quoi exactement ... " je ne voyais vraiment pas pourquoi ils appelaient au bureau du chef d'état-major de la Défense à propos d'une demande de médiation du capitaine Poulin. (M. Gervais) m'a expliqué qu'il (s'adressait au bureau du chef d'état-major de la Défense) parce que certaines des allégations (de Poulin) impliquaient le Grand Prévôt.

 
Le brigadier-général (alors colonel) Mathieu avait été la destinataire des plaintes publiques provisoires déposées par le capitaine Poulin, le 18 novembre 1998, contre des membres du Service national des enquêtes et contre le Grand Prévôt des Forces canadiennes, et dont j'ai déjà fait état dans le présent rapport. Le brigadier-général Mathieu se rappelle avoir lu ces plaintes et aussi, qu'après avoir demandé conseil au Bureau du Juge-avocat général, il avait été décidé de les renvoyer au Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, afin que soient précisées les allégations qu'elles contenaient et les personnes mises en cause. La décision de demander des précisions supplémentaires s'explique par le fait qu'il n'était pas clair, à la seule lecture de ces plaintes, si le Grand Prévôt des Forces canadiennes était ou non directement impliquée par ces allégations.
 

Le brigadier-général Mathieu a expliqué que, à la suite des questions posées par M. Gervais, sur les options de règlement extrajudiciaire du conflit dans le cas du capitaine Poulin, sa décision avait été motivée par son implication antérieure dans les plaintes publiques provisoires de ce dernier contre la Police militaire. À la lumière de son évaluation antérieure des plaintes du capitaine Poulin, elle avait conclu qu'il n'y avait pas lieu d'inclure le chef d'état-major de la Défense dans un processus de règlement de conflit, puisque les incidents ne semblaient pas impliquer directement le Grand Prévôt des Forces canadiennes.
 

Le brigadier-général Mathieu a par la suite expliqué, à mes enquêteurs, le bien-fondé de sa décision selon laquelle il était inapproprié d'impliquer le chef d'état-major de la Défense dans le processus de médiation :
 

... Le chef d'état-major de la Défense représente le dernier recours ... s'il se charge d'affaires de première instance, où iront-elles ensuite? C'est pourquoi notre Bureau renvoie généralement les affaires à la chaîne de commandement en disant : " Si vous avez des problèmes et que vous avez besoin du Chef, d'accord " mais si vous commencez à ce niveau, qu'arrivera-t-il ensuite? Aussi, pour moi, la première chose à faire lorsque je suis devant une situation semblable, c'est de demander : " D'accord; de quoi s'agit-il? ". À mon avis, ce cas particulier, à son stade du moment, ne concernait en rien le Chef. (Il n'y avait) aucune raison d'aller directement à l'échelon le plus élevé pour ... " Je suis prête à servir d'intermédiaire. Autrement dit, quelqu'un veut-il servir d'intermédiaire avec moi? "

 
Le brigadier-général Mathieu a ajouté :
 

... nous recevons des demandes de toutes sortes ... et notre but est toujours de les envoyer là où elles seront traitées le plus efficacement. Dans ce cas-ci, je me suis tournée vers le général Penney car je savais qu'il travaillait activement à aider le capitaine Poulin. Je savais qu'il n'aurait servi à rien de renvoyer les plaintes au Directeur général des Affaires publiques. Tandis que la demande de médiation était renvoyée au Chef - Services d'examen, les plaintes du capitaine Poulin contre la Police militaire étaient, elles, renvoyées au Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, comme il a été mentionné plus haut dans le présent rapport.

 
Conclusions

Je ne crois pas que le brigadier-général Mathieu, en décidant de renvoyer les plaintes du capitaine Poulin au Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles et au Chef - Services d'examen, ait exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière inappropriée. En qualité d'adjointe exécutive du chef d'état-major de la Défense, il lui incombait de veiller à ce que les cas soumis à ce dernier soient soigneusement examinés afin de déterminer à quel niveau de la chaîne de commandement ils seraient traités avec le plus d'efficacité. Je ne crois pas non plus que son évaluation, selon laquelle l'intervention du chef d'état-major de la Défense n'était pas requise pour que le processus de résolution extrajudiciaire puisse s'appliquer, dans le cas du capitaine Poulin, reposait sur des considérations inappropriées.
 

Je suis par ailleurs convaincu que les actions posées par le brigadier-général Mathieu n'avaient pas pour but de faire obstacle aux tentatives du capitaine Poulin de faire soumettre ses plaintes à la médiation. Il est clair que rien n'empêchait le recours à une forme de règlement extrajudiciaire du conflit, à d'autres niveaux de la chaîne de commandement des Forces canadiennes. Lorsqu'un règlement extrajudiciaire de conflit est tenté à un niveau inférieur de la chaîne de commandement, le chef d'état-major de la Défense est toujours là, au cas où l'on ne parviendrait pas à une résolution aux niveaux inférieurs de la chaîne de commandement.
   


 

Recommandations et conclusion

Récapitulatif des recommandations de l'Ombudsman

  1. Des procédures soient mises en place pour assurer que la correspondance qui demande une action des leaders et des cadres, à n'importe quel niveau, soit enregistrée et suivie de façon routinière et reçoive, en temps voulu, une réponse du niveau approprié de la chaîne de commandement.
     
  2. Les procédures de tenue et de suivi des dossiers impliquent que tous les membres des Forces canadiennes qui déposent une plainte, sont en droit d'exiger un accusé de réception ainsi qu'une réponse, par écrit, donnant tous les détails sur les mesures prises, ainsi que les résultats d'une éventuelle enquête (si approprié).
     
  3. Les procédures de tenue et de suivi des dossiers impliquent que si aucune réponse écrite ou aucun suivi n'a été enregistré, cela soit porté sans délai à l'attention du supérieur immédiat de la personne qui aurait dû enregistrer ou faire le suivi de la plainte. Lorsqu'une plainte n'est pas enregistrée ou ne reçoit pas un suivi rapide, elle devrait être envoyée au Bureau de l'Ombudsman pour examen de la situation.
     
  4. En qualité de commandant des Forces canadiennes, le général Baril reconnaisse officiellement la défaillance de la chaîne de commandement à l'égard du capitaine Poulin, lui exprime ses regrets et lui confirme personnellement la détermination des Forces canadiennes de mettre en place des procédures qui garantiront que les questions et les préoccupations qui seront soumises à la chaîne de commandement seront enregistrées et recevront une réponse dans tous les cas.
     
  5. Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes confirme par écrit au capitaine Poulin sa décision de ne pas enquêter sur ses allégations selon lesquelles des renseignements personnels le concernant auraient été divulgués aux médias, en juin 1998, ainsi que les raisons pour lesquelles ce genre de plainte n'entre pas dans le cadre du mandat du Service national des enquêtes des Forces canadiennes.
     
  6. La lettre officielle de rejet des plaintes du capitaine Poulin contre la Police militaire, soit réécrite en y supprimant toute référence à une quelconque nature " vexatoire " de ces plaintes.
     
  7. Le chef d'état-major de la Défense s'assure que des directives appropriées sont mises en place pour empêcher toute action, de la part de membres des Forces canadiennes, qui constituerait ou pourrait donner l'impression, à une personne raisonnable, de constituer une tentative d'influer sur le cours des enquêtes de la Police militaire, en dehors du processus normal d'enquête.
     
  8. Le chef d'état-major de la Défense émette les directives appropriées pour que lorsque des incidents sont référés au Grand Prévôt des Forces canadiennes, ils le soient par des membres de la chaîne de commandement qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'allégations sujettes à enquête.
     
  9. Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes émette un nouveau communiqué de presse qui informera le public de tous les résultats de son enquête sur les allégations contre le lieutenant-général Leach, incluant le fait que cette enquête a montré que d'autres personnes qui faisaient partie du Bureau de ce dernier, en juillet 1996, avaient vu la note de service du capitaine Poulin et en connaissaient le contenu; il devrait aussi inclure la recommandation du Service national des enquêtes selon laquelle la chaîne de commandement devrait examiner cette question d'un point de vue administratif.
     
  10. Les Forces canadiennes fassent, au capitaine Poulin, un paiement ex gratia équivalent aux frais juridiques que le capitaine Poulin a dû engager pour retenir les services d'un avocat et se faire conseiller sur ses options de réparation à la suite des commentaires dont il a été l'objet dans la lettre que le lieutenant-colonel Robertson a envoyé au colonel Labbé.
     
  11. Le chef d'état-major de la Défense ordonne un examen de la mesure administrative prise contre le lieutenant-colonel Robertson et ordonne que cette mesure soit documentée comme il faut dans le dossier personnel de ce dernier.
     

Table des matières
 

Conclusion du rapport

Ma fonction, en tant qu'Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, est d'aider à la résolution des plaintes et de contribuer à améliorer de façon substantielle et durable le bien-être de leurs employés et de leurs membres. J'ai donc abordé cette litanie de plaintes portées par le capitaine Poulin avec deux objectifs en tête, l'un étant de les aider, lui et tous ceux et celles que ces plaintes impliquaient, de refermer ce dossier, et l'autre étant de profiter de la dynamique ainsi créée pour faire des observations ainsi qu'une série de recommandations susceptibles d'améliorer le bien-être des membres du Ministère et des Forces canadiennes.
 

Il est certain que la majorité des plaintes portées par le capitaine Poulin se sont avérées, après enquête, dénuées de tout fondement. De nombreuses personnes se sont trouvées embarquées dans cette longue épreuve qui a débuté les 9 et 15 juillet 1996, lorsque le capitaine Poulin a tenté de mettre en lumière des problèmes qu'il jugeait suffisamment importants pour décider de s'exposer aux risques personnels inhérents à la dénonciation d'officiers supérieurs. Beaucoup des personnes qui se sont retrouvées impliquées, n'avaient rien à se reprocher et cela a, sans aucun doute, contribué à créer chez certains, la perception que le capitaine Poulin était une nuisance et un éternel geignard. Le processus qui a mené à cette réputation et a exposé au stress et à l'anxiété les autres personnes qui étaient les cibles de ses allégations, aurait pu être évité si ses plaintes originales avaient été traitées d'une manière plus judicieuse. Au lieu de quoi, elles ont été ignorées jusqu'à ce qu'elles soient portées sur la place publique, près de deux ans plus tard, le 17 juin 1998, lorsque sa plainte du 9 juillet 1996 a été divulguée à l'occasion d'une conférence de presse. Dans l'intervalle, il va sans dire que le capitaine Poulin en était venu à soupçonner le pire, que ses plaintes n'intéressaient pas l'Armée ou qu'en dévoilant ce qu'il considérait comme des injustices, il avait provoqué un resserrement des rangs dans l'organisation qui protégeait les siens et cherchait à éviter un scandale public.
 

À la suite des événements du 17 juin 1996, une enquête par la Police militaire fut ordonnée, non seulement sur ses plaintes initiales, mais aussi sur la façon dont ces mêmes plaintes avaient été traitées. Cette enquête s'est conclue par une décision défavorable au capitaine Poulin. Puis le Service national des enquêtes des Forces canadiennes diffusa un communiqué de presse qui s'est avéré être quelque peu trompeur, même si telle n'en était pas l'intention. En effet, il donnait l'impression que la plainte contre le lieutenant-général Leach, que le capitaine Poulin avait déposée, était sans fondement et que ce dernier n'avait même pas pris les mesures nécessaires pour porter sa plainte à quelque niveau que ce soit dans la chaîne de commandement. Ce communiqué de presse n'aurait eu d'autre résultat que de confirmer la perception du capitaine Poulin selon laquelle ses plaintes ne seraient pas évaluées à leur mérite propre et que le système conspirait pour s'éviter tout embarras, même si cela devait être à son détriment à lui (capitaine Poulin).
 

D'une ténacité peu commune, le capitaine Poulin a alors décidé de ne pas laisser les choses en l'état. Il a déposé une série de plaintes pour manquement aux normes professionnelles, contre trois des enquêteurs de la Police militaire, suivies d'une plainte contre le Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles et le Grand Prévôt des Forces canadiennes. Les plaintes ont été rejetées avec raison mais elles ont été qualifiées de " vexatoires ". Après tout ce qui s'était déjà passé, cela n'a pu que renforcer, chez le capitaine Poulin, la conviction qu'on ne le prenait pas au sérieux. Il était étampé comme gêneur et devrait en payer le prix.
 

Après que sa note de service du 9 juillet 1996 a été rendue publique, en juin 1998, beaucoup des choses qui se sont produites, lui sont apparues comme du harcèlement et des représailles même si ce n'était pas le cas. Des rumeurs ont été répandues à son sujet. D'autres personnes ont été attirées dans cette affaire lorsqu'il s'est plaint de ce qu'elles avaient fait ou de ce qu'il croyait qu'elles avaient fait.
 

Dans le même temps, sa méfiance à l'égard des Forces canadiennes avait atteint de telles proportions qu'il n'avait même plus confiance dans les mécanismes internes de règlement de différends, voyant des conflits d'intérêt partout et faisant donc de nouvelles allégations d'irrégularité contre d'autres personnes.
 

Le capitaine Poulin était devenu un homme tellement déterminé à combattre l'injustice, qu'il en avait perdu la capacité de faire la différence entre ceux qui lui nuisent et ceux qui ne lui nuisent pas. Un homme qui avait de vrais griefs, mais que l'on considérait dans certains cercles comme rien de plus qu'un geignard malveillant, que ses tentatives de faire réparer ce qu'il croyait fermement être des fautes sérieuses, avaient tellement isolé, qu'il avait commencé à porter des plaintes injustifiées. Il n'était plus la seule victime d'un processus qui a dérapé. Il commençait à y avoir d'autres victimes.
 

Les Forces canadiennes se sont engagées sur un chemin louable d'ouverture, de transparence, de responsabilisation et de traitement équitable de tous leurs membres. On y apprécie davantage l'importance que représentent le respect du public et le maintien d'un moral élevé. Toutes les composantes de l'organisation se sont lancées à la poursuite de ces objectifs, y compris notre Bureau. Et pourtant, cette affaire montre bien à quel point il est important non seulement de parler de ces engagements mais aussi et surtout de les vivre. Chaque fois que des plaintes et des craintes sont ignorées, que ce soit à cause de carences administratives ou structurelles dans les systèmes de traitement des plaintes ou que ce soit à cause d'une culture qui pousse à masquer les problèmes au nom d'une loyauté malavisée envers l'organisation et ses membres, les promesses d'ouverture, de responsabilisation et de traitement équitable pour tous sont mises en échec et la réputation des Forces canadiennes souffre.
 

Certains des événements survenus dans cette affaire, mettent en danger la réputation des Forces canadiennes. Au lieu d'être traitées comme elles le devaient, des plaintes ont été ignorées, au risque de donner l'impression qu'elles étaient simplement enterrées. Lorsque l'affaire a éclaté et que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a reçu l'ordre de mener une enquête, une des personnes contre qui la plainte était portée, a écrit une lettre personnelle et l'a fait livrer par messager au Grand Prévôt des Forces canadiennes; dans cette lettre, elle donnait sa version des faits qui avaient donné lieu à la plainte portée contre elle et finissait par un commentaire propre à engendrer des soupçons chez n'importe quelle personne raisonnable :  « P.S. : l'original de cette lettre manuscrite est pour le Grand Prévôt des Forces canadiennes; J'en ai gardé une copie pour moi-même et il n'en existe aucune autre copie. » 
 

Et puis, l'enquête s'est terminée. Un communiqué a été préparé, dont l'introduction déclarait de façon tout à fait inexacte qu'aucune preuve n'avait été trouvée, qui permette de soutenir les allégations faites contre le lieutenant-général Leach. De plus, le communiqué ne faisait pas mention du fait que le rapport d'enquête recommandait une étude administrative de cette question particulière, donnant ainsi l'impression que l'enquête n'avait rien trouvé qui puisse servir de base à l'allégation, alors qu'au contraire, elle avait trouvé suffisamment d'éléments pour justifier une demande d'étude administrative. Dans un langage mal choisi, le rapport a créé l'impression que personne d'autre que le lieutenant-général Leach avait vu la note de service ou en avait entendu parler, alors qu'en fait, le major Lavoie avait indiqué aux enquêteurs qu'il avait vu la note de service et en avait discuté avec le capitaine Poulin et le lieutenant-général Leach. Malgré que j'ai conclu que le communiqué n'avait pas été intentionnellement trompeur, il y aura ceux qui auront des doutes à ce sujet et y verront un exemple d'habillage de quelque sorte, tout à fait contraire à l'ouverture et à la transparence promises. C'est une tragédie, non seulement pour ceux et celles que ces événements ont personnellement touchés, mais aussi pour tous ceux et celles pour lesquels les Forces canadiennes sont un sujet de fierté et qui croient dans les engagements d'ouverture, de transparence et d'équité.
 

À mon avis, il n'y a qu'une seule manière de réparer le dommage causé; c'est de tirer les leçons de cette affaire et de prendre au sérieux toutes les recommandations de ce rapport. À vrai dire, il faut même que nous allions plus loin encore et que toutes les personnes qui ont été impliquées fassent preuve de leadership en prenant leurs propres mesures, dans leur propre sphère d'influence, pour que les plaintes soient désormais traitées avec efficacité et intégrité et que tous ceux et toutes celles qui auront le courage de se mettre en avant soient écoutés.
 

Il est primordial de ne laisser aucune zone d'ombre, ce qui m'amène à faire l'observation suivante : comme je l'ai mentionné dans ce rapport, il y a eu des objections à mes recommandations, provenant de l'actuel Grand Prévôt et du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles. Ces objections reposaient sur des questions de juridiction et de " querelles de clocher ". Elles sont malséantes et formalistes. Elles risquent de diluer les bénéfices de cette affaire pénible. Nous n'essayons pas d'usurper les pouvoirs ou de nous approprier les fonctions de quiconque. Nous ne le pourrions même si nous le voulions, car je n'ai pas l'autorité de faire faire quoique ce soit à qui que ce soit. Je n'ai pas davantage l'autorité de prendre la moindre décision. J'enquête, j'étudie, je recommande et j'apporte une aide. L'aide que j'apporte ici, est le temps, l'énergie et la matière grise considérables que mon personnel et moi-même avons appliqués à la recherche de solutions appropriées à des problèmes réels, avec pour objectif, de bien servir les intérêts de tous les membres du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes et, ce faisant, de l'organisation elle-même. Cette aide devrait être bienvenue et non pas rejetée pour de fausses raisons juridiques.
 

Il faudrait aussi souligner que, si la détermination du chef d'état-major de la Défense de respecter l'indépendance du Grand Prévôt et du Service national des enquêtes des Forces canadiennes est solide, digne d'éloge et essentielle, je suis convaincu qu'il a une conception erronée des implications de cette indépendance. Rien, dans le cadre de responsabilisation, n'empêche la mise en œuvre des recommandations 7 et 8. Ces recommandations sont adaptées et nécessaires et devraient être acceptées
 

Pour conclure, monsieur le ministre, j'espère ardemment que nous tirerons tous les leçons de cette pénible affaire et que nous en verrons la fin rapide, autant pour le capitaine Poulin que pour tous ceux et toutes celles qui y auront été impliqués. J'espère aussi que les recommandations que je fais, seront mises en œuvre et qu'elles ne resteront pas en rade dans ce rapport. Si elles devaient susciter de la résistance, je vous demande d'user de vos bons offices pour convaincre les résistants de revoir leur position et de faire passer les intérêts des Forces canadiennes et de leurs membres d'abord.
 

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