Demande injuste de rembourser des trop-payés versés aux termes du Programme de réduction des forces

Introduction

Du début jusqu'au milieu des années 90, le MDN a incité des membres à prendre une retraite anticipée. La mesure s'inscrivait dans un programme de réduction de l'effectif des Forces canadiennes. Le MDN a fourni aux membres les détails sur les mesures d'encouragement à la retraite anticipée. On avait alors invité les membres à bien étudier ces détails avant de prendre une décision. Dans le cadre du programme, les membres pouvaient, disait-on, opter pour le paiement des congés inutilisés. On a mis à leur disposition une formule qui leur permettait d'établir le montant du paiement qu'ils recevraient. Un nombre important de membres ont pris leur retraite, accepté le paiement des congés inutilisés et ont touché les montants promis. Le MDN s’est ensuite rendu compte qu'il avait commis une erreur. Les paiements de congé inutilisés effectués entre 1992 et 1996 étaient supérieurs aux lignes directrices du Conseil du Trésor. Par les voies officielles, le MDN a pris les mesures pour faire annuler les trop-payés. Ces efforts se sont révélés vains. Ainsi, le MDN a demandé aux ex-membres ayant reçu une somme supérieure au montant prévu dans les lignes directrices de rembourser. En fait, un plaignant m'informe du fait que le MDN, lorsque le remboursement n'était pas effectué volontairement, a déduit le montant de la pension qui lui est versé, mesure qui n’est peut-être pas conforme à la réglementation du gouvernement.
 

Si la demande de remboursement ou le recours à la déduction de montants de la pension versée n'étaient peut-être pas fondés en droit, ce n’est pas la question qui me préoccupe. En fait, mon inquiétude est plus fondamentale. Qu'on ait agi en conformité avec la loi ou non, la récupération du montant promis était injuste. Les membres ont décidé de prendre leur retraite sur la foi de modalités définies par le MDN. Le fait que le MDN ait commis une erreur n'aurait pas dû entraîner une annulation de ces promesses. Les montants en cause pour chacun des plaignants ne sont pas majeurs, mais, même si on ne peut soutenir que les ex-membres ont subi un préjudice marqué, les intéressés n'en ont pas moins été victimes de stress et du sentiment de ne pas avoir été traités de façon équitable. Ce genre de cafouillage peut porter atteinte au moral des membres à la retraite et des membres actifs, qui dépendent des mesures prises par le MDN. Ainsi, au terme du présent rapport, je recommanderai que le MDN, même s'il a déjà tout fait pour réparer les torts causés, renouvelle ses efforts pour faire annuler les trop-payés et, en cas de réussite, permettre que les sommes récupérées soient remboursées aux ex-membres des FC à qui ils ont été retirées.
 

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Les plaintes

La présente enquête a été amorcée à la suite de plaintes reçues de la part de quatre ex-membres des FC qui ont pris leur retraite aux termes du Programme de réduction des forces (PRF), que le ministre de la Défense nationale a approuvé en 1991 comme mesure d'encouragement à la retraite anticipée. Même si mon Bureau a refusé de faire enquête sur les plaintes individuelles reçues en rapport avec l'admissibilité des particuliers au PRF, les questions soulevées à propos du recouvrement des trop-payés versés au titre des prestations du PRF m’ont incité à entreprendre une étude systématique de l'incident lié au PRF, avec l'approbation du Ministre.
 

Les quatre plaignants qui ont apporté la question à mon attention ont pris leur retraite en 1995 et en 1996. Ils se sont tous plaints d'avoir accepté les modalités de l'offre qui leur a été faite aux termes du PRF, y compris la possibilité de toucher un paiement établi à un taux préétabli pour une partie ou la totalité de leurs congés inutilisés. Après avoir pris leur retraite et avoir renoncé à leurs congés inutilisés, ils ont reçu une lettre datée du 3 septembre 1997 dans laquelle le MDN les informait qu'une erreur administrative avait été commise. Dans la lettre, le MDN admettait qu'il avait omis de se conformer aux lignes directrices du Conseil du Trésor relativement à la formule utilisée pour calculer les paiements de congé inutilisés pour les informer du même souffle que le MDN était tenu par la loi de se faire rembourser le trop-payé. Au bout du compte, chacun des plaignants a remboursé le montant correspondant au trop-payé par rapport aux lignes directrices du Conseil du Trésor, par paiements échelonnés, par le versement d'un montant forfaitaire ou des déductions de ses paiements de pension de retraite. Les plaignants ont soutenu que la récupération était injuste puisqu'ils avaient décidé de prendre leur retraite sur la foi de renseignements fournis par le MDN et avec la certitude de toucher le montant promis.
 

Le Programme de réduction des forces est entré en vigueur en avril 1992 et est demeuré en application jusqu'à la fin de l'exercice 1997-1998. Selon les dossiers du MDN, 10 500 membres des FC se sont prévalus du PRF entre 1992 et 1995. De ce nombre, plus d’un tiers, soit 3 612, ont dû rembourser un trop-payé en raison de l'erreur commise par le MDN .
 

Aux termes des Directives ministérielles, l'Ombudsman ne peut faire enquête sur des plaintes relatives à des faits antérieurs au 15 juin 1998. Bien entendu, les quatre plaintes que j'ai reçues sont antérieures à cette date. Dans les Directives, on ajoute cependant que le Ministre peut approuver une enquête portant sur des faits antérieurs au 15 juin 1998 s'il juge qu'il est dans l'intérêt du public de le faire, y compris celui des membres du MDN et des FC.
 

J'ai été frappé par l'ampleur et la nature systémique de ce problème. J'ai été frappé par la façon dont le MDN a traité ce dossier sur le moral de ceux qui ont servi jusqu'à la fin de leur carrière dans les Forces canadiennes. Il m'est apparu évident qu'une affaire de ce genre pourrait aussi avoir une incidence sur le moral des membres actifs de même que sur le sentiment qu'ils ont que l'institution pour laquelle ils travaillent a leur intérêt à cœur. J'ai donc demandé au Ministre une permission spéciale pour entreprendre une enquête sur l'incident relatif aux remboursements dans le cadre du Programme de réduction des forces. Le Ministre a accepté ma demande, d'où le présent rapport.
 

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Processus d’enquête

Une fois autorisé par le Ministre, on a donné suite aux plaintes. Mon Bureau a confié le dossier à un enquêteur. On a formulé et approuvé un plan d'enquête, et on a obtenu des plaignants l'autorisation de diffuser des renseignements personnels et toutes les renonciations d'usage.
 

On a interviewé les plaignants et le personnel du Directeur — Traitement des comptes, soldes et pensions 4 (DTCSP 4) , responsable des enquêtes relatives aux pensions. Le DTCSP 4 avait également assumé la responsabilité du recouvrement des trop-payés au titre du PRF.
 

Dans le cadre de l'enquête, on a examiné la documentation pertinente, y compris :
 

  • les documents fournis à chacun des plaignants;
     
  • l'Ordonnance administrative des Forces canadiennes 203-3;
     
  • les Ordonnances et règlements royaux 203.04; 
     
  • la Loi sur l’administration financière, L.R.C. 1985, ch. F-11;
     
  • le Décret de remise de trop-payés versés à l'égard des membres des Forces canadiennes, SI/99-99; 
     
  • la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, L.R.C., ch. C-17;
     
  • le Règlement sur la pension de retraite des Forces canadiennes, C.R.C., ch. 396;
     
  • la Loi sur les allocations aux anciens combattants, L.R.C. 1985, ch. W-3;
     
  • la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6;
     
  • les politiques et lignes directrices du Conseil du Trésor pertinentes;
     
  • le projet de remise des trop-payés soumis au Conseil du Trésor par le MDN le 13 février 1997.
     

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Constatations

L'erreur

Dans le cadre du PRF, on autorisait pour la première fois les membres des FC à toucher une indemnisation en argent en contrepartie de congés inutilisés. À tort, des fonctionnaires du MDN ont cru qu'aucune politique ou procédure précise n'était en place pour le calcul de la valeur monétaire des congés inutilisés. Par conséquent, le Directeur des Services de la solde, le Directeur — Personnel (Administration et Services) et le Directeur — Rémunération et avantages sociaux (Administration) ont convenu de la méthode de calcul de la valeur monétaire des congés inutilisés qui a été proposée aux membres . La méthode de calcul a donné des résultats supérieurs à ceux que prévoyait la politique du Conseil du Trésor en vigueur depuis 1991 .
 

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La confiance à l'égard des renseignements erronés

Le PRF avait pour but d'inciter des membres à opter pour une retraite anticipée. On s'attendait à ce que les membres se fient aux détails du programme et soient séduits par eux. Dans les numéros du Bulletin du personnel publié pour chacune des années d'application du PRF, on trouve des renseignements précis sur le programme . On encouragerait les membres à envisager de se prévaloir de l'offre du PRF.
 

Il ne fait aucun doute que des membres ont fondé sur les détails du programme leur décision d'accepter le paiement de leurs congés inutilisés, voire même de prendre leur retraite. On s'en rend compte à l'analyse de la nature des allégations, mais c'est aussi ce que les plaignants nous ont déclaré. Ce n’est qu'après un examen minutieux des renseignements
 

fournis, nous ont-ils dit, qu'ils ont accepté le programme de retraite anticipée. S'ils avaient connu la valeur monétaire de leurs congés inutilisés conformément aux lignes directrices du Conseil du Trésor, l'information, ont affirmé certains, aurait eu une incidence sur leur décision d'opter pour un départ à la retraite anticipée. Ils auraient choisi de ne pas prendre une retraite anticipée ou encore de se prévaloir de leurs congés à partir du moment de leur libération. Ils se sont fiés aux chiffres fournis par le MDN, et ils ont subi une perte financière à cause du choix qu'ils ont fait. En outre, on ne peut « corriger » la situation en leur permettant de revenir là où ils se seraient trouvés si l'erreur n'avait pas été commise. À cause de cette erreur, ils ont subi un préjudice.
 

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Le caractère raisonnable de la confiance à l'égard des renseignements fournis

Il est tout à fait raisonnable pour les membres de s'en remettre aux modalités d'application du PRF promises. Dans son Bulletin du personnel, le Ministère affirme qu'il est impératif que les membres « [TRADUCTION] comprennent l'indemnité et les avantages financiers offerts dans le cadre du programme ainsi que les autres conséquences financières liées à une libération aux termes du PRF .» Le MDN a établi un système pour traiter les demandes de renseignements précises et conseiller les membres au sujet du PRF. Il a incité les membres des FC intéressés par le PRF à communiquer avec des représentants désignés pour obtenir de l'information et faire des calculs concernant les conséquences financières et les avantages prévus. Le MDN a également orienté les membres vers des personnes possédant les compétences particulières, les connaissances et le jugement voulus pour les aider à prendre une décision éclairée. Par conséquent, le MDN a admis l'importance de la décision qu'il demandait aux membres des FC de prendre, et il était tout à fait conscient du fait que ces derniers allaient donner suite à ses propositions.
 

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Le préjudice

En 1996, le Directeur des Services de la solde a été mis au courant de l’existence de la politique, et l'écart entre le PRF et les lignes directrices du Conseil du Trésor est alors devenu apparent. Le 3 septembre 1997, le MDN a écrit à tous les ex-membres qui avaient reçu un trop-payé pour les informer de l'erreur et leur demander de rembourser le trop-payé. Dans la lettre, on lisait :
 

[TRADUCTION] …à la suite d'une erreur administrative du ministère de la Défense nationale, vous avez reçu, au moment de votre libération des Forces canadiennes, une indemnité financière supérieure à celle à laquelle vous aviez droit. Même si l'erreur ne vous est nullement imputable, vous devez rembourser le montant du trop-payé.

Comme vous le savez, le paiement des congés inutilisés était l'un des avantages facultatifs de la libération aux termes du Programme de réduction des forces (PRF). Populaire, la mesure a été utilisée par un grand nombre de membres qui ont pris leur retraite. Quand nous avons appris que la méthode utilisée par le Ministère pour calculer la valeur de l'indemnité financière n'était pas conforme aux orientations du Conseil du Trésor, le PRF avait cependant été en application de 1992 à 1995. En vertu de l'approche que nous avons utilisée, nous avons sous-évalué les congés spéciaux aux termes du PRF et surévalué les congés annuels et accumulés …

Lorsque des erreurs financières de cette nature se produisent, la politique du Conseil du Trésor porte que la Couronne rembourse ceux qui ont reçu un sous-payé et récupère le montant des trop-payés auprès de ceux qui en ont bénéficié. Étant donné les circonstances, le Ministère, qui est responsable de l'erreur, a demandé l'autorisation spéciale d'annuler les trop-payés pour ne pas avoir à recouvrer les montants en cause auprès des membres concernés. La demande a été refusée.

 

 
Après avoir reçu la lettre, certains ex-membres ont payé le montant demandé. Certains des plaignants ont tenté de régler le problème en communiquant avec le DTCSP 4 et en remontant la chaîne de commandement, mais en vain. Ceux qui n'ont pas répondu ont reçu d'autres lettres de demande, et il semble bien que ceux qui n'ont pas versé volontairement le remboursement ont vu le montant déduit de la pension auquel les ex-membres ont droit aux termes de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. À titre d'exemple, on a obligé les quatre plaignants à rembourser les montants suivants :
 

Plaignant 1 : 947,86 $

Plaignant 2 : 1 657,98 $

Plaignant 3 : 721,33 $

Plaignant 4 : 346,27 $
 

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Mesures prises par le MDN pour éviter la récupération

Des mesures législatives autorisent la remise ou l'annulation de sommes dues à la Couronne. Au paragraphe 23(2.1) de la Loi sur l’administration financière, on dit : Sur recommandation du Conseil du Trésor, le gouverneur en conseil peut faire remise de toutes autres dettes, ainsi que des intérêts afférents, s'il estime que leur recouvrement est déraisonnable ou injuste ou que, d'une façon générale, l'intérêt public justifie la remise.
 

Dans une note d'information adressée au ministre de la Défense nationale le 11 décembre 1996, le sous-ministre précise qu'on a discuté de cette possibilité avec des fonctionnaires du Conseil du Trésor, qui ont rejeté cette solution. Le sous-ministre indique également qu'il y avait une autre solution, c'est-à-dire demander au Conseil du Trésor de légitimer la formule de paiement, mais on n'a pas non plus retenu cette possibilité. La note de service se lit comme suit :
 

[TRADUCTION] …La première solution consistait [...] à demander au CT le pouvoir de légitimer la formule utilisée. Si l'approche avait été adoptée, les trop-payés n'auraient pas été recouvrés, et les sous-payés n'auraient pas été remboursés.

La deuxième solution envisagée consistait à demander au CT le pouvoir de remettre les dettes imputables aux trop-payés et d'indemniser adéquatement ceux qui avaient reçu un sous-payé. Au terme de pourparlers, les fonctionnaires du CT se sont dits en désaccord avec cette solution . Le secrétaire du CT m'a confirmé cette position en personne.

Comme ni l'une ni l'autre des options n'étaient considérées comme viables, on a décidé d'appliquer la formule approuvée par le CT à chacun des cas de membres s'étant prévalus du PRF, d'identifier les trop-payés et les sous-payés et d'effectuer un paiement ou de prendre une mesure de recouvrement selon le cas.

 
Malgré la réponse négative du Conseil du Trésor lorsqu'on s'est adressé à eux pour la première fois, on a décidé de leur soumettre une demande officielle pour lancer la balle dans leur camp. Le 13 février 1997, le ministre de la Défense nationale, l'honorable Doug Young, a fait parvenir au Conseil du Trésor une proposition prévoyant l'annulation des trop-payés. Le 13 mars 1997, le Conseil du Trésor a rejeté la proposition en affirmant :

 

[TRADUCTION] Même s'ils sont parfaitement conscients des problèmes soulevés par le ministre de la Défense nationale en rapport avec le recouvrement des trop-payés auprès d'ex-membres des Forces canadiennes, les Ministres n'ont pas recommandé au gouverneur en conseil d'autoriser le ministre de la Défense nationale à remettre les trop-payés [...] qui ont été versés à certains membres des Forces canadiennes…

 
Dans la lettre de demande de remboursement qu'il a fait parvenir aux membres en date du 3 septembre 1997, le Ministère admet sa responsabilité et dit avoir demandé en vain le pouvoir spécial d'annuler les trop-payés.
 

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La légitimité de la demande de remboursement

Il ne fait aucun doute que les lignes directrices du Conseil du Trésor ont obligé le ministère de la Défense nationale à prendre des mesures pour obtenir le remboursement des trop-payés. Le MDN a consulté le Juge-avocat général, qui a confirmé cette interprétation. Malgré tout, on peut se demander si la loi autorisait le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire du ministère de la Défense nationale, à exiger le remboursement, nonobstant la politique du Conseil du Trésor. Les dispositions législatives qui régissent la restitution de paiements effectués par erreur est complexe, mais il est raisonnable de penser qu'elles « empêchent par préclusion », le gouvernement d’exiger le remboursement de fonds qu'il a versés par suite d'une erreur de fait ou de droit, lorsque le bénéficiaire s’est, de façon raisonnable, fié à son détriment aux renseignements qui lui ont été fournis. En fait, la question juridique soulève un doute encore plus grand lorsqu'on tient compte du fait que l'erreur portait sur une question de politique interne du gouvernement. Devrait-on autoriser un service gouvernemental à se soustraire à ce qui équivaut à une obligation contractuelle sous prétexte que le paiement promis ne répondait pas aux exigences imposées au Ministère par un autre service du même gouvernement? On n'a pas ici affaire à un trop-payé découlant d'une simple erreur fortuite.
 

De plus, la question de savoir si la Couronne peut se rembourser au moyen de déductions sur les pensions versées semble poser un problème, même si elle a bel et bien droit à un remboursement. En droit, le MDN est autorisé à tenter de recouvrer une somme exigible due à la Couronne et a le pouvoir de le faire. En effet, l'article 155 de la Loi sur l’administration financière porte qu'on peut recouvrer toute somme due à la Couronne en retenant un montant égal à la créance sur toute somme due au débiteur par la Couronne. Il semble bien également que les comptes de solde ne sont pas fermés lorsqu'une personne cesse d'être membre des FC et que les crédits ou les débits liés à la solde, y compris les trop-payés en question, sont considérés comme faisant partie du compte de solde. Aux termes de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, il semble bien que le reliquat débiteur dans le compte de solde d'un ex-membre peut seulement être déduit de la somme de la rente ou de toute autre prestation à laquelle l'intéressé a droit dans certaines circonstances. En effet, l'article 53 porte que le recouvrement d'un reliquat débiteur au compte de solde d'un ancien membre (que le reliquat débiteur en question ait existé au moment de sa retraite ou ait été constaté par la suite) doit s'opérer de la manière et dans la mesure que peuvent prescrire les règlements. Aux termes de l'article 27 du Règlement sur la pension de retraite des Forces canadiennes, on prévoit uniquement le recouvrement d'un tel reliquat débiteur à même la rente de l'ex-membre que  « lorsque le reliquat débiteur figure au compte de solde parce que ledit ancien membre a, directement ou indirectement [… ] obtenu frauduleusement ou accepté sciemment un trop-payé de solde et d'allocations. »  Lorsqu'ils ont reçu le trop-payé, les plaignants ne savaient pas qu'il s'agissait d'un trop-payé; ils ne l'ont donc pas accepté « sciemment ».
 

L'Ombudsman n'a pas pour mandat de trancher de tels différends juridiques. Dans le cas présent la politique du Conseil du Trésor obligeait le MDN à demander un remboursement, la question de savoir si le gouvernement dans son ensemble avait bel et bien droit au remboursement est ce qui fait problème.
 

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D'autres points de comparaison

Je constate que, dans d'autres lois fédérales, on a opté pour une approche plus clémente dans des cas analogues de trop-payés reçus par suite d'une erreur administrative. À titre d'exemple, la Loi sur les allocations aux anciens combattants et la Loi sur les pensions, qui porte sur les prestations d'invalidité ou de décès, le soutien économique sous forme d'allocation ainsi que de prestations et de services de soins de santé aux anciens combattants, prévoient toutes deux que le Ministre, s'il est convaincu qu'un trop-payé s'explique par une erreur administrative, un retard ou une omission de la part d'un fonctionnaire, peut remettre ou annuler une partie ou la totalité du trop-payé. Si, dans le cas présent, une disposition analogue avait existé, le ministre de la Défense nationale aurait de toute évidence annulé les trop-payés.
 

Notre enquête a également révélé que le MDN avait, dans d'autres circonstances, obtenu du Conseil du Trésor le pouvoir de remettre des trop-payés. Le Décret de remise de trop-payés versés à l'égard des membres des Forces canadiennes, SI/99-99, prévoit la remise des trop-payés versés aux membres des FC qui, du 1er décembre 1977 au 31 décembre 1994 sont passés de la catégorie «  officiers du service général » à celle de «  pilotes ». Ainsi, ils ont reçu des trop-payés, soit le montant représentant la solde et les allocations et, dans certains cas, les rentes ou d'autres prestations prévues par la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, au lieu du montant qu'ils auraient dû recevoir aux termes de l'Ordonnance administrative des Forces canadiennes régissant les mutations à la catégorie des pilotes. Dans le Décret de remise de trop-payés, on affirme expressément que la remise est « dans l'intérêt public ».
 

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Recommandations et motifs

À la lumière de ce qui précède, il ressort clairement que le PRF encourageait les départs à la retraite anticipée. Les personnes qui ont accepté de prendre une retraite anticipée, y compris le paiement des congés inutilisés offert, ont raisonnablement fait confiance aux modalités présentées par le MDN. Ils ont suivi ce conseil à leur détriment puisqu'on les a incités à prendre une retraite anticipée et à renoncer à leurs congés inutilisés en retour du paiement promis. Or, on ne peut revenir en arrière. À cause de l'erreur du MDN, les membres ont pris une décision qui leur a porté préjudice. Que la loi ait ou non autorisé le gouvernement du Canada, par l'entremise du MDN, à exiger le remboursement, l'acte qu’a posé le MDN a été, dans les circonstances, injuste. Il a été injuste parce qu'il était raisonnable de la part des membres de s'en remettre aux renseignements fournis par le MDN. En fait, les renseignements étaient erronés, et les intéressés ont subi une perte. Il a été injuste parce qu'une promesse a été faite, que les membres ont obtenu une contrepartie en échange de cette promesse, nommément un départ à la retraite anticipée et que les modalités de l'accord ont été modifiées de façon rétroactive parce qu'un service du gouvernement avait omis de prendre en considération une politique interne émise par un autre. Par la suite, le gouvernement a, d'une façon ou de l'autre, invoqué des limites imposées par lui-même pour s'absoudre de promesses qu'il a faites et auxquelles d'autres ont donné suite.
 

Je me rends compte que la mise en œuvre des recommandations qui suivent exigera l'approbation du Conseil du Trésor. Les pouvoirs de l’Ombudsman viennent cependant du ministre de la Défense nationale. Je dois donc limiter mes recommandations au MDN et aux FC, au niveau où on pourra leur donner suite de la façon la plus efficace et la plus efficiente possible. Je n'ai pas le pouvoir de formuler des recommandations au Conseil du Trésor ni au gouverneur en conseil. Je m'abstiens donc de le faire. Je mets l'accent sur le MDN.
 

Quant au MDN, l'erreur initiale a été commise. Après coup, le MDN a tout fait pour corriger la situation sans porter préjudice à ses membres. Même si, à l'époque, toutes les mesures raisonnables ont bel et bien été prises, rien n'empêche le Ministère d'essayer de nouveau. Je recommande donc ce qui suit au ministre de la Défense nationale :
 

  1. Demander de nouveau au Conseil du Trésor de recommander au gouverneur en conseil, aux termes du paragraphe 23(2.1) de la Loi sur l’administration financière, de remettre le trop-payé versé à d'ex-membres des FC à titre de paiement pour les années d'application du PRF de 1992 à 1995, et joindre le présent rapport;
     
  2. Sur approbation du gouverneur en conseil, prendre les mesures qui s'imposent pour identifier les ex-membres des FC concernés et remettre le montant du trop-payé ci-dessus.
     

Il ne fait aucun doute que les membres actuels du MDN voient dans le traitement réservé aux retraités du système un exemple du genre de traitement auquel ils peuvent s'attendre au moment de leur retraite, en contrepartie de leur engagement et de leur service. En prenant de telles mesures extraordinaires pour assurer un juste traitement aux membres des FC qui ont pris leur retraite aux termes du Programme de réduction des forces, le Ministre indiquera clairement aux membres actifs que le Ministère est déterminé à assurer un traitement équitable aux membres des FC et que cet engagement ne prend pas fin une fois qu'ils ont pris leur retraite au terme d'une longue carrière au service de leur pays.
 

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