Un long vol vers l’équité : L’affaire du commandant d’aviation (retraité) Clifton Wenzel

Le 8 novembre 2005
 

Sommaire

Enjeu

En mai 2005, le ministre de la Défense nationale, l'honorable William Graham, a confié le dossier du commandant d'aviation à la retraite Clifton Wenzel au Bureau de l'Ombudsman. Dans sa lettre, le Ministre écrivait :
 

[TRADUCTION] Je reconnais que cette demande est quelque peu inhabituelle et motivée en partie par le fait extraordinaire que cet ancien combattant décoré est parfaitement convaincu que son pays ne l’a pas traité de façon équitable, opinion qu’il a exprimée pendant très longtemps. À cet égard, je considère que votre enquête sur la question serait dans l’intérêt du Ministère et du Canada.

 
Au service du pays

C'est l'histoire de Clifton Wenzel et du combat qu'il a mené pendant 44 ans pour obtenir une pension qu'il estimait mériter. M. Wenzel est un ex-officier de l'Aviation royale du Canada (ARC) et ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale décoré. Il a pris sa retraite après plus de 20 années de service militaire. À titre de pilote, il a pris part à 47 missions de combat dans le cadre de deux affectations opérationnelles. En 1945, il a reçu la Croix du service distingué dans l'Aviation et, en 1949, la Croix de l'Aviation. Après la Deuxième Guerre mondiale, il a effectué 400 sorties pendant le blocus et le pont aérien de Berlin. Par la suite, il a été pilote dans le conflit coréen. Après avoir pris sa retraite de la force régulière, il a servi pendant huit ans pour la force auxiliaire de l'ARC (qu'on appelle maintenant les Réserves).
 

En 1961, à l'âge de 39 ans, M. Wenzel avait une jeune famille à faire vivre. Il s’est dit que ses perspectives d'emploi post-retraite seraient bien meilleures s'il entreprenait une seconde carrière à ce moment-là de sa vie, plutôt que d'attendre d'avoir 45 ans, âge de la retraite obligatoire d'un capitaine d'aviation, grade qu'il occupait à l'époque. Dans sa demande d'autorisation de prendre sa retraite, il a indiqué qu'il voulait subvenir financièrement aux besoins de sa famille et saisir les possibilités commerciales qui s'offriraient à lui à ce moment-là. Il a également fait remarquer que, en prenant sa retraite tôt, cela permettrait aux jeunes officiers d'obtenir de l'avancement, et que, par conséquent, sa retraite était « dans l'intérêt public ».
  

Selon la Loi concernant la pension de retraite des membres des Forces canadiennes (LPRFC) qui était en vigueur à l'époque, un officier qui prenait sa retraite avant l'âge de la retraite obligatoire et qui avait servi pendant 10 ans dans la force régulière, mais moins de 25 ans, n'avait droit qu'au remboursement des cotisations versées au régime de pension. Cependant, à la discrétion du Conseil du Trésor, l'officier pouvait se voir accorder une rente si le ministre de la Défense nationale formulait une recommandation selon laquelle la retraite  « était dans l'intérêt du public et qu'on devait lui verser une rente dans l'intérêt du public.1 » C'est pourquoi M. Wenzel a essayé de prouver que sa retraite était dans l'intérêt public.
 

Étant donné que la LPRFC ne définissait pas l'expression  « dans l'intérêt public », le MDN a élaboré un Policy Guide2, recueil de lignes directrices sur la façon, pour le Conseil du Trésor, d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'approuver certaines demandes de prestations en vertu de la LPRSC. Dans le Guide, on mentionnait que, pour qu'on recommande le versement d'une rente, la retraite du membre devait déboucher sur  « un emploi civil d'importance publique ». Cependant, le Guide d’application n'a été distribué qu'à certaines personnes choisies au Quartier général de la Défense nationale (QGDN). M. Wenzel ignorait l'existence de ce guide.
 

En 1960 et en 1961, la demande de rente de M. Wenzel a gravi les échelons de sa chaîne de commandement, mais à chaque échelon, on finissait toujours par la rejeter. Au bout du compte, il n'a reçu que le remboursement des cotisations qu'il avait versées à son régime de pensions (moins de 5 000 $).
 

Au cours des 44 années qui ont suivi, M. Wenzel a demandé à plusieurs ministres de la Défense nationale de réexaminer sa demande de rente, mais en vain. En 2002, il a présenté une demande à la Cour fédérale, qui a statué que sa demande de contrôle de la décision initiale de 1961 arrivait trop tard.
 

Comme on l'a déjà mentionné, en mai 2005, le ministre Bill Graham a demandé au Bureau de l'Ombudsman d'étudier le dossier.
 


 

1. L’expression « intérêt du public » peut paraître, en 2005, inadéquate. Il est important que le lecteur note que c’est l’expression qui était utilisée dans la législation de l’époque. Pour faciliter la lecture, on a préféré lui substituer l’expression plus moderne « l’intérêt public » à celle utilisée dans la législation.
 

2. Le Policy Guide auquel nous faisons référence ici n’existe pas en version française. Dans le présent texte, nous utiliserons la traduction Guide d’application.
 

Comment le système a abandonné M. Wenzel

Nous avons mené une enquête pour déterminer si le MDN et les FC avaient été équitables à l'égard de M. Wenzel, et si on était arrivé à la décision de ne pas recommander le versement d'une rente réduite en se fondant sur des principes équitables.
 

Nous avons relevé un certain nombre de lacunes graves dans le processus suivi par le MDN et les FC.
 

Par exemple, les dossiers de M. Wenzel contenaient des renseignements incomplets et inexacts. On a fait une erreur lorsqu'on a calculé son service ouvrant droit à pension, car le résultat donnait l'impression qu'il avait servi pendant moins de 20 ans. Si on avait effectué le calcul comme il se doit, M. Wenzel aurait été classé dans la catégorie des officiers ayant accumulé plus de 20 années de service. De plus, notre recherche a révélé que, si ce calcul avait été effectué correctement, M. Wenzel aurait eu beaucoup plus de chances d'obtenir une rente. En outre, il n'y avait pas d'information sur le transfert de M. Wenzel dans la force auxiliaire de l'ARC tout de suite après sa retraite de la force régulière de l'aviation, et aucune donnée sur la nature de l'emploi civil qu'il comptait occuper. Il est tout à fait concevable que, si les décideurs avaient disposé en 1961 de tous les renseignements nécessaires et que M. Wenzel avait obtenu toute l'aide dont il avait besoin pour monter le meilleur dossier possible, on lui aurait possiblement versé une rente.
 

Les personnes qui ont participé au processus ont abandonné M. Wenzel de plusieurs façons : elles ont négligé de fournir des renseignements exacts et complets au sujet de son service; elles ne l'ont pas aidé dans sa demande de rente; et elles ont omis de s'assurer que tous les renseignements qui auraient dû figurer dans son dossier s'y trouvaient vraiment. Le système a également laissé tomber M. Wenzel en définissant l'expression  « dans l'intérêt public » de façon trop restrictive, dans le Guide d’application, et en cachant cette définition, quoique déficiente, à M. Wenzel, et, bien entendu, à quiconque avait besoin de cette information.
 

De plus, notre enquête a révélé que le Guide d’application n'était lui-même pas appliqué uniformément. Enfin, même si le Guide permettait de tenir compte de circonstances exceptionnelles et que le cas de M. Wenzel aurait pu être considéré comme étant exceptionnel, on ne l'a pas fait.
 

Rétablir l'ordre des choses

Quarante-quatre ans se sont écoulés. C'est l'Année de l'ancien combattant. Le temps est venu de rendre justice à M. Wenzel. Lorsqu'il a formulé ses recommandations, l'Ombudsman a gardé à l'esprit le fait que le Canada a toujours essayé de traiter ses anciens combattants avec honneur et dignité. Les faits et circonstances de l'affaire de M. Wenzel, comme on les présente dans le rapport, et son long combat pour être traité équitablement font de son histoire un cas inhabituel. Comme en témoignent amplement les décorations qu'on lui a décernées, M. Wenzel a servi le Canada avec distinction. Sa carrière est louable. Il a beaucoup donné à notre pays, mais pendant près d'un demi-siècle, le système l'a abandonné et il a reçu trop peu en retour.
 

Les recommandations se trouvent à la fin du rapport. Essentiellement, elles consistent en ceci : que l'on redresse avec dignité et honneur les torts qu'a subis M. Wenzel, qu'on reconnaisse qu'il a été victime d'une injustice et qu'on l'indemnise en conséquence.
 

Table des matières
 

Enjeu/plainte

Le 5 mai 2005, le ministre de la Défense nationale (MDN), l’honorable William Graham, a confié le dossier du commandant d’aviation à la retraite Clifton Wenzel au Bureau de l’Ombudsman pour enquête, conformément au paragraphe 4(a) des Directives ministérielles qui s’appliquent au Bureau de l’Ombudsman. En vertu du paragraphe 4(a) des Directives ministérielles, l’Ombudsman doit faire enquête sur toute affaire faisant l’objet d’une demande écrite de la part du Ministre.
 

En 1961, à l’âge de 39 ans, M. Wenzel a pris sa retraite de la force régulière de l’Aviation royale du Canada (ARC), après 20 ans et 135 jours de service ouvrant droit à pension. Au moment où il a pris sa retraite, la Loi concernant la pension de retraite des membres des Forces canadiennes (LPRFC) venait tout juste d’entrer en vigueur. Au titre de la LPRFC, un membre qui prenait sa retraite de la force régulière avant l’âge de la retraite obligatoire avait droit à une rente, mais seulement si la retraite était « dans l’intérêt public ». Lorsqu’on jugeait que c’était le cas, le ministre de la Défense nationale avait le pouvoir de recommander au Conseil du Trésor d’accorder une rente. Autrement, le membre n’avait droit qu’à un remboursement de ses cotisations au régime de pension.
 

La retraite de M. Wenzel n’était pas considérée comme étant « dans l’intérêt public ». C’est pourquoi on n’a pas recommandé de lui verser une rente. Même s’il n’existait aucun mécanisme d’appel officiel, M. Wenzel a écrit à maintes reprises à sa chaîne de commandement pour lui expliquer pourquoi, selon lui, il aurait dû avoir reçu une rente. Il a fini par retenir les services d’un avocat pour défendre sa cause, mais en vain.
 

Depuis qu’il a pris sa retraite, il y a plus de 40 ans, M. Wenzel n’a jamais rendu les armes. Au fil des ans, il a écrit aux ministres de la Défense nationale successifs, et il a porté son affaire devant la Cour fédérale du Canada. Par la suite, il a demandé au Ministre Graham d’étudier son dossier.
 

Reconnaissant l’importance et les caractéristiques vraiment uniques de son histoire, le Ministre a fait remarquer, dans la lettre qu’il a adressée au Bureau de l’Ombudsman (voir l’annexe A), que :

[TRADUCTION] On me dit que, étant donné que le dossier a été examiné à maintes reprises et que plus de 40 ans se sont écoulés, le gouvernement a épuisé presque toutes les options… Je reconnais que cette demande est quelque peu inhabituelle et motivée en partie par le fait extraordinaire que cet ancien combattant décoré est parfaitement convaincu que son pays ne l’a pas traité de façon équitable, opinion qu’il a exprimée pendant très longtemps. À cet égard, je considère que votre enquête sur la question serait dans l’intérêt du Ministère et du Canada.

 
Table des matières
 

Processus d’enquête

Après avoir reçu la lettre du Ministre me renvoyant le dossier, j’ai nommé deux enquêteurs qui ont récupéré divers documents (décisions, procès-verbaux, procédures, notes d’information, rapports et dossiers) afin d’effectuer un examen approfondi de l’affaire Wenzel.
 

Documents fournis par M. Wenzel

M. Wenzel a fourni à mes enquêteurs divers documents pertinents à sa retraite de la force régulière de l’ARC ainsi que des documents qu’il avait produits en 2003 pour la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada afin d’étayer sa demande de contrôle judiciaire de la décision rendue en 1961 par le Ministre, de ne pas recommander de lui verser une rente réduite. Il a également mis à leur disposition sa correspondance avec le ministère de la Défense nationale, notamment avec plusieurs ministres de la Défense nationale.
 

Les enquêteurs estimaient qu’il était important d’interroger M. Wenzel lui-même. On a pris les dispositions nécessaires pour le rencontrer personnellement et entendre sa version des faits. Les enquêteurs ont également étudié les dossiers du personnel militaire de M. Wenzel, qui sont conservés par Bibliothèque et Archives Canada.
 

Documents demandés au ministère de la Défense nationale et aux Forces canadiennes

Le 12 mai 2005, on a demandé pour la première fois divers documents provenant de plusieurs sources au sein du MDN et des FC, notamment le Directeur – Pensions et programmes sociaux et l’Unité de la correspondance ministérielle. Le 25 mai 2005, on avait reçu tous les documents demandés, à l’exception des notes d’information ministérielles de 2003 et de 2005. Le 14 juin 2005, on a demandé des documents supplémentaires au Secrétariat du Conseil des pensions militaires. Ces documents ont été reçus le 11 juillet 2005, et comprenaient les notes d’information demandées le 12 mai 2005.
 

Voici quelques-uns des documents demandés au ministère de la Défense nationale et aux Forces canadiennes (MDN/FC) :
 

  • les procès-verbaux, procédures ou autres dossiers similaires sur les travaux du Conseil des pensions militaires, de 1959 à 1962; 
     
  • les dossiers ou les rapports sur des demandes examinées par le Conseil des pensions militaires au cours de cette période; 
     
  • tous autres documents qui auraient pu donner une idée des faits et des enjeux dont le Conseil aurait pu tenir compte dans l'examen d'un dossier ou qui auraient pu donner une idée des procédés employés par le Conseil.
     

De plus, les enquêteurs ont demandé à obtenir les documents suivants :
 

  • les relevés des recommandations formulées au Ministre concernant des affaires ou des recommandations particulières que le Ministre aurait transmis au Conseil du Trésor; 
     
  • la correspondance du conseiller juridique de M. Wenzel avec le MDN/les FC en 1961; 
     
  • la correspondance du cabinet du Ministre concernant M. Wenzel; 
     
  • les notes d'information à l'intention du Ministre concernant l'affaire de M. Wenzel.
     

Cependant, les dossiers fournis par le Conseil des pensions militaires ne semblent pas être complets.
 

On a également passé en revue la LPRFC et les politiques relatives à l’octroi des rentes qui étaient en vigueur lorsque M. Wenzel a pris sa retraite.
 

Table des matières
 

Résumé des faits

M. Clifton Wenzel, officier de l’ARC à la retraite et ancien combattant à la Deuxième Guerre mondiale décoré, s’est distingué tout au long de sa carrière dans l’aviation et a à son actif plus de 29 années de service militaire.
 

En 1939, M. Wenzel s’est enrôlé dans la Milice de l’Armée canadienne à titre de réserviste. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, il a été grenadier et pilote pour la patrouille côtière dans l’ARC. À titre de pilote, il a pris part à 47 missions de combat dans le cadre de deux affectations opérationnelles. Après la guerre, M. Wenzel a servi pendant plus de quatre ans pour la Royal Air Force (RAF) et a effectué près de 400 sorties pendant le blocus et le pont aérien de Berlin, en 1947. Il a relevé le gant encore une fois pour le Canada, en se joignant à la force régulière de l’ARC, en 1951, après sa mutation de la RAF. Il a combattu dans le cadre du conflit coréen. Il a servi pendant un peu plus de dix ans dans l’ARC en temps de paix, et, après avoir pris sa retraite de la force régulière de l’ARC, il a servi pendant huit ans pour la force auxiliaire de l’ARC (qu’on appelle maintenant les Réserves). Pendant sa carrière, il a reçu la Croix du service distingué dans l’Aviation, en 1945, et la Croix de l’Aviation, en 1949.
 

Table des matières
 

Il demande la permission de prendre sa retraite

En 1960, M. Wenzel était âgé de 38 ans. Il avait une jeune famille à faire vivre, et il n’avait pas l’impression d’avoir de véritables perspectives de promotion. Il a indiqué à mes enquêteurs que, selon lui, ses perspectives d’emploi après la retraite seraient bien meilleures s’il embrassait plus rapidement une deuxième carrière, plutôt que d’attendre son 45e anniversaire de naissance, l’âge de la retraite obligatoire pour son grade à l’époque (capitaine d’aviation). M. Wenzel devait obtenir la permission de prendre sa retraite, car il n’avait pas encore atteint l’âge de la retraite obligatoire. Le 5 juillet 1960, il a demandé la permission de prendre sa retraite le 31 juillet 1961. Voici comment il a expliqué les raisons de sa demande :

[TRADUCTION] …Je me suis résolu à vous présenter cette demande parce que mes ressources financières commencent à s’épuiser. Bientôt, je devrai offrir une éducation appropriée à mes deux enfants et, comme je ne vois pas comment j’y arriverai avec mes émoluments présents, je suis obligé de faire passer leur bien-être avant mes propres désirs personnels. Comme mes enfants sont plus jeunes que la normale pour une personne de ma catégorie d’âge, les dépenses atteindront un sommet lorsque les possibilités d’emploi civil raisonnables seront moins nombreuses. Les activités commerciales dans lesquelles j’ai des intérêts devraient être lucratives l’an prochain. Ainsi, en prenant ma retraite cinq ans plus tôt, je pourrai tirer avantage de la possibilité qui m’est offerte.
 

…Comme la compétition pour les postes permanents est si vive chez les jeunes officiers enthousiastes, ma retraite aura pour effet de créer un poste vacant qui fera la joie d’un jeune candidat. C’est pourquoi j’estime que ma retraite doit être considérée comme étant dans l’intérêt public.

 
Lorsqu’on résume la séquence des événements et des décisions des 15 mois qui ont suivi la lettre de M. Wenzel, dont un extrait est fourni ci-dessus, il est important de la situer dans le contexte des éléments suivants :
 

  • le critère de l’« intérêt public » énoncé dans la LPRFC
     
  • le Guide d’application, qui fournissait des lignes directrices sur la façon d’exercer le pouvoir discrétionnaire d’approuver certaines demandes de prestations en vertu de la LPRFC.
     

Table des matières
 

Réaction de la chaîne de commandement

Selon la LPRFC, un officier qui prenait sa retraite avant l’âge de la retraite obligatoire et qui avait servi pendant dix ans dans la force régulière, mais moins de 25 ans, n’avait droit qu’au remboursement des cotisations versées au régime de pension. Cependant, à la discrétion du Conseil du Trésor, l’officier pouvait se voir accorder une rente, réduite de 5 % pour chaque année où l’officier n’avait pas encore atteint l’âge de la retraite pour son grade. La LPRFC prévoyait que le Conseil du Trésor ne devait évaluer le dossier que si le ministre de la Défense nationale lui avait formulé une recommandation selon laquelle la retraite  « était dans l’intérêt public et qu’on devait lui verser une rente dans l’intérêt public.» 
 

Le critère de l’« intérêt public » est le pivot et l’élément central de notre enquête. On y fait allusion d’un bout à l’autre du rapport. (La LPRFC est entrée en vigueur le 1er mars 1960, juste avant que M. Wenzel ne présente sa demande de retraite volontaire. La disposition pertinente de la LPRFC qui était en vigueur au moment où M. Wenzel a pris sa retraite est jointe aux présentes à l’annexe B.)
 

Comme on l’a déjà mentionné, M. Wenzel a demandé à prendre sa retraite à compter du 31 juillet 1961. À cette date, il aurait servi dans la force régulière pendant les dix années requises pour être possiblement admissible à une rente réduite aux termes de la nouvelle LPRFC. C’est pourquoi, lorsqu’il a présenté sa demande de retraite anticipée, il a expliqué pourquoi sa retraite pouvait être considérée comme étant « dans l’intérêt public » et ainsi permettre au Ministre de recommander l’octroi d’une rente réduite.
 

La demande de mise à la retraite de M. Wenzel a gravi les échelons de sa chaîne de commandement. À chaque échelon, le responsable a fait part de son interprétation de la LPRFC et indiqué si M. Wenzel devrait recevoir une rente réduite ou simplement se voir rembourser ses cotisations.
 

Le 22 septembre 1960, l’officier des services au personnel de la station de M. Wenzel a écrit au Commandement des forces aériennes pour appuyer la demande de mise à la retraite de M. Wenzel et demandé au Commandement de confirmer son interprétation du règlement, selon laquelle M. Wenzel n’était pas admissible à une rente.
 

En réaction à cette lettre, l’administration de l’officier d’état-major du commandement a écrit au chef d’état-major de la Force aérienne, le 26 septembre 1960, en appui à la demande de retraite de M. Wenzel, mentionnant qu’il convenait que M. Wenzel ne devait pas être admissible à une rente, à moins que sa retraite ne soit « dans l’intérêt public ». Il a demandé au chef d’état-major de la Force aérienne de confirmer l’admissibilité de M. Wenzel. Le 6 octobre 1960, le Directeur – Carrières militaires a répondu au nom du chef d’état-major de la Force aérienne, en indiquant que, si M. Wenzel devait être libéré pour les raisons mentionnées, le plus qu’il pouvait espérer, c’était le remboursement de ses cotisations. Sur réception de cette réponse, l’administration de l’officier d’état-major du commandement a écrit au Quartier général du Commandement du transport aérien, le 18 octobre 1960, pour confirmer que M. Wenzel avait droit tout au plus à un remboursement des cotisations. L’administration de l’officier d’état-major du commandement a interrogé M. Wenzel le 24 octobre 1960, et lui a transmis cette information.
 

Pour obtenir la permission de prendre sa retraite avant l’âge de la retraite obligatoire, il fallait aussi obtenir l’approbation d’une commission d’officiers. Le 7 novembre 1960, la Commission d’officiers a évalué le dossier de M. Wenzel, à la lumière de la [TRADUCTION]  « situation favorable de la dotation et du grand désir [de M. Wenzel] de se lancer dans des activités commerciales. »  Des notes préparées par l’unité d’attache de M. Wenzel avaient été jointes au rapport de la commission d’officiers. On y indiquait que la retraite de M. Wenzel ne pouvait être jugée comme étant « dans l’intérêt public », parce qu’il avait fondé principalement sa demande sur l’éducation de ses enfants et l’obtention d’un emploi civil.
 

Tout au long de l’examen de la demande de retraite de M. Wenzel, la chaîne de commandement a maintenu que les motifs évoqués par M. Wenzel pour prendre sa retraite ne justifiaient pas la conclusion selon laquelle sa retraite serait « dans l’intérêt public »; par conséquent, on ne devait pas recommander l’octroi d’une rente réduite.
 

Le 26 janvier 1961, M. Wenzel, par l’entremise de sa chaîne de commandement, a demandé un entretien avec le ministre de la Défense nationale (MDN) de l’époque afin de présenter [TRADUCTION]  « des faits qui pourraient être pertinents à son affaire ». En réaction à cette demande, l’administration de l’officier d’état-major du commandement a interrogé M. Wenzel le 21 février 1961. Après l’entrevue, il a noté par écrit qu’il avait expliqué les rouages des politiques sur les pensions à M. Wenzel et qu’il croyait que ce dernier avait compris ses explications. Il a également signalé avoir dit à M. Wenzel  « qu’on ne pourrait pas lui obtenir un entretien avec le Ministre, et qu’on ne le ferait pas non plus ».
 

M. Wenzel n’a pas lâché prise. Le 5 avril 1961, il a écrit au commandant de l’Unité administrative pour faire valoir d’autres arguments en faveur de son admissibilité à plus qu’un remboursement de ses cotisations. Sa lettre a été transmise au chef d’état-major de la Force aérienne. Le 26 avril 1961, M. Wenzel a reçu une réponse au nom du chef d’état-major de la Force aérienne, dans laquelle on indiquait qu’on avait étudié attentivement sa demande et qu’on convenait que la LPRFC prévoyait l’octroi d’une rente réduite, mais seulement [TRADUCTION]  « si le Ministre a recommandé (au Conseil du Trésor) de considérer que la retraite de l’officier en question est dans l’intérêt public et que c’est dans l’intérêt public qu’il reçoit la rente. »  Dans cette lettre, on mentionnait que le chef d’état-major de la Force aérienne ne considérait pas que c’était le cas de M. Wenzel.
 

M. Wenzel a retenu les services d’un avocat qui a écrit au MDN le 24 mai 1961. (Ni le MDN ni l’avocat de M. Wenzel n’ont pu retrouver de copie de cette lettre.) Le 12 juin 1961, le juge-avocat général adjoint (JAGA) lui a répondu. Voici un extrait de sa lettre :
   

[TRADUCTION] …On doit verser une rente plutôt que de rembourser les cotisations si le Ministre a recommandé au Conseil du Trésor de considérer que la retraite de l’officier des forces est « dans l’intérêt public et qu’il est dans l’intérêt public de lui verser une rente », et que le Conseil du Trésor a approuvé cette recommandation.
 

Les Forces armées ont toujours eu pour politique générale d’imposer des restrictions strictes à la retraite volontaire afin de maintenir en poste le personnel formé…
 

Les nouvelles dispositions qui confèrent au Conseil du Trésor le pouvoir d’autoriser l’octroi d’une rente réduite ont été établies dans le but qu’on verse une rente à un membre de la force régulière dont les services étaient instamment requis par d’autres ministères ou organismes d’État, ou qui souhaite exercer un autre emploi civil d’importance publique. Elles ne visaient pas à faire en sorte qu’on élimine l’élément dissuasif à la retraite volontaire qui est si implicite dans la modalité de remboursement des cotisations, sauf dans les situations spéciales comme celle que l’on vient de décrire.
 

Aux termes de l’article 20 de la Loi concernant la pension de retraite des membres des Forces canadiennes, un conseil appelé Conseil des pensions militaires doit établir et certifier la raison pour laquelle un cotisant des forces veut prendre sa retraite. Le dossier du Wenzel n’a pas encore été transmis au Conseil des pensions militaires, mais compte tenu des circonstances entourant sa retraite, je doute qu’on autorise l’octroi d’une rente réduite.
 

Il se peut que le capt avn Wenzel occupe un poste civil que l’on pourrait raisonnablement juger comme étant d’importance publique. Le cas échéant, je vous suggère de transmettre cette information au personnel du directeur au conseil de l’air, Quartier général de l’ARC, ministère de la Défense nationale, Ottawa, pour qu’on en tienne compte au moment d’examiner son dossier.

 
Le 17 octobre 1961, l’avocat de M. Wenzel a répondu à cette lettre en demandant qu’on les autorise, M. Wenzel et lui, à comparaître devant le Conseil des pensions militaires. Cependant, à cette date, le Conseil des pensions militaires avait déjà rendu sa décision. J’y reviendrai plus tard dans le rapport (voir la section intitulée Demande d’examens du Ministre).
 

Table des matières
 

Le Guide d’application et « l’intérêt public »

En prévision de l’entrée en vigueur, le 1er mars 1960, de la nouvelle LPRFC, le ministre associé de la Défense nationale a adopté un guide de politiques, le Guide d’application, le 21 janvier 1960. Le ministre associé s’était vu confier la responsabilité de s’occuper des dossiers relatifs aux pensions au nom du Ministre. Le guide devait orienter le traitement du pouvoir discrétionnaire conféré au Conseil du Trésor d’approuver certaines prestations prévues par la LPRFC. Dans le guide, on mentionnait également que, en vertu de la LPRFC, le Conseil des pensions militaires avait le devoir de déterminer le motif de la retraite du cotisant, et que cela visait à assurer une certaine uniformité quant aux situations dans lesquelles les prestations étaient versées dans les trois services. Selon le guide, le ministre associé désignait certains agents qui devaient lui formuler des recommandations, et ces personnes devaient suivre les lignes directrices énoncées dans le guide.
 

Comme la LPRFC ne contenait aucune définition de l’expression « intérêt public » et ne donnait aucune orientation quant à la façon dont on devait mesurer l’intérêt public, on a établi les critères suivants, et on les a inclus dans le Guide d’application :

[TRADUCTION] 4e) Retraite « volontaire », personne qui n’a pas atteint l’âge de la retraite, qui a accumulé au moins dix années de service dans la force régulière, mais moins de 25 années de service, pour un officier, et moins de 20 années, pour un homme (LPRFC 10(6)a)(ii) et (10)c)) Minimum légal : Remboursement des cotisations
 

Maximum admissible : À la discrétion du Conseil du Trésor, sur la recommandation du ministre de la Défense nationale que la retraite et le versement d’une rente sont dans l’intérêt public, une rente réduite de 5 % pour chaque année complète où le cotisant n’a pas atteint l’âge de la retraite obligatoire pour son grade.
 


 

Les dispositions applicables de la LPRFC… ont été intégrées lorsque le Conseil du Trésor a suggéré qu’on prévoie le versement d’une pension ou d’une rente lorsqu’il est dans l’intérêt public qu’un officier ou un homme ait la permission de prendre sa retraite volontairement et reçoive une rente ou une pension.
 


 

Guide d’application : Pour faire l’objet d’un examen en vue de la recommandation de l’approbation du versement d’une rente réduite de 5 % pour chaque année complète où le cotisant n’a pas atteint l’âge de la retraite, la demande de retraite volontaire doit faire partie de l’une des catégories suivantes :
 

  1. le cotisant prend sa retraite volontairement afin d’accepter un emploi civil d’importance publique;
  2. le cotisant prend sa retraite volontairement afin de faciliter sa réadaptation, dans les trois années qui précèdent celle où il atteindra l’âge de la retraite prescrit, et le cotisant a loyalement servi son pays;
  3. le cotisant a à son actif au moins 25 ans de bons et loyaux services ouvrant droit à pension. [Soulignement dans l’original.]

 
Il convient de noter que le Guide visait à assurer l’uniformité pour ce qui est de l’application des critères élaborés, mais qu’il laissait également de la place pour les exceptions qui pouvaient se présenter :

[TRADUCTION] Un guide de politiques général doit être suffisamment précis et défini pour rendre inutile tout examen approfondi de chaque dossier individuel. Un tel guide ne doit toutefois pas empêcher l’examen des dossiers individuels et la formulation de recommandations qui pourraient ne pas être entièrement en accord avec le guide.

 
Table des matières
 

Rôle du Conseil des pensions militaires

Le Conseil des pensions militaires a été établi en vertu de la LPRFC et avait pour tâche de déterminer les motifs de la retraite de cotisants visés par la LPRFC. Le Conseil se composait d’un président, d’un membre de chacun des services, et d’un membre représentant le Ministre, tous nommés par le Ministre. M. Wenzel a pris sa retraite le 31 juillet 1961, et peu après, en septembre 1961, le Conseil a étudié son dossier.
 

L’agent supérieur du personnel de chaque service devait formuler des recommandations concernant les rentes liées aux retraites volontaires au Conseil des pensions militaires. La recommandation de l’ARC a été intégrée à une déclaration de l’agent supérieur du personnel, dans laquelle on mentionnait que le [TRADUCTION]  « cotisant avait demandé sa libération afin de chercher un emploi civil, car il considérait que sa solde était inadéquate. »  Dans l’exposé du motif de la retraite, on soulignait ce qui suit : [TRADUCTION]  « Retraite volontaire, plus de dix années de service. N’est pas visé par les dispositions du paragraphe 4e) du Policy Guide on Discretionary Awards », et on ne recommandait que le remboursement des cotisations. L’ARC n’a pas fourni d’autres renseignements sur les états de service de M. Wenzel. Le Conseil des pensions militaires a déterminé, dans le procès-verbal de sa réunion, que la retraite de M. Wenzel était volontaire et ne justifiait pas une recommandation de rente réduite. Selon les calculs fournis par le Directeur de la comptabilité pour le Conseil, M. Wenzel était admissible à un remboursement des cotisations de 4 731,43 $.
 

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Demande d’examens du Ministre

Il semble que M. Wenzel n’était pas au courant de la date à laquelle le Conseil des pensions militaires devait examiner son dossier. Comme on l’a déjà mentionné, le 17 octobre 1961, son avocat a rédigé une lettre pour demander qu’on leur permette de comparaître devant le Conseil pour plaider la cause de M. Wenzel. Le JAGA a répondu à la lettre le 1er novembre 1961, indiquant que le Ministre avait étudié le dossier et

[TRADUCTION] ne pouvait pas conclure que la retraite de M. Wenzel était dans l’intérêt public et qu’il était dans l’intérêt public qu’on lui verse une rente.

 
De plus, le JAGA a indiqué que le Conseil du Trésor :
 

[TRADUCTION] limitait son approbation au versement d’une rente dans les cas de retraite volontaire lorsque le cotisant a accepté un emploi d’« importance publique », et dans de rares cas, où le cotisant était à deux ou trois années de l’âge de la retraite obligatoire et souhaite faciliter sa réadaptation. Cependant, aucun de ces facteurs ne s’applique au capitaine d’aviation Wenzel.

 
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Au fil des ans

Au moment où M. Wenzel se préparait à prendre sa retraite, en 1961, de nouvelles perspectives de carrière s’offraient à lui. Lorsqu’il a appris qu’il voulait prendre sa retraite, le commandant du Commandement du transport aérien a convaincu M. Wenzel d’entrer dans la force de réserve de l’ARC après avoir pris sa retraite, car il pourrait mettre ses compétences et son expérience à profit en formant d’autres pilotes. Il lui a suggéré de se joindre au 411e Escadron à Toronto, qui, à l’époque, délaissait les avions de chasse au profit d’avions de transport, champ d’expertise de M. Wenzel. Pour lui permettre de servir dans la force auxiliaire, on a payé le déménagement de M. Wenzel et de sa famille de Trenton à Toronto. En plus de servir dans la force auxiliaire, M. Wenzel occupait un emploi de pilote d’avion civil pour le compte d’un exploitant de vols d’affrètement. Peu après, il est devenu l’agent des opérations de l’exploitant, mais il continuait d’être pilote. M. Wenzel a servi à temps partiel dans la force auxiliaire, jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la retraite obligatoire pour son grade (alors commandant d’aviation), en janvier 1969.
 

Même si sa chaîne de commandement lui a constamment dit qu’on ne recommanderait pas l’octroi d’une rente réduite, M. Wenzel a dit à mes enquêteurs que, tout au long du processus, il était convaincu d’avoir droit à une rente et qu’il avait toujours été certain qu’on accéderait à sa demande. Cependant, le 6 octobre 1961, il a reçu le remboursement de ses cotisations, et non pas la rente à laquelle il s’attendait. M. Wenzel a indiqué à mes enquêteurs ne jamais avoir eu l’impression qu’on l’avait traité équitablement. En juillet et en août 1987, M. Wenzel a poussé plus loin en écrivant des lettres au ministère de la Défense nationale. M. Wenzel a reçu une réponse à ces lettres datée du 18 novembre 1987. On y confirmait encore une fois la décision de ne pas lui verser de rente.
 

Plus tard, en 1993, M. Wenzel a écrit au sénateur Jack Marshall, alors président du Sous-comité sénatorial des affaires des anciens combattants. Il lui a parlé de son service dans la force auxiliaire, et il lui a demandé si cela pouvait amener le Conseil du Trésor à revoir sa demande de rente. Le sénateur Marshall en a parlé au ministre de la Défense nationale et au président du Conseil du Trésor. Ce dernier lui a répondu, le 24 juin 1993. Il a indiqué que, puisque le Ministre ne pouvait pas conclure que la retraite de M. Wenzel était « dans l’intérêt public », le Conseil du Trésor ne pouvait pas exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de la LPRFC. Il a également signalé que, à la suite de révisions de la LPRFC, le Conseil du Trésor n’avait plus le pouvoir d’examiner de nouveau le dossier de M. Wenzel ni de modifier la prestation qu’on lui avait accordée au tout début. Le ministre de la Défense nationale de l’époque, l’honorable Tom Siddon, a également répondu au sénateur Marshall le 16 septembre 1993. Il lui a indiqué qu’on l’avait informé du fait que, au moment où M. Wenzel a pris sa retraite volontaire anticipée, le Ministre avait conclu que sa retraite n’était pas « dans l’intérêt public », et que, par conséquent, il n’avait pas recommandé au Conseil du Trésor de lui verser une rente. Le ministre Siddon a dit qu’il était d’accord avec la décision de son prédécesseur, selon laquelle les motifs de retraite de M. Wenzel ne satisfaisaient pas aux critères établis.
 

Le 7 mars 2000, M. Wenzel a communiqué avec le Bureau de l’Ombudsman. Conformément au paragraphe 8e) [maintenant 14e)] des Directives ministérielles du Bureau de l’Ombudsman, l’Ombudsman ne doit enquêter sur aucune plainte ou question relative aux événements survenus avant le 15 juin 1998,  « sauf si le Ministre est d’avis qu’il est dans l’intérêt public, ainsi que dans l’intérêt des employés ou des militaires du MDN ou des FC en général, que l’Ombudsman examine la question. »  Étant donné la nature du dossier de M. Wenzel, et en particulier le fait qu’il soulève un problème individuel qui n’était pas réputé avoir des répercussions systémiques sur les membres actifs du MDN et des FC, l’Ombudsman n’a pas demandé au Ministre sa permission pour enquêter sur la question.
 

En 2002, M. Wenzel a retenu les services d’un conseiller juridique. Le 29 avril 2002, cette personne a demandé au ministre de la Défense nationale de l’époque, l’honorable Art Eggleton, de réévaluer le dossier de M. Wenzel. Il a poursuivi ses démarches auprès du successeur du ministre Eggleton, l’honorable John McCallum. Le 5 décembre 2002, le conseiller juridique adjoint du MDN et des FC lui a répondu en lui disant que, après avoir examiné le dossier de M. Wenzel, il n’avait pas pu conclure que la commission d’officiers ou le Conseil des pensions militaires avaient agi de façon inappropriée.
 

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Trop tard

En janvier 2003, M. Wenzel a présenté une demande à la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada. Il demandait un contrôle judiciaire de la décision de ne pas lui verser de rente. La Cour a rejeté sa demande le 28 février 2003, en indiquant que, comme la décision avait été rendue en 1961, il était [TRADUCTION]  « beaucoup trop tard » pour présenter une demande. Elle a statué qu’il ne convenait pas de déroger à des dispositions de la Loi sur la Cour fédérale, selon lesquelles toute demande de contrôle judiciaire doit être effectuée dans les 30 jours suivant la communication de la décision à la personne qui souhaitait obtenir un contrôle judiciaire. Quoi qu’il en soit, la Cour a fait remarquer que, en l’espèce, aucune demande de prorogation n’avait été présentée. Comme M. Wenzel n’a jamais manifesté l’intention de contester la décision, en 1961, la Cour a refusé d’appliquer une norme plus laxiste à l’égard d’une prorogation possible du délai applicable. Étant donné que M. Wenzel a présenté sa demande beaucoup trop tard, la Cour a signalé que la demande de contrôle judiciaire de la décision du Ministre n’avait [TRADUCTION]  « aucune chance d’être accueillie ».
 

Encore une fois, le conseiller juridique de M. Wenzel a écrit au ministre de la Défense nationale, le 27 août 2003. Le 9 octobre 2003, le conseiller juridique du MDN et des FC a répondu que la Cour fédérale avait examiné et rejeté la demande de contrôle judiciaire de M. Wenzel, et que le Ministère [TRADUCTION]  « n’était pas en mesure d’aider davantage M. Wenzel » dans cette affaire.
 

Dans la demande qu’il a adressée à la Cour fédérale du Canada, M. Wenzel a indiqué ce qui suit :

[TRADUCTION] Même si les années ont passé, aujourd’hui, [mes] sentiments et pensées sont non seulement demeurés inchangés, mais sont toujours très vifs dans mon corps et dans mon esprit. Parfois, je suis abasourdi, et d’autres fois, j’ai du ressentiment à l’idée d’avoir été traité de cette façon par mon gouvernement. En toute modestie, j’estime mériter un minimum de respect et de reconnaissance compte tenu des sacrifices et des engagements que j’ai consentis dans ma jeunesse, lorsque la sécurité de notre pays était menacée… Au crépuscule de ma vie, je me sens abandonné par mon gouvernement.

 
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Un appel au ministre Graham

L’affaire de M. Wenzel a commencé à être plus médiatisée lorsque son conseiller juridique a préparé une brochure de 16 pages, en son nom, intitulée « The Shameful Treatment of a RCAF Legend »3. La brochure a été distribuée à des politiciens et à des membres du public, notamment à certains représentants des médias. Plusieurs ministres récents de la Défense nationale ont reçu des lettres du public, ainsi que d’un certain nombre de députés, en appui à la lutte de M. Wenzel pour obtenir une rente.
 

Le 14 février 2005, le ministre Graham a reçu une lettre du député Pat O’Brien, alors président du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Cette lettre faisait suite à une mise à jour que le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale, l’honorable Keith Martin, avait envoyée au Comité concernant l’affaire Wenzel. Dans sa lettre, M. O’Brien demandait pourquoi la mutation de M. Wenzel dans la force auxiliaire était moins « dans l’intérêt public » que celui d’autres membres de l’ARC, qui avaient eu la permission de prendre leur retraite de façon anticipée, afin de devenir enseignants ou fonctionnaires. Il a demandé au ministre Graham de comparer le dossier de M. Wenzel à celui d’autres personnes qui avaient demandé à prendre leur retraite à la même époque.
 

Comme on l’a déjà mentionné, le 5 mai 2005, le ministre Graham a confié le dossier à l’Ombudsman conformément au paragraphe 4a) des Directives ministérielles.
 


 

3. [TRADUCTION] « Le traitement honteux d’une légende de l’ARC ».
 

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Constatations et analyse

Afin de mener notre enquête, nous avons examiné le processus suivi par le MDN et les FC pour déterminer s’il avait été équitable pour M. Wenzel, et si on était arrivé à la décision de ne pas recommander au Conseil du Trésor de verser une rente réduite à M. Wenzel conformément à la LPRFC en se fondant sur des principes équitables.
 

Cette enquête a révélé un certain nombre de lacunes, que l’on résume ci-dessous et que l’on examine en profondeur dans le reste de la section.
 

  1. Renseignements incomplets et inexacts. Lorsque le Conseil des pensions militaires a examiné le dossier de M. Wenzel, il ne disposait pas de renseignements complets ou exacts sur un certain nombre d’éléments, notamment la durée du service militaire de M. Wenzel, l’emploi civil que M. Wenzel a proposé d’occuper après avoir pris sa retraite, et la mutation de M. Wenzel dans la force auxiliaire de l’ARC tout de suite après sa retraite de la force régulière; 
     
  2. Manque de soutien. Les dirigeants des différents niveaux qui auraient dû fournir à M. Wenzel l’information dont il avait besoin pour défendre sa cause (obtenir une rente réduite) ne l’ont pas fait. Ils ont plutôt déterminé que tout ce à quoi il avait droit, c’était le remboursement de ses cotisations. C’est ce qu’ils ont décidé en l’absence de renseignements complets; 
     
  3. Manque d’informations pour les membres qui prennent leur retraite concernant l’interprétation de l’expression « dans l’intérêt public ». M. Wenzel n’a pas été entièrement informé de la façon dont on devait interpréter le critère « dans l’intérêt public » prévu dans la LPRFC, qui l’empêchait de demander une rente réduite; 
     
  4. Le Conseil des pensions militaires n’a pas demandé l’information manquante. Contrairement à ses propres procédures, le Conseil des pensions militaires n’a pas essayé d’obtenir de l’information sur l’emploi civil de M. Wenzel, même si cette information constituait un élément crucial énoncé dans le Guide d’application quant à la détermination du moment où il convient de recommander le versement d’une rente réduite « dans l’intérêt public »; 
     
  5. Application irrégulière du critère concernant « un emploi civil d’importance publique ». Le critère de l’« emploi civil d’importance publique » a été appliqué de façon irrégulière, à la lumière d’un examen des dossiers approuvés par le Conseil du Trésor; 
     
  6. Interprétation trop restrictive de l’expression « dans l’intérêt public ». Les personnes qui devaient déterminer s’il fallait recommander le versement d’une rente réduite se concentraient indûment sur le seul facteur de l’emploi civil envisagé par le membre, ce qui ne reflète pas toute l’étendue du critère « dans l’intérêt public » énoncé dans le libellé de la LPRFC; 
     
  7. Les décideurs n’ont pas tenu compte des circonstances spéciales. Les personnes qui devaient déterminer à quel moment recommander le versement d’une rente réduite ont suivi de trop près les facteurs énoncés dans le Guide d’application. En fait, dans le Guide, on disait même que cela ne devrait pas empêcher l’examen de dossiers individuels qui, même s’ils ne satisfaisaient pas aux critères mentionnés dans le Guide, pouvaient justifier l’octroi d’une rente réduite.
     

Voici un examen de la preuve en ce qui a trait à chacune de ces lacunes en matière de procédures, ainsi qu’une analyse des répercussions que chacune d’elles aurait pu avoir sur la demande de rente réduite de M. Wenzel.
 

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a. Renseignements incomplets et inexacts

Le directeur de la Comptabilité devait fournir au Conseil des pensions militaires une « liste de vérification des documents » qui comprenait le calcul des années de service ouvrant droit à pension de M. Wenzel. Dans ce document, on indiquait que M. Wenzel avait accumulé 19 années et 343 jours de service ouvrant droit à pension au moment où il a pris sa retraite de la force régulière. Mais cela était inexact. En fait, le service de M. Wenzel totalisait 20 années et 135 jours. Le directeur de la Comptabilité a fait de mauvais calculs et oublié de tenir compte de 157 jours, soit plus de cinq mois de service dans l’ARC au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Cette erreur a été décelée par le conseiller juridique de M. Wenzel et, par la suite, elle a été reconnue par le MDN et les FC dans une lettre datée du 28 mars 2003.

On ne peut dire avec certitude quel impact cette erreur dans le calcul du service ouvrant droit à pension a eu sur la décision ultime du Conseil des pensions militaires de ne pas recommander le versement d’une rente réduite à M. Wenzel. Afin d’examiner en quoi la durée du service ouvrant droit à pension influait sur les chances d’un membre de recevoir une rente réduite en vertu de la LPRFC, mon Bureau a consulté un rapport du JAGA daté du 31 octobre 1961, concernant le [TRADUCTION]  « paiement de prestations pour la retraite volontaire à des officiers et des hommes ayant accumulé au moins dix années de service dans la force régulière, lorsque cela n’est pas prévu dans la Loi concernant la pension de retraite des membres des Forces canadiennes (LPRFC) ».
 

Le rapport révèle que, du 1er mars 1960 au 30 septembre 1961, 74 officiers ayant plus de dix années de service ouvrant droit à pension ont pris volontairement leur retraite. Dans le tableau suivant, on montre le nombre de ces officiers qui se sont fait rembourser leurs cotisations, ainsi que le nombre et le pourcentage d’entre eux qui ont obtenu une rente réduite.
 

Tableau 1 - Issue des demandes de retraite volontaire

 

Années de service ouvrant droit à pension10-1515-2020-2525-30Total
Nombre d’officiers à qui on a remboursé les cotisations 26 27 3 Aucun 56
Nombre d’officiers à qui on a versé une rente réduite 1(3.7%) 9(25%) 7(70%) 1(100%) 18(24.3%)
Total 27 36 10 1 74

 
À la lumière de ces données, il est clair que les chances de recevoir une rente réduite augmentaient considérablement si un officier comptait au moins 20 années de service ouvrant droit à pension. Même si les chiffres bruts ne sont peut-être pas élevés, on peut raisonnablement conclure que l’erreur de calcul de la période de service de M. Wenzel aurait pu avoir un impact sur la décision du Conseil. Par conséquent, si on avait disposé de la bonne information concernant la durée de son service, on aurait fort bien pu étudier la demande de M. Wenzel sous un jour plus favorable, et on aurait pu formuler une recommandation positive.
 

En ce qui a trait à l’emploi que M. Wenzel a exercé après avoir pris sa retraite, le dossier que l’ARC a présenté au Conseil des pensions militaires ne contenait aucune information concernant l’emploi civil envisagé. La déclaration de l’agent supérieur du personnel qui figure dans le dossier de M. Wenzel qui a été transmis au Conseil indiquait essentiellement que [TRADUCTION]  « le cotisant a demandé sa libération pour chercher un emploi civil, car il considérait que sa solde est inadéquate. »  On ne fournit aucune information ni précision sur la nature de son emploi qui aurait pu permettre au Conseil de se demander s’il était  « d’importance publique ». Selon ce que nous avons appris, les précisions que M. Wenzel a fournies dans sa première demande de retraite du 5 juillet 1960 n’ont pas été notées ni incluses.
 

Lorsqu’on examine tous les documents que mes enquêteurs ont obtenus et qui traitent des politiques et des procédures relatives à la recommandation du versement d’une rente réduite parce que cela est « dans l’intérêt public », on constate qu’on s’attachait principalement à l’emploi civil envisagé par l’officier. Nous ne pouvons pas savoir ce que le Conseil des pensions militaires aurait décidé s’il avait été au courant du genre d’emploi que M. Wenzel comptait exercer pendant sa retraite. Cependant, on ne sera pas étonné de voir que, en l’absence de telles informations, le Conseil a déterminé que tout ce à quoi M. Wenzel avait droit, c’était le remboursement de ses cotisations.
 

Le Conseil des pensions militaires ignorait également que M. Wenzel avait l’intention de continuer, et, en fait, a continué de travailler à l’ARC à sa retraite, à titre de membre de la force auxiliaire de l’ARC. Au moment où le Conseil des pensions militaires a étudié le dossier de M. Wenzel, ce dernier faisait déjà partie de la force auxiliaire de l’ARC. Cependant, cette information ne figurait pas au dossier.
 

Encore une fois, on ne peut pas dire avec certitude comment cette information aurait pu influencer la décision du Conseil. Néanmoins, il s’agit d’un élément d’information crucial qui, selon M. Wenzel, aurait dû être transmis au Conseil. Il aurait pu servir à montrer que M. Wenzel avait l’intention de continuer à contribuer au bien public – à vrai dire, comme il l’avait fait pendant plusieurs années – en mettant à profit la vaste expérience qu’il avait acquise dans la Force aérienne.
 

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b. Manque de soutien

M. Wenzel n’a pas été encouragé par sa chaîne de commandement ni, semble-t-il, par quiconque qu’il a abordé pour obtenir de l’aide, à tenter d’obtenir une rente réduite. En fait, il semble que, chaque fois qu’il a essayé d’obtenir une rente réduite, on l’en a découragé. Même dans les documents internes où il est question de la demande de rente réduite de M. Wenzel, il semblait acquis d’entrée de jeu que tout ce qu’il obtiendrait, ce serait un remboursement des cotisations.
 

Dès octobre 1960, presque un an avant que le Conseil des pensions militaires ne soit saisi de son dossier, la chaîne de commandement de M. Wenzel estimait que, si on l’autorisait à prendre sa retraite pour les motifs évoqués, il pouvait s’attendre au mieux à un remboursement des cotisations. La correspondance qui a été échangée entre des membres de la chaîne de commandement avant la réunion de la commission d’officiers qui a approuvé la demande de retraite de M. Wenzel confirme qu’on n’a jamais envisagé la possibilité de lui verser une rente. Même s’il souhaitait prendre sa retraite parce qu’il voulait se lancer dans des activités commerciales afin de mieux subvenir aux besoins de sa jeune famille, il semble que personne ne lui a demandé précisément ce qu’il comptait faire lorsqu’il serait retraité de la force régulière, dans le but de déterminer s’il satisfaisait au critère de l’intérêt public décrit dans le Guide d’application et s’il était admissible à une rente réduite.
 

M. Wenzel a confié à mes enquêteurs que, après une longue carrière dans l’ARC, il estimait que [TRADUCTION]  « l’armée était une famille, et que, après avoir servi si longtemps en temps de guerre et en temps de paix », on s’occuperait de lui à son départ. Comme on l’a déjà mentionné, lorsqu’il a porté sa cause plus loin en embauchant un avocat afin qu’il présente des arguments en son nom avant que le Conseil des pensions militaires ne soit saisi de son dossier, il a reçu une réponse du JAGA datée du 12 juin 1961. Voici un extrait de cette lettre :

[TRADUCTION] Les nouvelles dispositions qui confèrent au Conseil du Trésor le pouvoir d’autoriser l’octroi d’une rente réduite ont été établies dans le but qu’on verse une rente à un membre de la force régulière dont les services étaient instamment requis par d’autres ministères ou organismes d’État, ou qui souhaite exercer un autre emploi civil d’importance publique.
 

Le dossier du Wenzel n’a pas encore été transmis au Conseil des pensions militaires, mais compte tenu des circonstances entourant sa retraite, je doute qu’on autorise l’octroi d’une rente réduite. [c’est moi qui souligne]
 

Il se peut que le commandant d'aviation Wenzel occupe un poste civil que l’on pourrait raisonnablement juger comme étant d’importance publique. Le cas échéant, je vous suggère de transmettre cette information…

 
À la lumière de tous les renseignements que nous avons examinés, cela semble être la première fois qu’on a expliqué plus précisément à M. Wenzel que l’exigence législative selon laquelle la retraite doit être « dans l’intérêt public » signifie qu’on doit occuper un  « emploi civil d’importance publique » afin d’être admissible à une rente.
 

Après avoir reçu cette lettre, le conseil de M. Wenzel a demandé à comparaître devant le Conseil des pensions militaires afin de réagir directement à toutes préoccupations qui auraient pu l’animer. Cependant, on lui a répondu que la décision avait déjà été prise; le Ministre avait déterminé que la retraite de M. Wenzel n’était pas « dans l’intérêt public ». De plus, M. Wenzel dit que sa chaîne de commandement, y compris l’administration de l’officier d’état-major du commandement, savait qu’il comptait travailler dans le domaine de l’aviation civile à sa retraite, et qu’il croyait que cette information et le fait qu’il était muté à la force auxiliaire de l’ARC sur invitation d’un officier supérieur de la Force aérienne auraient déjà dû figurer dans son dossier et avoir été transmis au Conseil. On remarquera également que, comme on l’a déjà mentionné, l’État a payé le déménagement de la famille, des meubles et des effets personnels de M. Wenzel à Toronto.
 

M. Wenzel présentait une demande de prestations. On ne lui a pas fourni suffisamment d’information en temps opportun sur les critères en fonction desquels on évaluerait sa demande. La première fois qu’on lui a dit que l’emploi civil qu’il occuperait à sa retraite devait être d’importance publique pour qu’on envisage de lui verser une rente, c’était dans la lettre du JAGA de juin 1961. M. Wenzel indique que, en 1960, il a informé l’ARC de son intention de prendre sa retraite et qu’il avait correspondu avec sa chaîne de commandement pendant cette année. Malgré ces voies de communication, on ne lui a jamais parlé de ce critère particulier.
 

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c. Manque d’informations pour les membres qui prennent leur retraite concernant l’interprétation de l’expression « dans l’intérêt public »

Je ne dirai jamais assez combien l’avenir de M. Wenzel a été affecté par l’interprétation de la disposition discrétionnaire « dans l’intérêt public ». Dans sa toute première lettre, qu’il a rédigée le 5 juillet 1960, et dans laquelle il demande la permission de prendre sa retraite, M. Wenzel a essayé de prouver que sa retraite était « dans l’intérêt public ». Il a indiqué qu’il souhaitait saisir des occasions dans son domaine, qu’il devait payer les études de ses enfants, et que, grâce à sa retraite, les jeunes officiers pleins d’enthousiasme pourraient obtenir de l’avancement. Il a conclu sa lettre comme suit : [TRADUCTION]  « C’est pourquoi j’estime que ma retraite doit être considérée comme étant dans l’intérêt public. »  Malgré les efforts qu’il a consentis pour faire valoir sa cause, il n’avait aucun moyen de savoir si ses arguments seraient convaincants ou s’il devait fournir d’autres renseignements (le cas échéant) pour étayer sa demande. Même au sein du Ministère, la question de ce qui devait être considéré comme étant « dans l’intérêt public » n’était pas tout à fait claire ni établie.
 

Comme on l’a déjà fait remarquer, le Conseil des pensions militaires s’était doté d’un Guide d’application pour l’aider à déterminer quels dossiers devaient être transmis au ministre associé pour que ce dernier évalue si le versement d’une rente réduite était « dans l’intérêt public ». Dans le Guide d’application, on faisait état de deux conditions spécifiques qui devaient être remplies pour qu’on recommande le versement d’une rente réduite dans les cas d’officiers qui prenaient volontairement leur retraite et qui avaient accumulé de dix à 25 années de service :

  1. lorsque le retraité compte exercer un emploi civil d’importance publique;
     
  2. aux fins de réadaptation, lorsque le retraité est à trois années de l’âge de la retraite obligatoire.
     

La diffusion du Guide d’application semble avoir été très limitée. En fait, on n’aurait pu le consulter qu’au Quartier général de la Défense nationale, semble-t-il. Dans un rapport du 29 juin 1961 sur l’examen de un an du Guide d’application, on faisait remarquer que le Comité des directeurs du personnel, l’auteur du Guide, avait [TRADUCTION]  « convenu […] de ne pas faire connaître les dispositions du Guide d’application à l’extérieur du QGDN. »  L’une des raisons invoquées pour limiter la diffusion du Guide était que [TRADUCTION]  « le nombre de demandes de retraite volontaire pourrait augmenter si les gens ont l’impression que, quelle que soit leur situation, on autorisera le versement d’une rente réduite plutôt que le remboursement des cotisations. » 
 

Par conséquent, étant donné la diffusion limitée du Guide d’application, il semble que les membres qui prenaient leur retraite, dont M. Wenzel, n’avaient pas été informés de la vraie nature du critère « dans l’intérêt public » pour accorder le versement d’une rente réduite à une personne qui prenait volontairement sa retraite, ni comment on l’interprétait et l’appliquait.
 

Retenir intentionnellement des informations aussi cruciales n’était pas équitable. En l’absence de cette information, les arguments que M. Wenzel a avancés n’ont même pas incité le Conseil des pensions militaires à envisager de lui verser une rente réduite. Résultat : L’élément d’information important qui aurait pu amener le Conseil à envisager de formuler une recommandation dans le cas de M. Wenzel – l’emploi civil qu’il comptait occuper – ne figurait même pas dans son dossier lorsqu’on l’a évalué.
 

Comme on l’a déjà indiqué, le Guide prévoyait également le critère selon lequel on pouvait recommander l’octroi d’une rente réduite pour faciliter la réadaptation dans le monde civil si le cotisant était à trois années de l’âge de le retraite obligatoire pour son grade. M. Wenzel ignorait aussi l’existence de ce critère. Même s’il n’était pas à trois années de l’âge de la retraite obligatoire pour son grade, s’il en avait été informé, il aurait peut-être reporté sa retraite afin de se prévaloir de cette option. Toutefois, on ne peut pas déterminer ce qu’il aurait fait. La seule chose dont on peut être certain, c’est que, l’information ne lui ayant pas été communiquée, M. Wenzel a été privé de la possibilité de faire un choix entièrement éclairé à l’égard de ses plans de retraite.
 

En somme, M. Wenzel n’avait pas la moindre idée du type d’informations que voulait obtenir le Conseil des pensions militaires pour déterminer s’il était dans l’intérêt public qu’on octroie une rente dans certains cas donnés. On doit se rendre à l’évidence : c’était injuste. Lorsqu’il a rédigé sa demande de permission de prendre sa retraite, M. Wenzel a fait un effort pour se renseigner sur les exigences de la LPRFC, et il a avancé des arguments qui, selon lui, devaient prouver que sa retraite était dans l’intérêt public. Cependant, on lui a délibérément caché l’existence du Guide d’application, ainsi qu’à d’autres personnes qui se trouvaient dans sa situation, dans le but évident de dissuader les membres de présenter une demande de prestations qu’ils auraient pu autrement obtenir. Les renseignements que nous avons recueillis laissent croire que cela découle de ce qui semble avoir été une tentative délibérée d’empêcher les gens de présenter des arguments en vue d’obtenir une rente réduite.
 

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d. Le Conseil des pensions militaires n’a pas demandé l’information manquante

Conformément à ses propres règles, le Conseil aurait dû demander de plus amples renseignements, si ceux qu’il avait obtenus étaient insuffisants. Dans le procès-verbal de sa réunion du 1er février 1960, le Conseil des pensions militaires a précisé que, lorsqu’il manquait des renseignements dans un dossier dont il était saisi, il devait [TRADUCTION]   « ordonner que le dossier soit renvoyé au Service » (procès-verbal spécial no 89390).
 

Comme on l’a déjà fait remarquer, dans le cas de M. Wenzel, le Conseil des pensions militaires ne disposait d’aucun renseignement sur l’emploi civil qu’il comptait occuper pendant sa retraite. M. Wenzel ne pouvait pas savoir qu’il devait fournir de telles informations, car il n’était pas au courant des critères qu’utilisait le Conseil. Dans le Guide d’application, il est évident qu’on met beaucoup l’accent sur un élément d’information clé, le type d’emploi civil que le membre envisage d’occuper à sa retraite. Cependant, le Conseil n’a pas demandé de renseignements supplémentaires sur le dossier de M. Wenzel, en ce qui a trait à la nature de son emploi civil.
 

En vertu de la LPRFC, le Conseil des pensions militaires se devait de déterminer les motifs de la retraite d’un membre des forces armées. Le Conseil s’était également vu déléguer le pouvoir de déterminer dans quelles situations il devait recommander au Conseil du Trésor d’octroyer une rente. Pour s’acquitter de ces tâches, le Conseil des pensions militaires devait obtenir l’information nécessaire, et était habilité à le faire. Et pourtant, malgré les critères énoncés clairement dans le Guide d’application, et même si un élément d’information important manquait dans le dossier de M. Wenzel, le Conseil n’a pas essayé d’obtenir cette information. Plutôt que de la demander, ce qui, selon moi, aurait manifestement été la chose à faire, le Conseil des pensions militaires a tiré ses conclusions en se fondant sur des renseignements incomplets. Le fait de conclure que M. Wenzel n’avait droit qu’au remboursement de ses cotisations, sans savoir ni même essayer de découvrir quel emploi civil il comptait occuper, semble incompatible avec les propres procédures du Conseil.
 

En fait, M. Wenzel a informé mon Bureau du fait que, lorsqu’il a pris sa retraite de l’ARC, il avait l’intention de mettre sur pied une entreprise de vols d’affrètement, industrie qui n’en était encore qu’à ses débuts, afin de donner au public canadien une option de transport aérien abordable. Pendant qu’il ramassait des fonds et élaborait un plan d’affaires, il travaillait comme pilote pour un exploitant de vols d’affrètement, et, peu après, est devenu son directeur des opérations. Il a mentionné à mes enquêteurs avoir informé verbalement sa chaîne de commandement de ses intentions, mais, comme on l’a déjà fait remarquer, les précisions que M. Wenzel a fournies en ce qui a trait à la carrière civile qu’il comptait embrasser ne figuraient nulle part dans le dossier sur lequel s’est fondé le Conseil des pensions militaires pour déterminer qu’il ne devait avoir droit qu’à un remboursement de ses cotisations. Il est probablement impossible de déterminer, 44 ans après coup, si le Conseil des pensions militaires aurait conclu ou non que l’emploi civil envisagé par M. Wenzel satisfaisait aux critères du Guide d’application, c’est-à-dire que c’était un  « emploi civil d’importance publique ». Cependant, comme le Conseil ignorait tout de la nature de l’emploi civil, M. Wenzel a été désavantagé.
 

Table des matières
 

e. Application irrégulière du critère concernant « un emploi civil d’importance publique »

Un sous-comité spécial formé pour passer en revue le Guide d’application a publié un rapport le 29 juin 1961, rapport dans lequel il a décrit certaines situations où le Ministre avait formulé des recommandations au Conseil du Trésor. Les détails sur chacun des cas y sont rares. Cependant, après avoir examiné cette information, j’en suis venu à croire que le Conseil des pensions militaires ne semblait pas disposer d’une définition objective et claire du critère « emploi civil d’importance publique » et qu’il n’a pas respecté des normes objectives et uniformes.
 

Dans le rapport, on examinait des situations où des membres avaient demandé à prendre volontairement leur retraite avant l’âge de la retraite obligatoire, de juillet 1959 au 15 avril 1961. Le ministre associé a recommandé le versement d’une rente dans 14 cas qui étaient réputés satisfaire aux critères du Guide d’application; tous ces cas, sauf trois, ont été approuvé par le Conseil du Trésor. Au cours de la même période, des cinq autres cas qui ont été recommandés même s’ils ne satisfaisaient pas « à proprement parler » aux critères du Guide d’application, trois ont été approuvés par le Conseil du Trésor4.
 

Des 14 situations considérées comme respectant les critères, six ont été recommandées parce que la personne concernée acceptait un poste d’importance civile, sept, aux fins de la réadaptation d’un membre à trois ans de l’âge de la retraite obligatoire, et une parce que le membre avait plus de 25 années de service à son actif. Les trois situations qui n’avaient pas été approuvées par le Conseil du Trésor avaient toutes été recommandées aux fins de la réadaptation.
 

Les six emplois post-retraite que le Conseil du Trésor avait jugé être des « postes civils d’importance publique » étaient les suivants :
 

  • Professeur agrégé en génie 
     
  • Employé d’une organisation de l’OTAN 
     
  • Deux enseignants au secondaire 
     
  • Directeur d’un pénitencier fédéral 
     
  • Commissaire adjoint de pénitenciers
     

On ne fournit pas d’informations quant à la durée du service et à la proximité de l’âge de la retraite de ces personnes.
 

Comme on vient tout juste de le mentionner, le ministre associé avait également recommandé à l’approbation du Conseil du Trésor cinq situations qui, considérait-on, ne satisfaisaient pas entièrement aux critères énoncés dans le Guide d’application, mais qui, pensait-on, respectaient certains « éléments » des critères.
 

Le Conseil du Trésor a approuvé l’octroi d’une rente dans trois de ces cinq situations :
 

  • emploi civil d’enseignant au secondaire, 20 années de service et à six années de l’âge de la retraite; 
     
  • afin d’entrer au ministère (aucune information quant à la durée du service; cependant, la rente a été réduite de 55 %); 
     
  • emploi civil de directeur dans une société d’électronique ayant des contrats avec le MDN, à quatre années de l’âge de la retraite, et plus de 24 années de service.
     

À la lumière des quelques données dont on dispose, on ne sait pas vraiment comment on a appliqué le critère « emploi civil d’importance publique ». Par exemple, dans deux situations, il semble qu’on ait déterminé que l’emploi à la retraite d’enseignant au secondaire respectait le critère, alors que, dans une autre situation, ce n’était apparemment pas le cas. Néanmoins, dans la dernière situation, on a formulé – et approuvé – une recommandation favorable, même si seulement certains éléments du critère étaient réputés avoir été respectés. À la lumière de ce qui précède, on ne peut pas discerner de processus décisionnel objectif et uniforme.
 


 

4. La LPRFC a été sanctionnée en juillet 1959 et est entrée en vigueur le 1er mars 1960. Selon les dispositions de transition de la LPRFC, un cotisant qui prenait sa retraite le jour de la sanction de la LPRFC ou après, mais avant qu’elle n’entre en vigueur, était réputé être un cotisant aux termes de la LPRFC et pouvait choisir d’exercer ses droits en vertu de la nouvelle LPRFC ou de l’ancienne loi (Loi sur la continuation de la pension des services de défense).
 

Table des matières
 

f. Interprétation trop restrictive de l’expression « dans l’intérêt public »

Nous le répétons : selon la loi, un officier qui se trouvait dans la situation de M. Wenzel pouvait recevoir une rente réduite si le ministre de la Défense nationale recommandait de déterminer que sa retraite des forces était  « dans l’intérêt public et qu’il était dans l’intérêt public qu’on lui verse une rente ». Comme il n’y avait pas de définition du critère « dans l’intérêt public » dans la LPRFC, le Ministère a dû se résoudre à déterminer les critères sur lesquels il fallait se fonder pour prendre une telle décision. Comme nous l’avons déjà dit auparavant, on a fini par approuver les critères suivants :
 

  1. accepter un emploi civil d’importance publique;
     
  2. faciliter la réadaptation d’un cotisant, à trois années de l’âge de la retraite prescrit pour son grade, le cotisant ayant loyalement servi son pays;
     
  3. 25 années ou plus de services loyaux ouvrant droit à pension.
     

« Dans l’intérêt public » est un concept très vaste. Comme la Cour suprême du Canada l’a mentionné dans l’arrêt R. c. Morales, [1992] 3 R.C.S. 711, dans un sens général, le terme « intérêt public » renvoie à
 

L’ensemble particulier de valeurs qui sont le mieux comprises sous l’aspect du bien collectif et se rapportent aux questions touchant le bien-être de la société […] La large portée du concept de l’intérêt public est un aspect nécessaire d’une notion qui recouvre des considérations multiples et importantes qui permettent au droit de servir une gamme nécessairement vaste de fins publiques.

 
Après examen de l’information que nous avons recueillie, j’estime que le Guide d’application et les considérations qui semblent avoir motivé les décisions du Conseil du Trésor étaient trop restrictifs, étant donné la large portée du critère énoncé dans la loi.
 

Incidemment, je ne suis pas le seul à penser ainsi. En effet, à l’époque, le Ministère alléguait souvent que le personnel militaire qui approchait de l’âge de la retraite obligatoire se trouvait dans des situations uniques, et qu’il était dans l’intérêt des forces armées, des membres, de leur famille et de la société canadienne dans son ensemble que ces hommes puissent saisir des occasions d’emploi à l’approche de l’âge de la retraite5. Par conséquent, j’estime que l’interprétation selon laquelle le membre qui prend sa retraite doit occuper un emploi civil d’importance publique pour que le versement immédiat d’une rente réduite soit « dans l’intérêt public », était trop restrictive.
 

Même si j’acceptais que l’emploi civil que les retraités se proposaient d’occuper revêtait une certaine importance publique, j’ai l’impression que les autorités compétentes ont été beaucoup trop restrictives dans leur interprétation de ce qui constituait un emploi d’importance publique. Une interprétation plus juste aurait consisté en un examen plus favorable des emplois qui ne relevaient pas nécessairement du secteur public ou du secteur quasi public, mais qui auraient pu quand même apporter une contribution au public canadien, par exemple, dans un secteur de l’industrie privée de plus en plus important.
 

L’« importance publique » de l’emploi civil d’un cotisant n’était pas un critère précisé dans la loi. La loi contenait un critère équitable et souple, qui a été dénaturé par l’approche trop restrictive adoptée par le Ministère et le Conseil du Trésor. Dans l’ensemble, j’estime que, en adoptant des critères limités comme elles l’ont fait, les autorités ont indûment circonscrit leur pouvoir discrétionnaire, et ce, au détriment des intérêts de M. Wenzel.
 


 

5. Dans un cas, le représentant de l’Armée au Conseil des pensions militaires avait recommandé que, plutôt que de s’attacher à vouloir déterminer si l’emploi proposé était d’importance publique, on devrait déterminer s’il était dans l’intérêt du public en examinant la nature de l’emploi proposé, la période de loyaux services du retraité, et la proximité de l’âge de la retraite obligatoire. Cette recommandation se terminait comme suit : [TRADUCTION] « Tout cotisant ayant accumulé environ 20 années de service ouvrant droit à pension ferait presque automatiquement l’objet d’un examen visant à déterminer si le versement d’une rente dans le cas d’une retraite volontaire serait "dans l’intérêt du public" […] »
 

Table des matières
 

g. Les décideurs n’ont pas tenu compte des circonstances spéciales

Comme on l’a déjà signalé, le Guide d’application contenait la mise en garde suivante :

[TRADUCTION] On devrait établir un guide des politiques général sur lesquelles on fonderait les recommandations relatives au versement de prestations supérieures à la prestation minimale légale lorsqu’on a le pouvoir discrétionnaire d’approuver l’octroi d’une prestation supérieure. Un guide de politiques général doit être suffisamment précis et défini pour rendre inutile tout examen approfondi de chaque dossier individuel. Un tel guide ne doit toutefois pas empêcher l’examen des dossiers individuels et la formulation de recommandations qui pourraient ne pas être entièrement en accord avec le guide.

 
Dans une section précédente qui portait sur notre examen de situations où des officiers avaient demandé à prendre volontairement leur retraite avant l’âge de la retraite obligatoire, nous avons souligné qu’on avait recommandé au Conseil du Trésor d’envisager de verser une rente « dans l’intérêt public » dans le cas de cinq de ces situations, même si elles ne correspondaient pas aux facteurs contenus dans le Guide d’application. Trois de ces situations ont été approuvées par le Conseil du Trésor.
 

Ici, on ne semble pas avoir même envisagé de recommander le cas de M. Wenzel même s’il était réputé ne pas satisfaire à tous les critères énoncés dans le Guide d’application. Je crois que, à la lumière des circonstances particulières de l’affaire, c’était une erreur.
 

Table des matières

 

Résumé des constatations

La demande de rente réduite de M. Wenzel était vouée à l’échec dès le départ. Lorsqu’il a examiné son dossier pour la première fois, le Conseil des pensions militaires n’avait pas à sa disposition certains renseignements fondamentaux. On avait versé au dossier de M. Wenzel des informations inexactes au sujet de la durée de son service militaire, et on n’avait fourni aucune information relativement à l’emploi qu’il se proposait d’occuper à sa retraite ou à sa mutation dans la force auxiliaire de l’ARC. À eux seuls, ces éléments d’information auraient pu engendrer un résultat favorable pour M. Wenzel, comme certaines de nos recherches le laissent croire.
 

Des dirigeants ont fermé les yeux sur de telles lacunes. Ils n’ont pas demandé d’autres renseignements. Et rien ne porte à croire que, à un moment ou à un autre, ils ont aidé M. Wenzel à présenter des renseignements cruciaux qui auraient pu renforcer sa demande. M. Wenzel a été laissé dans le noir. Il ignorait totalement, et personne ne le lui a jamais expliqué, que ces renseignements cruciaux étaient au cœur même de l’exigence de la LPRFC selon laquelle son emploi civil devait être « dans l’intérêt public » et que le Guide d’application définissait cela comme un emploi « d’importance publique ».
 

J’ai insisté à plusieurs reprises sur le fait que le critère de l’« emploi civil d’importance publique » et celui de « l’intérêt public » constituent le point de mire de notre examen de l’affaire Wenzel. Dans ce contexte, mes enquêteurs ont analysé d’autres situations présentées au Conseil du Trésor. Nous avons découvert que le critère de l’« importance publique » semble avoir été appliqué sans souci d’uniformité. Nous avons également découvert, dans des dossiers et des éléments de preuve, que le critère « dans l’intérêt public » avait été interprété de façon beaucoup trop restrictive. En interprétant et en appliquant la loi comme ils l’ont fait, les dirigeants ont indûment limité leurs pouvoirs discrétionnaires.
 

Mon analyse m’amène à une conclusion claire : le système a abandonné Clifton Wenzel.
 

Table des matières
 

Les recommandations

Au fil de mon étude, et lorsque j’ai formulé mes recommandations, j’ai toujours gardé en tête le fait que le Canada a, depuis le tout début, essayé de traiter ses anciens combattants avec honneur et dignité.
 

À titre d’exemple, je ferai remarquer que, depuis 1948, la Loi sur les pensions a consacré la règle que, lorsqu’on doit déterminer l’admissibilité d’une personne à recevoir des prestations payables, en vertu de ladite loi, on doit le faire d’une façon qui respecte pleinement les principes de justice fondamentale.
 

Cette notion est confirmée tout particulièrement par les dispositions de la Loi [paragraphe 5(3)] qui ordonnent au Ministre :
 

  • de « tirer des circonstances portées à sa connaissance et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur »; 
     
  • d’« accepter tout élément de preuve non contredit que celui-ci lui présente et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence »; 
     
  • de « trancher en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande » (c’est moi qui souligne).
     

Bien sûr, je reconnais que, à proprement parler, ces dispositions ne s’appliquent pas au dossier de M. Wenzel parce qu’il est assujetti à une autre loi. Je crois cependant que l’esprit qui les sous-tend et les anime s’applique dans son cas.
 

Les faits, tels qu’ils se présentent dans le dossier de M. Wenzel, sont convaincants : il ne fait aucun doute que les lacunes révélées par mon enquête sont graves.
 

Le service militaire de M. Wenzel pour son pays a été fort louable; son parcours est exceptionnel. Le combat de cet ancien combattant décoré pour obtenir une rente a été long et difficile. Je crois que le système l’a laissé tomber. Je crois aussi que la décence et l’équité, qualités si caractéristiques de l’esprit canadien, nous obligent à étudier son dossier en faisant preuve d’ouverture, de générosité et de compassion. En cette année de l’ancien combattant, c’est le temps de rétablir les choses.
 

À la lumière de ce qui précède, et dans le but de réparer dans la dignité les torts qu’a subis M. Wenzel, je recommande que :
 

  1. Un haut dirigeant du MDN ou des FC reconnaisse formellement que M. Wenzel n’a pas été traité équitablement.
     

En plus de reconnaître que M. Wenzel a été traité de façon inéquitable, on doit évaluer et corriger le résultat de cette injustice, surtout en ce qui concerne la situation financière de M. Wenzel. On devrait avoir pour objectif de faire en sorte que M. Wenzel se trouve dans la situation financière dans laquelle il se trouverait aujourd’hui si on avait accepté de lui verser une rente réduite. Si on avait octroyé une rente réduite à M. Wenzel en 1961, il aurait pu en bénéficier au cours des 44 dernières années. En même temps, je sais bien qu’il faut tenir compte d’autres facteurs si on veut déterminer ce que la perte de la rente a représenté afin d’indemniser M. Wenzel. Le calcul de la valeur financière de la rente exige une expertise technique spécialisée. Même si une telle expertise pourrait exister au Ministère ou ailleurs dans le gouvernement, il conviendrait, en l’espèce, de procéder à une évaluation indépendante. Je recommande donc que :
 

  1. Le MDN et les FC offrent à M. Wenzel une indemnisation qui lui permettrait de se trouver dans la situation financière dans laquelle il se serait trouvé aujourd’hui si on avait accepté de lui verser une rente réduite lorsqu’il a pris sa retraite de la force régulière, en 1961, conformément, de façon particulière, à la législation qui existait à l’époque, et en fonction du nombre d’années de service qu’il avait accumulé à ce moment-là, et compte tenu du montant qu’il a reçu en remboursement de cotisations.
     
  2. Le MDN et les FC retiennent, à leurs frais, les services d’un cabinet d’actuaires indépendant pour évaluer le montant de l’indemnisation financière exigible en vertu de la recommandation 2.
     

Dans sa lutte pour être traité équitablement, M. Wenzel a retenu, en 2002, les services d’un conseiller juridique. À l’époque, il avait 80 ans. Il a décidé de faire appel à un avocat pour des raisons pratiques, notamment à cause de son âge et du fait qu’il ne résidait pas à Ottawa, mais aussi parce que ses appels à la justice étaient tombés dans l’oreille d’un sourd pendant de nombreuses années et qu’on avait toujours rejeté sa demande de prestations.
 

Je ne crois pas que, sans l’aide d’un avocat, M. Wenzel aurait pu obtenir gain de cause par lui-même. Son avocat lui a permis de recueillir beaucoup de renseignements, qui ont aidé le Bureau dans son travail lorsque le Ministre lui a confié son dossier. J’estime également que l’avocat a réussi à convaincre le Ministre de me confier le dossier afin qu’on examine de l’extérieur les circonstances qui ont mené à la décision de ne pas verser de rente à M. Wenzel.
 

Je pense que aujourd’hui, à l’âge de 83 ans, et à la lumière de sa situation particulière, M. Wenzel ne devrait pas avoir à utiliser les sommes qu’il avait mises de côté pour sa retraite pour payer les frais d’avocat qu’il a dû engager pour essayer d’obtenir ce qu’on aurait dû lui accorder en 1961. Conformément au principe selon lequel on devrait rétablir la situation financière de M. Wenzel à ce qu’elle aurait été si on l’avait traité équitablement dès le début, je recommande que :
 

  1. M. Wenzel reçoive un montant équivalent aux frais qu’il a raisonnablement engagés pour se faire représenter par un avocat depuis 2002 afin d’obtenir des conseils et de régler le problème entourant le refus du versement d’une rente lorsqu’il a pris sa retraite de l’ARC en 1961.
     
  2. Si M. Wenzel, le MDN et les FC ne s’entendent pas quant au montant à verser en vertu de la recommandation précédente, c’est-à-dire pour couvrir les frais d’avocat engagés raisonnablement, le MDN et les FC retiennent, à leurs frais, un expert juridique indépendant et externe pour déterminer le montant approprié de l’indemnisation.
     

Comme je recommande d’indemniser M. Wenzel, il serait peut-être utile de donner une idée de la façon dont on pourrait y arriver. Je crois que la meilleure façon serait de verser à M. Wenzel un paiement à titre gracieux.
 

Aux termes de la Politique sur les réclamations et paiements à titre gracieux du Conseil du Trésor, un paiement à titre gracieux est défini comme un « paiement de secours » effectué dans l’intérêt public pour une perte subie et dont l’État n’est pas légalement responsable. Un paiement à titre gracieux est « un instrument exceptionnel » qui n’est utilisé que lorsqu’il n’y a aucun statut, aucun règlement ou aucune politique pour effectuer le paiement. La Politique énonce un certain nombre de facteurs dont on doit tenir compte avant de verser un paiement à titre gracieux, mais le principal est qu’il ne doit pas y avoir d’autres modes d’indemnisation acceptables et que l’État n’est pas légalement responsable. De toute évidence, l’État n’a pas d’obligation légale de rouvrir le dossier de M. Wenzel, et, compte tenu du temps qui s’est écoulé, il n’y a pas d’autres modes acceptables pour indemniser M. Wenzel. Par conséquent, j’estime que, en vertu de cette politique, M. Wenzel est admissible à un paiement à titre gracieux.
 

Enfin, comme la plainte traîne depuis longtemps, et étant donné l’étape de la vie où se trouve le plaignant, je ne saurais trop insister sur la nécessité de régler cette question le plus rapidement possible. Je recommande donc que :
 

  1. Les recommandations ci-dessus soient appliquées de toute urgence.
     

L’Ombudsman
Yves Côté, c.r.
 

Table des matières
 

Résumé des recommandations

Par conséquent, je recommande que :
 

  1. Un haut dirigeant du MDN ou des FC reconnaisse formellement que M. Wenzel n’a pas été traité équitablement.
     
  2. Le MDN et les FC offrent à M. Wenzel une indemnisation qui lui permettrait de se trouver dans la situation financière dans laquelle il se serait trouvé aujourd’hui si on avait accepté de lui verser une rente réduite lorsqu’il a pris sa retraite de la force régulière, en 1961, conformément, de façon particulière, à la législation qui existait à l’époque, et en fonction du nombre d’années de service qu’il avait accumulé à ce moment-là, et compte tenu du montant qu’il a reçu en remboursement de cotisations.
     
  3. Le MDN et les FC retiennent, à leurs frais, les services d’un cabinet d’actuaires indépendant pour évaluer le montant de l’indemnisation financière exigible en vertu de la recommandation 2.
     
  4. M. Wenzel reçoive un montant équivalent aux frais qu’il a raisonnablement engagés pour se faire représenter par un avocat depuis 2002 afin d’obtenir des conseils et de régler le problème entourant le refus du versement d’une rente lorsqu’il a pris sa retraite de l’ARC en 1961.
     
  5. Si M. Wenzel, le MDN et les FC ne s’entendent pas quant au montant à verser en vertu de la recommandation précédente, c’est-à-dire pour couvrir les frais d’avocat engagés raisonnablement, le MDN et les FC retiennent, à leurs frais, un expert juridique indépendant et externe pour déterminer le montant approprié de l’indemnisation.
     
  6. Les recommandations ci-dessus soient appliquées de toute urgence.
     

Table des matières

 


Annexe A: Lettre de recommandation du ministre de la Défense nationale

Le 5 mai 2005
 

Madame Barbara Finlay
Bureau de l’Ombudsman
100, rue Metcalfe, 12e étage
Ottawa (Ontario) K1P 5M1
 

Madame,Comme vous le savez, j’ai décidé de confier le dossier du commandant d’aviation à la retraite Cliff Wenzel à l’Ombudsman afin qu’il mène une enquête conformément au paragraphe 4a) des Directives ministérielles concernant l’Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
 

M. Wenzel a été officier de l’Aviation royale du Canada (ARC). Il a accumulé 20 années et 186 jours de service ouvrant droit à pension, notamment en temps de guerre, dans la force régulière, ainsi que dans la Royal Air Force. Le plus remarquable, c’est que, pendant la Deuxième Guerre mondiale, le capitaine d’aviation Wenzel, grade qu’il occupait à ce moment-là, s’est vu décerner la Croix du service distingué dans l’Aviation et la Croix de l’Aviation. En 1960, il a demandé d’être libéré de l’ARC. On me dit que, avant d’accepter sa demande de libération, la chaîne de commandement du commandant d’aviation Wenzel l’a informé du fait que, en vertu de la loi, un officier qui n’a pas accumulé au moins 25 années de service ouvrant droit à pension n’est pas admissible à une pension. Dans une note de service datée du 26 octobre 1960, le capitaine d’aviation Wenzel a confirmé qu’il avait toujours l’intention d’être libéré afin d’occuper un emploi civil. Par la suite, il a été libéré, en 1961. Une fois retraité, M. Wenzel a été muté dans la force de réserve et a continué de servir en tant que commandant d’aviation jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la retraite obligatoire, en 1969.
 

L’admissibilité du capitaine d’aviation Wenzel à une pension était régie par une loi. À cet égard, j’apprends que la Loi concernant la pension de retraite des membres des Forces canadiennes prévoyait que, en règle générale, une rente ne peut être versée qu’à un membre à la retraite ayant accumulé au moins 25 années de service ouvrant droit à pension, et que l’admissibilité d’un membre à une rente était déterminée lorsqu’il était libéré de la force régulière. Par conséquent, le service subséquent dans la force de réserve ne comptait pas dans le calcul de la pension et ne pouvait donc pas assurer l’admissibilité à une rente. Cependant, la loi conférait au Conseil du Trésor le pouvoir discrétionnaire d’octroyer une rente réduite aux membres qui avaient accumulé moins de 25 années de service ouvrant droit à pension si le ministre de la Défense nationale recommandait que la retraite et le versement de la rente soient considérés comme étant dans l’intérêt public.
 

En ce qui concerne le critère « dans l’intérêt public », les lignes directrices ministérielles applicables prévoyaient de qui suit : Pour faire l’objet d’un examen en vue de la recommandation de l’approbation du versement d’une rente réduite de 5 % pour chaque année complète où le cotisant n’a pas atteint l’âge de la retraite, la demande de retraite volontaire doit faire partie de l’une des catégories suivantes :
 

  1. le cotisant prend sa retraite volontairement afin d’accepter un emploi civil d’importance publique;
     
  2. le cotisant prend sa retraite volontairement afin de faciliter sa réadaptation, dans les trois années qui précèdent celle où il atteindra l’âge de la retraite prescrit, et le cotisant a loyalement servi son pays;
     
  3. le cotisant a à son actif au moins 25 ans de bons et loyaux services ouvrant droit à pension.
     

On m’informe du fait que les réalisations, y compris le service distingué, d’un membre n’étaient pas prises en compte lorsqu’on appliquait les lignes directrices. En fait, les dossiers ministériels confirment que, au cours des deux années précédant la libération de M. Wenzel, le Ministre n’a recommandé que 14 dossiers, pour lesquels le Conseil du Trésor a approuvé le versement d’une rente réduite. Dans presque toutes ces situations, la personne concernée était à deux à cinq ans de l’âge de la retraite et devait occuper un emploi dans le secteur public d’une certaine importance ou d’un certain intérêt : professeur à l’université, enseignant, magistrat, avocat d’une ville, fonctionnaire fédéral, etc.
 

À l’époque, les autorités responsables de l’octroi des pensions militaires, dont le Conseil des pensions militaires, ont examiné les circonstances entourant la libération de M. Wenzel. Elles ont déterminé que ces circonstances ne satisfaisaient pas aux critères énoncés dans les lignes directrices, et le ministre d’alors n’a pas recommandé au Conseil du Trésor d’octroyer une rente réduite. Par conséquent, M. Wenzel n’a eu droit qu’au remboursement de ses cotisations de retraite, qu’il a d’ailleurs reçues.
 

En 1962, M. Wenzel, insatisfait de la décision, a retenu les services d’un conseiller juridique dans le but d’obtenir une rente. Le ministre de la Défense nationale a étudié le dossier de M. Wenzel et confirmé que, étant donné que sa retraite n’était pas considérée comme étant dans l’intérêt public, aucune recommandation ne serait formulée au Conseil du Trésor.
 

À quelques reprises, M. Wenzel a demandé aux différents ministres de la Défense nationale de réévaluer son dossier en vue de lui octroyer une rente. Chaque fois, la décision précédente a été confirmée. À la lumière de ces examens, j’estime que M. Wenzel a été traité de façon uniforme et selon ce qu’autorisait la loi applicable à ce moment-là.
 

En 2003, M. Wenzel a présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de l’époque. La Cour a rejeté la demande en affirmant que trop de temps s’était écoulé et que la demande n’avait « aucune chance d’être accueillie ». Vous trouverez ci-joint une copie du jugement de la Cour. Comme les faits du dossier sont entièrement énoncés dans les affidavits produits à la Cour, tous les faits pertinents sont du domaine public et ne sont pas protégés par la Loi sur la protection des renseignements personnels.
 

Même si la Loi conférait au Ministre le pouvoir discrétionnaire de déterminer si la retraite et le versement d’une rente étaient dans l’intérêt public, elle a été modifiée depuis, et aujourd’hui, ce pouvoir n’existe plus. En conséquence, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes ne prévoit aujourd’hui aucun pouvoir pour ce qui est de verser une rente à M. Wenzel.
 

On me dit que, étant donné que le dossier a été examiné à maintes reprises et que plus de 40 ans se sont écoulés, le gouvernement a épuisé presque toutes les options, et manifestement, je commettrais une erreur si je vous demandais de contrôler une décision de la Cour fédérale du Canada ou du Conseil des pensions militaires. Ce n’est pas ce que je vous demande.
 

Je reconnais que cette demande est quelque peu inhabituelle et motivée en partie par le fait extraordinaire que cet ancien combattant décoré est parfaitement convaincu que son pays ne l’a pas traité de façon équitable, opinion qu’il a exprimée pendant très longtemps. À cet égard, je considère que votre enquête sur la question serait dans l’intérêt du Ministère et du Canada.
 

Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes sentiments distingués.
 

L’honorable William Graham, C.P., c.r., député

Pièces jointes : 2
 

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Annexe B: Loi concernant la pension de retraite des membres des Forces canadiennes, L.C. 1959

Loi concernant la pension de retraite des membres des Forces canadienne, L.C. 1959, 7-8 Eliz. II, ch.-21

10.(6) Un contributeur qui, n’ayant pas atteint l’âge de retraite, prend volontairement sa retraite des forces, a droit à une prestation déterminée comme il suit :

a) si, dans le cas d’un officier, il a servi dans les forces pendant moins de vingt-cinq ans ou, dans le cas d’un contributeur autre qu’un officier, il a servi dans les forces pendant moins de vingt ans, il est admissible
 

(i) à un remboursement de contributions, ou(ii) selon la discrétion du conseil du Trésor, s’il a servi dans les forces pendant dix ans ou plus, à une annuité, réduite de cinq pour cent pour chaque année entière par laquelle son âge au moment de sa retraite est inférieur à l’âge de retraite applicable à son grade;
 

(...)
 

10.(10) Nonobstant toute disposition du présent article,
 

(…)
 

c) un contributeur qui, n’ayant pas atteint l’âge de retraite, prend volontairement sa retraite des forces, n’a droit à une annuité déterminée selon le sous-alinéa (ii) de l’alinéa a) du paragraphe (6) que si, d’après une recommandation du Ministre, sa retraite était dans l’intérêt du public et si ce dernier comporte le paiement de cette annuité au contributeur susmentionné.

 
Conseil des pensions militaires
 

20. (1) Le Ministre doit nommer un conseil appelé Conseil des pensions militaires et composé d’un président, d’un membre de chacun des services et d’un membre représentant le Ministre.
 

(2) Il est du devoir du Conseil des pensions militaires d’établir, dans le cas de tout contributeur retraité des forces, la raison de sa retraite des forces, et le Conseil doit, dès qu’il a ainsi établi cette raison, la certifier par écrit, telle que l’a déterminée le Conseil.
 

(3) Il ne doit être versé aucune annuité ou autre prestation selon la présente loi à un contributeur retraité des forces, sauf sur certification écrite, par le Conseil des pensions militaires, de la raison de cette retraite, ainsi que l’a établie le Conseil, et, sur certification de cette raison, le contributeur est présumé, prima facie, avoir été retraité des forces pour cette raison.
 

(4) Les paragraphes (2) et (3) ne s’appliquent pas, dans un cas ou une catégorie de cas spécifiés par le conseil du Trésor, à un contributeur qui a servi dans les forces durant moins de dix ans, ou à l’égard d’un tel contributeur.

 
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Annexe C: Lettre du Ministre de la Défense nationale

Le 6 octobre 2005

 
L'honorable William Graham, C.P., député
Ministre de la Défense nationale
Quartier général de la Défense nationale
Édifice major-général George R. Pearkes
13e étage, Tour Nord
101, promenade Colonel By
Ottawa (Ontario)K1A 0K2
 

Monsieur le Ministre,
 

Vous trouverez ci-joint six exemplaires de mon rapport spécial intitulé Un long vol vers l'équité : l'Affaire du commandant d'aviation (retraité) Clifton Wenzel. Ce rapport concerne la plainte de M. Clifton Wenzel, qui a pris sa retraite de l'Aviation royale canadienne en 1961, et qui n'a pas reçu de rente réduite discrétionnaire comme le permettait la Loi concernant la pension de retraite des membres des Forces canadiennes à cette époque.
 

Le 5 mai 2005, vous nous avez confié la tâche d'enquêter sur cette plainte, conformément au paragraphe 4a) des Directives ministérielles qui régissent le Bureau de l'Ombudsman. Vous avez demandé au Bureau d'enquêter sur le cas de M. Wenzel, afin que nous déterminions si le MDN et les FC l'ont traité de façon équitable lorsqu'ils ont refusé de lui verser une rente réduite à sa retraite.
 

Ce rapport spécial vous est soumis conformément à l'alinéa 38(1)b) des Directives ministérielles régissant mon Bureau. Comme il est d'usage de le faire, nous avons transmis un exemplaire du rapport et des recommandations au plaignant, M. Wenzel, sur la promesse qu'il n'en divulguera par le contenu avant la publication.
 

Conformément à l'alinéa 38(2)b) des Directives ministérielles, et compte tenu de l'intérêt public pour cette question, je compte publier le rapport à l'expiration du délai de 28 jours suivant la date des présentes, soit le 3 novembre 2005 ou après.
 

Veuillez noter que l'on pourrait modifier la version finale du rapport qui sera publié pour des questions de style. Cependant, cela n'aura aucun effet sur les conclusions et les recommandations présentées dans la version ci-jointe.
 

Je suis impatient de connaître votre réaction à mes recommandations. Si vous souhaitez en discuter, n'hésitez pas à communiquer directement avec moi.
 

Je vous prie de recevoir, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments très respectueux.
 

L'Ombudsman,
Yves Côté, c.r.
 

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