Le chef d'état-major de la Défense répond aux préoccupations de l'Ombudsman relativement au traitement des recrues francophones à la BFC Borden

Le 5 avril, 2007

Maître Yves Côté
Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes
100, rue Metcalfe, 12e étage
Ottawa (Ontario) K1P 5M1

 

Maître Côté,

Je vous remercie de vos lettres du 8 janvier et du 6 mars 2007, dans lesquelles vous avez exprimé vos préoccupations en ce qui trait à la formation professionnelle et à la prestation de services en français à la Base des Forces canadiennes (BFC) Borden.

La capacité des Forces canadiennes (FC) à fournir de façon constante de la formation professionnelle et des services à leurs membres dans les deux langues officielles est un problème avec lequel nous sommes aux prises depuis de nombreuses années. Bien que l’instruction des recrues soit toujours offerte en anglais et en français, la constance avec laquelle l’instruction à des niveaux plus avancés est données dans les deux langues officielles varie selon l’élément (Armée de terre, Marine et Force aérienne), le lieu où l’instruction se déroule et le groupe professionnel militaire. C’est l’une des raisons pour lesquelles on a expressément traité de la langue d’instruction dans le Modèle de transformation du Programme des langues officielles de la Défense nationale, publié récemment. Le Modèle reconnaît que le rendement des FC en matière de langues officielles ne répond plus, dans plusieurs domaines, aux obligations qui incombent aux Forces en vertu de la Loi sur les langues officielles. Il définit en outre une ligne de conduite à adopter pour combler les lacunes par ordre de priorité, tel qu’il est établi dans la Loi.

Je suis heureux d’annoncer que nous accomplissons d’excellents progrès en ce qui concerne l’élaboration du Plan directeur de mise en œuvre, qui permettra d’atteindre les objectifs du Modèle de transformation le plus rapidement et le plus efficacement possible. Cela dit, je dois souligner le fait que la langue d’instruction n’est qu’une lacune parmi d’autres. Celle-ci est liée à d’autres secteurs où l’on constate des faiblesses, notamment la sensibilisation aux droits et obligations en matière de langues officielles, lesquels ne sont pas limités à la BFC Borden. Il s’ensuit que notre plan global visant à régler la situation de la langue d’instruction s’appliquera à l’ensemble des FC et non à un seul emplacement.

Étant donné que vos préoccupations découlaient d’une visite à la BFC Borden, il convient de souligner les mesures correctrices particulières qui sont prises à cette base pour traiter les faiblesses systémiques liées à la formation et à la prestation de services dans les deux langues officielles que vous avez indiquées dans votre lettre du 8 janvier 2007.

Tout d’abord, on met présentement au point le Plan stratégique de la Base des Forces canadiennes Borden en matière de langues officielles afin d’atteindre les objectifs à court terme du Modèle de transformation du Programme des langues officielles de la Défense nationale, soit : 1) disposer du personnel qualifié sur le plan linguistique au bon endroit et au bon moment afin de respecter les obligations imposées par la Loi sur les langues officielles; 2) mettre en place un Programme amélioré de sensibilisation aux langues officielles et d’éducation; et 3) établir un système de mesure du rendement axé sur les résultats afin de surveiller rigoureusement la capacité de la base à fournir de façon constante des services d’instruction dans la langue de choix du militaire. Parmi les initiatives que comprendra le Plan stratégique de la Base des Forces canadiennes Borden en matière de langues officielles, mentionnons les suivantes :

  1.  
    1. La mise en œuvre immédiate de séances de sensibilisation, qui seront intégrées à tous les briefings de familiarisation initiaux, de sorte que les nouveaux stagiaires et le personnel en attente d’instruction (PAI) soient informés de leurs droits et responsabilités linguistiques;
    2. L’introduction/la mise en service immédiate d’un mécanisme d’observation et de rétroaction rapide (délai de 48 heures) qui permettra aux stagiaires et au PAI d’exprimer leurs préoccupations linguistiques à l’extérieur de la chaîne de commandement de l’instruction et d’ainsi éviter des conséquences négatives potentielles ou perçues;
    3. La nomination immédiate d’un champion des langues officielles issu du Corps des officiers supérieurs de la BFC Borden. Le champion établira des liens directs avec les commandants des écoles et le commandant de la base afin d’exercer une supervision en matière de langues officielles et de faire en sort que le programme des langues officielles et les questions connexes, notamment le traitement rapide de la rétroaction et des observations en matière de langues officielles, continuent d’occuper une place importante;
    4. La rédaction et l’utilisation immédiate d’un sondage de départ pour surveiller continuellement les questions liées au choix de langue afin de remédier aux lacunes lorsqu’elles se présentent;
    5. L’intégration immédiate des obligations liées à l’usage des langues officielles dans les revues du développement du personnel et les rapports d’appréciation du personnel des officiers supérieurs actuels, à titre d’élément clé du cadre de responsabilisation;
    6. L’allocation immédiate de ressources financières supplémentaires requises par le programme actuel des langues officielles dans le processus de planification des activités de la BFC Borden.

En plus de ces mesures immédiates, un Énoncé de politique sur les langues officielles du commandant de la base enjoindra aux chefs militaires et civils de respecter la Loi sur les langues officielles et de s’assurer de la protection des droits linguistiques du personnel des FC et de leurs familles. Le commandant de la base doit également charger son personnel :

  1.  
    1. d’améliorer la fréquence et la qualité des communications bilingues;
    2. de promouvoir une culture favorable des langues officielles dans l’ensemble de la BFC Borden, en particulier dans les écoles ainsi que les unités intégrées et hébergées;
    3. de travailler avec les gestionnaires de carrières pour s’assurer qu’après la période active des affectations de 2007 le personnel militaire assumant des fonctions bilingues dans les établissements d’instruction à l’échelon nationale ou dans des unités de la base axées sur le service satisfait au profit linguistique minimum requis;
    4. de fournir des occasions de formation en langue seconde (FLS) au personnel et aux stagiaires, en donnant la priorité à ceux qui assument des fonctions bilingues;
    5. d’entreprendre la traduction du matériel requis pour tous les cours de niveau de qualification trois. La traduction sera effectuée sur une base permanente afin de fournir de l'instruction dans les deux langues officielles conformément à la Loi sur les langues officielles;
    6. de nommer des coordonnateurs des langues officielles (CLO) des unités et des écoles afin d’aider le champion des langues officielles à promouvoir les questions liées aux langues officielles et à remédier aux problèmes; 
    7. de continuer à fournir des occasions de FLS aux personnes à charge du personnel militaire; et
    8. de continuer à tenir à jour et à diffuser une base de données des services communautaires disponibles dans les deux langues officielles.

La BFC Borden prévoit faire face à plusieurs défis dans l’atteinte de ses obligations liées à la Loi sur les langues officielles, surtout en ce qui trait aux limites financières. Les besoins en ressources supplémentaires ont été définis et fournis au Chef – personnel militaire. Ils comprennent des demandes en vue d’obtenir du personnel bilingue additionnel pour donner de l’instruction et mettre à jour le matériel pédagogique, et des fonds supplémentaires pour couvrir les coûts de traduction initiaux et uniques ainsi que continus et à long terme.

Ces demandes sont actuellement examinées afin de s’assurer que les moyens les plus pratiques et les plus économiques sont utilisés pour atteindre le but final souhaité. Les ressources financières et humaines ne seront pas suffisantes pour relever de nombreux défis de longue date, particulièrement étant donné que les FC font face à d’autres priorités nécessitant des ressources similaires. Des initiatives ont été amorcées pour déterminer si des modèles d’instruction novateurs pouvaient être adoptés en vue de suivre l’approche fonctionnelle énoncée dans le Modèle de Transformation, peut-être en utilisant des écoles civiles, des entrepreneurs et du personnel de la Force de réserve pour renforcer l’actuel cadre d’instruction bilingue de la Force régulière. Le système d’élaboration de l’instruction doit aussi vérifier quels éléments de cours doivent être envoyés à la traduction, plus particulièrement dans les cas où l’on met à jour du matériel de cours ou que l’on extrait ce dernier de la doctrine ou de pratiques bien documentées qui sont publiées dans les deux langues officielles. En somme, le système d’instruction dans son ensemble doit être engagé à élaborer des nouvelles pratiques novatrices liées à l’élaboration et à la tenue à jour de programmes d’études bilingues.

Outre les mesures décrites ci-dessus, la BFC Borden sera assujettie aux objectifs du prochain Plan directeur de mise en œuvre du Modèle de transformation du Programme des langues officielles de la Défense nationale, y compris les mesures liées à la langue d’instruction et à la prestation des services. Ces mesures serviront à renforcer les initiatives de la base mentionnées précédemment.

Tel qu’il est mentionné dans la lettre du Chef – personnel militaire, datée du 1er mars 2007, le Chef – Services d’examen a reçu une proposition d’évaluation de la langue d’instruction dans les établissements de formation des FC. Le Chef – Services d’examen analyse la proposition et le plan qui s’y rattache afin de déterminer si son organisation est en mesure de nous aider dans l’élaboration d’un plan d’action concret sur la question de la langue d’instruction (objectif 14 du Modèle de transformation du Programme des langues officielles de la Défense nationale). Des discussions sur le sujet ont présentement cours entre le Chef – personnel militaire et le Chef – Services d’examen. Le Modèle de transformation du Programmes des langues officielles de la Défense nationale a permis de bien cerner les principaux problèmes entourant la langue d’instruction dans les FC et de préciser les mesures particulières qui doivent être prises pour les régler. J’ai donc ordonné que le prochain Plan directeur de mise en œuvre du Modèle de transformation renferme un aperçu détaillé des étapes à suivre afin qu’il soit possible d’aborder efficacement les questions que vous avez soulevées en rapport avec la langue d’instruction.

Étant l’une des plus grandes bases du Canada, la BFC Borden est titulaire d’obligations et de responsabilités importantes à l’égard des exigences linguistiques de tous les membres des FC, des stagiaires et de leur famille. La base reconnaît qu’il y a toujours matière à améliorer la qualité et la quantité de l’instruction dispensée dans la langue officielle de choix des stagiaires de même que les services à ces derniers et à leur famille.

Cette lettre renferme le schéma initial que compte suivre la BFC Borden pour favoriser la reconnaissance pleine et entière et l’utilisation des deux langues officielles. Par ailleurs, le schéma ne peut être complet que s’il constitue un élément d’un plan global, précis et intégré des FC, appuyé par des ressources cohérentes et appropriées.

Le Plan stratégique de la Base des Forces canadiennes Borden permettra d’améliorer de façon tangible la conformité avec la Loi sur les langues officielles au sein de la base. Ce sont cependant les FC qui devront, dans leur ensemble, apporter les changements requis pour résoudre les problèmes liés à la langue d’instruction et à la prestation des services. Ceci ne pourra se faire que par la mise en œuvre proactive du Modèle de transformation du Programme des langues officielles de la Défense nationale. À cette fin, les FC continueront de collaborer avec les organismes de l’administration centrale chargés de surveiller la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles.

Je vous remercie pour avoir soulevé ces questions. Je vous prie d’agréer, Maître, l’expression de mes salutations distinguées et je suis content de votre participation soutenue pendant que les FC continuent d’aller de l’avant dans la mise en œuvre du Modèle de transformation du Programme des langues officielles.

Sincèrement,
 

Le Général R.J. Hillier

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