L'Ombudsman encourage fortement au Ministre d'aider les familles des militaires

Le 24 décembre 2009

Honorable Peter MacKay, P.C., c.r., député
Ministre de la Défense nationale
et ministre de la porte d’entrée de l’Atlantique
Quartier général de la Défense nationale
Édifice Major-général George R. Pearkes 101, promenade Colonel-By
13e étage, tour nord
Ottawa (ON) K1A 0K2

Monsieur le Ministre,  

Je suis très déçu de votre lettre du 14 décembre 2009 qui avait pour objet de répondre à ma lettre du 14 octobre 2009.

Ma lettre du 14 octobre 2009 était un résumé des plus importantes conclusions de l’enquête de mon Bureau sur la mise en œuvre des 34 recommandations formulées dans notre rapport spécial intitulé Quand tombe un soldat : Examen de la réaction des FC à la mort accidentelle du caporal-chef Rick Wheeler. J’avais décidé de vous informer de ces conclusions dans une courte lettre au lieu d’un long rapport, car j’estimais qu’une lettre serait une façon plus efficace d’attirer votre attention sur deux problèmes importants qui n’ont pas encore été résolus et qu’elle vous inciterait à demander aux Forces canadiennes de prendre des mesures à cet égard.

Dans ma lettre, j’ai félicité le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes des progrès importants réalisés dans de nombreux domaines. Je suis au courant de ces améliorations, notamment celles que vous mentionnez dans votre lettre.

Toutefois, dans ma lettre, j’ai aussi posé la question suivante : est-ce que les erreurs commises en 1992 pendant l’enquête sur la mort du caporal-chef Wheeler pendant un exercice d’entraînement pourraient se répéter aujourd’hui? Malheureusement, les mêmes erreurs sont commises aujourd’hui; c’est pourquoi je vous incite à prendre des mesures à l’égard de ces deux problèmes importants qui demeurent en suspens plus de 17 ans plus tard.

Ces problèmes, énoncés dans ma lettre du 14 octobre, sont le manque d’information, de soutien et d’aide offerts aux familles après la mort inattendue d’un membre des Forces canadiennes et les problèmes continus quant à la façon dont les Forces canadiennes mènent les enquêtes sur ces décès.  

La mort d’un membre des Forces canadiennes est horrible, mais personne n’est autant touché par celle-ci que les membres de sa famille. Quand un évènement semblable se produit, les membres de la famille du militaire doivent compter sur le soutien des Forces canadiennes. Ils doivent connaître les circonstances de l’accident et savoir si des mesures ont été prises pour protéger d’autres membres des Forces canadiennes. Ils doivent également participer à l’enquête afin de pouvoir fournir de l’information qui pourrait aider les enquêteurs et pour que les enquêteurs puissent tenir compte des préoccupations et des questions de la famille.

Quand ils n’obtiennent pas de soutien, les membres de la famille du militaire se méfient de l’organisation pour laquelle le membre des Forces canadiennes a sacrifié sa vie. Nous avons constaté cette méfiance de la part de Mme Christina Wheeler après le traitement qu’elle a reçu des Forces canadiennes à la suite de la mort de son mari. Nous remarquons que les familles sont toujours traitées de la même façon quand nous parlons aux membres de famille endeuillés de certains membres des Forces canadiennes décédés récemment. Cette confiance trahie aggrave une situation déjà tragique.

Je n’arrive pas à croire que les Forces canadiennes agissent encore de façon à refuser un traitement juste et approprié des familles après la mort d’un être cher. Pourtant, parmi les familles que nous avons interrogées pendant l’enquête de suivi, certaines attendent toujours de l’information qui leur avait été promise. Par exemple, la veuve d’un membre des Forces canadiennes passera un quatrième Noël sans avoir reçu de réponse sur les circonstances entourant la mort de son mari. De plus, nous aidons d’autres membres de famille qui se plaignent de vivre des situations semblables. Je me suis engagé envers ces personnes de faire tout ce que je peux pour qu’elles et d’autres familles dans leur situation soient traitées de façon juste en me fondant sur le traitement approprié que notre Bureau a énoncé dans Quand tombe un soldat. Au cours des prochains mois, je vous ferai rapport de ces cas qui, selon moi, auraient pu être évités par la mise en œuvre des recommandations du rapport Quand tombe un soldat.

Quand tombe un soldat témoigne aussi du besoin d’enquêtes approfondies, minutieuses et complètes sur la mort inattendue d’un membre des Forces canadiennes. Sans cela, les Forces canadiennes risquent de ne pas connaître les vraies raisons d’un décès, et cette situation pourrait même mettre en danger d’autres membres des Forces canadiennes.

C’est pourquoi je vous prie de revoir la position que vous avez prise, car vous estimez que les efforts déployés à ce jour par le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes sont suffisants pour remédier aux problèmes importants qui existent toujours. Bien que vos efforts soient louables, il y a encore deux questions très importantes en suspens, et celles ci doivent être résolues dans l’intérêt de l’ensemble de la collectivité de la défense canadienne. Les familles qui perdent un être cher méritent plus que des mots d’encouragement ou une réponse bureaucratique qui laisse prévoir des engagements quant à l’amélioration des soins et services. Elles méritent que des mesures concrètes soient prises. 

Veuillez prendre note que j’ai l’intention de publier votre réponse et cette lettre.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.
 

Pierre Daigle
Ombudsman

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