Lettre au Commandant d'escadre : visite à la 3e escadre Bagotville

Le 3 juin 2019

 

Colonel William Radiff
Commandant
3e Escadre
C.P. 5000, succ. Bureau-Chef
Alouette (Québec)  G0V 1A0

 

Colonel Radiff,

La présente lettre est un suivi de notre visite à la 3e Escadre (Ere) à la Base des forces canadiennes Bagotville, du 25 au 29 mars 2019. Je tiens à remercier votre équipe de commandement, ainsi que le personnel de la 2e Ere, pour l’accueil chaleureux qu’ils nous ont réservé. Nous avons été ravis de rencontrer le personnel militaire et civil, les prestataires de soins et les familles des militaires, ainsi que d’entendre leurs préoccupations et leurs commentaires positifs. L’empressement et l’ouverture avec lesquels tout le personnel de l’escadre a rencontré mon équipe ont grandement contribué au succès de notre visite.

J’aimerais aussi faire une mention spéciale à l’enseigne de vaisseau 1re classe Simon Gauthier, qui a brillamment soutenu et facilité notre visite. Nous sommes très reconnaissants de son professionnalisme, de sa gentillesse et de son empressement à satisfaire nos besoins.

Cette lettre a pour but de poursuivre l’exposé que je vous ai fait le 16 avril 2019 et de souligner certaines des principales préoccupations et améliorations dont on nous a fait part lors de notre visite. Je suis conscient que vous et votre personnel connaissez déjà ces enjeux, mais j’ai quand même cru bon de les détailler ici et de vous offrir mon aide si jamais vous souhaitez aborder quelconque de ces sujets. Je crois fermement que la collaboration peut apporter des changements positifs et durables pour la communauté de la Défense.

Isolement des anglophones

Malgré les grands efforts déployés par votre équipe pour fournir des services bilingues, nous avons appris que les anglophones vivent diverses difficultés aux 2e Ere et 3e Ere, puisque la BFC Bagotville est une base unilingue francophone. Par exemple, les soins de santé et services sociaux sont seulement offerts en français et l’intégration dans la collectivité est lente ou aboutie en un échec, ce qui s’ajoute au stress des familles et pousse certains militaires à demander à ne pas déménager leur famille et à se rendre seul à leur lieu d’affectation. Ces préoccupations ont eu un écho à tous les grades, ainsi que chez le personnel et les bénéficiaires du Centre de ressources pour les familles des militaires.

Soutien médical et considérations associées

Les gens ont l’impression que la ville de Bagotville n’était pas prête à accueillir plus de 250 militaires et familles lorsque la 2e Ere a été greffée à la base. L’incapacité des familles à obtenir des soins de santé (notamment en santé mentale) et d’autres services sociaux est une préoccupation souvent soulevée durant notre visite. Comme vous vous en doutez, ces problèmes sont exacerbés chez les anglophones. Nous avons aussi entendu dire que certains médecins de la région hésitent à prendre en charge les familles militaires à cause des difficultés particulières que cela peut souvent poser.

Le personnel médical nous a indiqué que le processus de vérification de l’état de préparation du personnel (VEPP) avant un déploiement par le Groupe d’aide au départ (GAD) est soumis à un examen attentif et comprend une analyse de l’état de santé, ainsi que, sur la situation sociale et économique des personnes. Les gens ont l’impression que le statut du VEPP (vert, jaune, rouge) attribué par les services médicaux est vu comme une simple recommandation, car il y a eu des décisions prises par la chaîne de commandement qui allaient à l’encontre des recommandations du personnel médical. Malgré qu’il soit entendu que les pénuries de main-d’œuvre actuelles contribuent largement au problème, cela peut ajouter beaucoup de pression sur le système et sur le militaire, parfois de façon injuste.  

Le personnel médical a exprimé des préoccupations au sujet de formations qui, n’étant pas requises au Québec, ont été refusées malgré qu’elles soient essentielles au maintien des reconnaissances officielles professionnelles dans le reste du pays. Les gens ont l’impression que des compétences importantes sont en jeu et que les médecins militaires affectés au Québec sont désavantagés lorsqu’ils déménagent et retournent travailler dans une autre province.

En dernier lieu, le personnel médical a exprimé une grande inquiétude quant à la capacité de l’escadre d’absorber les centaines de cadets qui arriveront à l’été, et de leur offrir des soins médicaux adéquats. Je dois mentionner que ce n’est pas la première fois que mon bureau entend cette préoccupation lors d’une visite de base ou d’escadre. Il y a chez le personnel médical un fort sentiment d’insuffisance des ressources pour pouvoir offrir les soins dont ont besoin de certain cadets qui sont mineurs et ont des conditions médicales diverses et complexes. Cette inquiétude est intensifiée par le fait que le personnel médical ne soit pas formé en pédiatrie. On a l’impression que le processus de sélection des cadets est insuffisant et que les parents peuvent avoir la fausse impression que leurs enfants recevront des soins médicaux solides et rapides. J’ai demandé à mon équipe de se pencher sur le processus de sélection des cadets participant aux camps dans les bases et escadres du pays afin que nous puissions mieux comprendre la question.

Dotation

Notre équipe a appris que dans la pratique, il est difficile d’appliquer les normes de dotation nationales de la Commission de la fonction publique, particulièrement en raison du soutien en ressources humaines limité, voire non existant, au sein de l’escadre. Depuis quelques années, cette préoccupation revient constamment à chaque base ou escadre que nous visitons. Les employés civils comme les militaires comprennent généralement mal les processus, politiques et outils qui régissent la dotation. Cela dit, ces gens affichent un réel désir d’être bien formés et d’avoir un processus transparent. Je sais que l’escadre a fait des demandes pour que de la formation et des séances d’information soient offertes. Nous sommes prêts à offrir notre aide afin de nous assurer que cela devienne réalité.

De manière plus générale, notre équipe a entendu parler de pénuries de main-d’œuvre dans l’ensemble de l’escadre. Nous comprenons que les Forces armées canadiennes ont actuellement des problèmes à la fois de recrutement et de maintien en poste. Les niveaux de dotation à l’escadre semblent aggravés par le personnel militaire ne pouvant être déployé, le rythme opérationnel élevé et les processus de dotation très longs/compliqués chez les civils. Je tiens à mentionner que je communique régulièrement avec le sous-ministre adjoint (Ressources humaines - Civils) au sujet du type d’enjeux et difficultés dont nous entendons parler dans les bases et escadres. Nous espérons que ces discussions sensibiliseront les hauts dirigeants aux impacts qu’ont les politiques et décisions partout au Canada et contribueront à atténuer et résoudre les problèmes à long terme.

Je crois qu’il est important de souligner que la plupart des préoccupations entendues lors de notre visite ont des échos dans les bases et escadres partout au pays. Nous reconnaissons que plusieurs enjeux auxquels vous faites face, vous et votre équipe, sont hors de votre contrôle (ex. : BGRS, remboursement des pertes immobilières, obstacles aux soins médicaux des familles, isolement linguistique, etc.). Ces enjeux ont une grande importance, car ils ont un impact énorme sur la santé et le bien-être de l’Équipe de la Défense et ils influencent grandement nos enquêtes systémiques, lesquelles visent à obtenir des changements rapides et durables pour la communauté de la Défense.

En conclusion, je vous invite à poursuivre vos efforts louables pour résoudre les problèmes locaux à votre escadre. L’équipe du Bureau de l’ombudsman demeure à votre disposition. N’hésitez pas à faire appel à nous si nous pouvons vous appuyer dans vos efforts.

Veuillez agréer, Colonel Radiff, mes meilleures salutations.

L’ombudsman par intérim,

 

Gregory A. Lick.

 

c. c.

Lieutenant-général A.D. Meinzinger
Commandant de l’Aviation royale canadienne

Lieutenant-général C. A. Lamarre
Commandant du Commandement du personnel militaire

Colonel J.R.L. Guillette
Commandant de la 2e Escadre

Date de modification :