Le 17 août 2012 - L'Ombudsman encourage le Ministre à entériner le pouvoir du CEMD d'accorder des indemnisations dans la Loi sur la défense nationale

Le 17 août 2012

L’honorable Peter MacKay, C.P., c.r., député
Ministre de la Défense nationale
Ministère de la Défense nationale
Quartier général de la Défense
Édifice Major-général George R. Pearkes
13e étage, tour nord
101, promenade Colonel‑By
Ottawa (Ontario) K1A 0K2

 

Monsieur le Ministre,

Je vous remercie de votre lettre du 26 juillet 2012 qui m’informait de la récente décision du Conseil du Trésor d’accorder au chef d’état-major de la défense le pouvoir de verser des paiements à titre gracieux dans le cadre du processus de règlement des griefs des Forces canadiennes. Il s’agit d’une importante étape dans le perfectionnement continu du système militaire de règlement des griefs.

Bien que je voie d’un bon œil sa mise en œuvre, cet outil financier intérimaire ne satisfait pas pleinement l’intention des recommandations formulées par le très honorable Antonio Lamer, ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, moi-même et, plus récemment, l’honorable Patrick J. LeSage, ancien juge en chef de la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Dans mon rapport de 2010, intitulé Le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes : Redresser la situation pour ceux et celles qui servent, je vous ai présenté cinq recommandations précises en vue de rétablir l’équité dans le processus de règlement des griefs. La capacité du chef d’état-major de la défense de verser des paiements à titre gracieux n’appuie que partiellement une de mes recommandations.

Je crains que l’efficacité des paiements à titre gracieux en tant que mécanisme compensatoire puisse être restreinte en raison des limites inhérentes à leur application. Dans mon rapport, j’ai fait valoir que l’autorité de dernière instance devrait être capable d’évaluer l’indemnisation en utilisant les mêmes principes d’équité qui guident le processus de règlement des griefs. L’ancien juge en chef Lamer a recommandé que « le chef d'état-major de la défense ait le pouvoir financier nécessaire pour régler les réclamations financières des griefs » (non souligné dans l’original). Dans son rapport, l’ancien juge en chef LeSage recommande que « le CEMD devrait être investi du pouvoir d'accorder réparation lorsque le membre lésé réclame une indemnité financière à titre de réparation  » (non souligné dans l’original). Le programme de paiements à titre gracieux est très limité dans sa capacité de verser des paiements, et cette notion a été renforcée dans la décision du Conseil du Trésor, qui énonce ce qui suit :

 « Le pouvoir du CEMD de verser des paiements à titre gracieux soit exercé seulement lorsque de tels paiements ne visent pas à combler des lacunes perçues ou à pallier l'insuffisance apparente d'une loi, d'un décret, d'un règlement, d'une instruction, d'une politique, d'une convention ou autre instrument gouvernemental.  »   

De plus, j’estime que le pouvoir du chef d’état-major de la défense d’accorder une indemnisation sera davantage restreint, car la politique exige l’obtention d’un avis juridique avant d’autoriser un paiement à titre gracieux dans le cadre du processus de règlement des griefs.

Je suis également préoccupé par le fait que le Conseil du Trésor n’a pas autorisé la rétroactivité, car il s’agissait d’un des fondements de mes recommandations de 2010. Parmi les données recueillies par le groupe de travail qui étudiait cette question, le Directeur général de l’Autorité des griefs des Forces canadiennes et le Directeur des réclamations et contentieux des affaires civiles ont cerné plus de 100 cas où des membres des Forces canadiennes avaient déposé des griefs relatifs à des questions financières et où le chef d’état-major de la défense n’avait pas la capacité de fournir une résolution. Plus particulièrement, mon rapport de 2010 donnait trois exemples concrets dans lesquels le chef d’état-major de la défense reconnaissait que des membres des Forces canadiennes avaient été lésés, mais qu’il n’avait pas la capacité d’accorder une indemnisation. Les membres des Forces canadiennes ont des droits limités et un accès limité à ces mécanismes de recours par comparaison à leurs homologues de la fonction publique. Par conséquent, la capacité de réparer une injustice passée demeure un élément essentiel du processus si nous voulons qu’il soit juste pour ceux qui servent.

Finalement, j’encourage le Ministère à poursuivre sur cette lancée en entérinant dans la Loi sur la défense nationale le pouvoir du chef d’état-major de la défense d’accorder une indemnisation. Il pourrait être opportun d’inclure ce pouvoir du chef d’état-major de la défense dans le Projet de loi C-15, qui est actuellement en attente d’une deuxième lecture. Il s’agirait d’une excellente occasion de résoudre définitivement cette question qui est débattue depuis presque une décennie.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, mes sentiments les meilleurs.

 

Pierre Daigle
Ombudsman

Date de modification :