L'Ombudsman est préoccupé par l'absence de progrès en vue de fournir au CEMD le pouvoir d'accorder des indemnisations dans le cadre du processus de règlement des griefs

Le 7 mai 2012

L’honorable Peter MacKay, C.P., c.r., député
Ministre de la Défense nationale
Quartier général de la Défense
Édifice Major-général George R. Pearkes
101, promenade Colonel‑By
13e étage, tour nord
Ottawa (Ontario)  K1A 0K2

 

Monsieur le Ministre,

En mai 2010, j’ai publié un rapport spécial sur le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes (FC), intitulé Le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes : Redresser la situation pour ceux et celles qui servent, qui met en évidence les lacunes du processus de règlement des griefs qui portent davantage préjudice aux membres des FC qui ont déjà été lésés.

À la suite de l’enquête, nous avons conclu que le processus de règlement des griefs – qui est censé être un mécanisme rapide et informel qui permet aux soldats, aux marins et aux aviateurs de remettre en question les actions des FC et de régler les dossiers sans avoir à utiliser les tribunaux ou d’autres processus – est incomplet, insuffisant et injuste.

Plus particulièrement, il a été déterminé que le chef d’état-major de la défense (CEMD), qui est l’autorité de dernière instance du processus de règlement des griefs, n’a pas le pouvoir d’accorder des indemnités pour la résolution complète de l’injustice. Ainsi, lorsqu’une demande d’indemnité découlant d’un grief est présentée, c’est plutôt un avocat du gouvernement – et non le CEMD — qui détermine si l’indemnité doit être versée au membre des FC. Ces deux processus sont complètement distincts et indépendants, et les avocats du gouvernement n’ont pas à prendre en considération la position prise par le CEMD.    

À la suite de l’enquête, j’ai conclu qu’il est nécessaire que le CEMD puisse accorder une indemnité pour la simple raison que, dans certaines circonstances, c’est la seule façon d’atteindre l’équité. Les commandants doivent posséder les outils et les pouvoirs nécessaires pour prendre soin de leurs gens. À leur tour, les membres des FC doivent être convaincus que la chaîne de commandement prendra soin d’eux.

Le rapport de l’Ombudsman a été publié il y a plus de deux ans. À ce moment-là, vous avez indiqué que même si vous étiez d’accord avec les recommandations, il n’était pas facile de trouver le moyen le plus approprié pour mettre en œuvre ce concept et qu’il faudrait identifier le mécanisme de réglementation approprié et établir les paramètres délimitant l’exercice de ce pouvoir.  

Vous nous avez informés que vous aviez demandé à un groupe de travail d’étudier cette question et que vous espéreriez pouvoir nous communiquer, dans un avenir rapproché, ses recommandations sur la voie à suivre. Vous avez conclu qu’il était temps de clore cette question, d’une façon ou d’une autre. Je suis tout à fait d’accord avec vous et j’ai même cité vos intentions lors de ma comparution devant le Comité permanent de la défense nationale le 16 février 2011.

Malheureusement, le ministère de la Défense nationale n’a mis en œuvre aucune des recommandations du rapport spécial de 2010 de l’Ombudsman, et la question n’est toujours pas près d’être résolue. Nous avons de nombreux cas où le CEMD a convenu que les membres des FC ont fondamentalement été traités injustement et a déterminé que leur grief méritait une indemnité pour leurs pertes, mais il pouvait seulement accueillir leur grief et s’excuser de ne pouvoir leur offrir un montant d’argent. Cette situation n’a aucun sens.

Lorsque nous demandons des nouvelles sur l’état de nos recommandations, nous recevons des assurances que tous les décideurs pertinents sont d’accord avec la principale recommandation – que le CEMD devrait avoir le pouvoir d’accorder une indemnité dans le cadre du processus de règlement des griefs. Toutefois, au 31 mars 2012, mon Bureau a été informé qu’aucune décision n’avait encore été prise sur la façon d’accorder ce pouvoir.

Étant donné qu’il s’est écoulé deux années, je crains que l’absence de progrès porte à croire que le dossier n’est plus une priorité du Ministère. S’il y a véritablement une volonté de réparer cette injustice fondamentale, comme les hauts fonctionnaires semblent nous le répéter, il faut trouver un mécanisme approprié pour rapidement mettre en œuvre les recommandations.

Je vous demande donc d’être un chef de file dans la mise en œuvre des recommandations, et ce, sans autre délai bureaucratique. Ce faisant, vous répareriez une injustice fondamentale subie par les membres des Forces canadiennes qui ont déposé un grief et dont le redressement pourrait comprendre une indemnité.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, mes sentiments les meilleurs.

 

Pierre Daigle
Ombudsman

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