L'Ombudsman reconnaît que des progrès ont été réalisés dans le dossier du traitement des recrues francophones

Le 24 septembre 2007

Général R. J. Hillier, CMM, CSM, C.D.
Chef d’état-major de la Défense
Quartier général de la Défense nationale
Édifice Mgén George R. Pearkes
13e étage, tour sud
101 Colonel By Drive
Ottawa (Ontario) K1A 0K2

 

Objet : Dossier des langues officielles – BFC Borden

Général,

Comme vous pourrez vous le rappeler, durant ma visite à la Base des Forces canadiennes (BFC) Borden en novembre 2006, j’ai rencontré un certain nombre d’étudiants francophones qui m’ont informé des sérieuses difficultés qu’ils éprouvaient à recevoir de la formation et à travailler dans leur langue officielle maternelle. Étant donné les répercussions de cette situation sur le bien-être de ces étudiants, je vous ai écrit à trois reprises (le 8 janvier, le 6 mars et le 16 avril 2007) afin de porter ce dossier à votre attention et de recevoir des assurances que ces préoccupations allaient être traitées. Je joins ces correspondances ainsi que celles qui ont été échangées entre notre Bureau et celui du Chef du personnel militaire (CPM) dans ce dossier.

Dans la lettre que vous m’avez adressée le 5 avril dernier, vous avez indiqué que le plan stratégique en matière de langues officielles de la BFC Borden renfermait des mesures correctives immédiates, dont notamment du financement additionnel, l’établissement d’un mécanisme permettant aux étudiants de faire part de leurs préoccupations et des séances de sensibilisation visant à garantir la protection des droits linguistiques des membres des Forces canadiennes et de leurs familles. L’ancien Chef du personnel militaire m’a assuré, le 24 mai dernier, que toutes les mesures nécessaires étaient prises pour traiter les problèmes à la BFC Borden.

Après avoir reçu cette correspondance, j’ai demandé à deux enquêteurs du Bureau de l’Ombudsman d’effectuer un examen de suivi à la BFC Borden afin d’évaluer les progrès anticipés et les résultats atteints pour les étudiants francophones. Nos enquêteurs se sont rendus à la base du 19 au 21 juin dernier. Après avoir organisé des « assemblées ouvertes » et effectué des sondages confidentiels, ils m’ont informé que la situation était en fait pire et que son ampleur était plus importante que je ne l’avais cru précédemment. À titre d’exemple, même si un plan stratégique et une liste de mesures correctives à court terme avaient été élaborés, il était évident qu’aucune mesure tangible n’avait été prise. En outre, nos enquêteurs ont constaté que les étudiants francophones :

  • ne connaissaient toujours pas leurs droits linguistiques;
  • ne savaient pas comment signaler les problèmes qu’ils éprouvaient;
  • n’avaient pas reçu le soutien de la chaîne de commandement;
  • devaient attendre plus longtemps que leurs collègues anglophones avant de commencer leur formation professionnelle;
  • n’étaient pas employés de façon valable ou ne recevaient pas de formation linguistique en anglais.

De plus, nos enquêteurs ont constaté que les services sur la base, y compris les soins médicaux, étaient souvent dispensés exclusivement en anglais aux étudiants francophones incapables d’exprimer leurs préoccupations de façon adéquate. J’ai également été troublé d’apprendre que les étudiants s’étaient plaints de comportements d’intolérance et de commentaires émis à leur endroit par certains instructeurs, du personnel militaire et des employés civils.

Pour nos enquêteurs, il était clair que les recrues francophones à la BFC Borden étaient aux prises avec des barrières linguistiques inacceptables et qu’ils se sentaient isolés et marginalisés. De plus, il était clair que cela nuisait au développement professionnel des ces recrues et que leur moral s’en ressentait.

Étant donné qu’aucune mesure tangible n’avait été prise pour traiter les problèmes à la BFC Borden, j’ai demandé une rencontre avec l’honorable Gordon O’Connor, alors ministre de la Défense nationale, et vous-même afin de discuter du dossier. Au cours de cette réunion, qui a été tenue le 25 juillet dernier, à laquelle vous étiez représenté par le Major-général Semianiw (récemment nommé Chef du personnel militaire), j’ai informé le Ministre de l’absence de progrès pour assurer le traitement équitable et le mieux-être des militaires francophones à la BFC Borden, et j’ai expliqué les répercussions que cette situation avait sur les étudiants et sur leurs familles. J’ai également demandé l’appui du Ministre afin d’assurer que les problèmes qui sévissent à la base soient traités immédiatement. En particulier, j’ai demandé :

  • que les hauts dirigeants prennent un engagement formel par écrit concernant les mesures et les initiatives à court terme à prendre à la BFC Borden;
  • qu’un haut gradé militaire se rende à la BFC Borden pour faire part de la vision des Forces canadiennes en matière de langues officielles et de fournir des directives claires aux dirigeants de la base et aux étudiants francophones;
  • qu’un mécanisme d’aide efficace soit immédiatement mis en place afin de fournir un moyen aux étudiants d’obtenir de l’aide pour résoudre les problèmes de nature linguistique.

J’ai également demandé que les Forces canadiennes fournissent à notre Bureau un rapport des progrès réalisés au plus tard le 1er décembre 2007.

J’ai été heureux que nous ayons pu en venir à une entente sur ces mesures à court terme. J’ai également eu le plaisir d’apprendre que l’on semblait maintenant procéder à la mise en place de certaines mesures concrètes. J’ai accueilli favorablement les visites du Major-général Semianiw et du Major-général Gosselin (nouveau commandant de l’Académie canadienne de la Défense) à la BFC Borden pour expliquer aux dirigeants de la base, aux commandants des écoles, aux instructeurs principaux et aux étudiants francophones le besoin de traiter les étudiants de façon équitable et de respecter les droits linguistiques. J’ai également eu le plaisir de recevoir, le 20 août dernier, une lettre du Major-général Semianiw dans laquelle il rendait compte des progrès réalisés jusqu’à maintenant et confirmait que nous allions recevoir une autre mise à jour dans ce dossier au plus tard le 1er décembre 2007.

Même si je reste déçu à l’égard du temps que l’on a pris pour traiter ces questions fondamentales de justice et de mieux-être, je suis encouragé par les mesures qui ont récemment été prises. C’est avec grand intérêt que j’examinerai la mise à jour du Major-général Semianiw en décembre. Je vais également continuer de suivre de près l’évolution de la situation sur le terrain. Les enquêteurs de l’Ombudsman se rendront à la BFC Borden afin de mesurer les progrès réalisés dans toutes les écoles, y compris celles qui ne font pas partie de la chaîne de commandement de l’Académie canadienne de la Défense.

En terminant, j’aimerais insister sur le fait que j’ai la profonde conviction que des mesures tangibles et immédiates doivent être prises pour traiter ces problèmes qui sont au cœur du mieux-être des étudiants francophones à la BFC Borden. J’aimerais mentionner que j’ai discuté du dossier avec M. Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, et que je continuerai de le tenir au courant des développements importants dans ce dossier. J’ai également l’intention de porter une attention particulière à tout problème de nature linguistique auquel font face les autres membres de Forces canadiennes durant mes prochaines visites aux bases, aux escadres et aux écoles des Forces canadiennes partout au pays. Je vous encourage fortement à fournir des directives et le financement nécessaires pour assurer le respect des droits linguistiques de l’ensemble du personnel des Forces canadiennes.

Compte tenu de l’importance de ce dossier et en vertu de l’alinéa 33 des Directives ministérielles, je fais suivre la présente lettre et les pièces jointes qui y sont associées au Ministre, M. MacKay, et j’ai l’intention de rendre ces renseignements publics au terme du délai de 28 jours.

C’est avec plaisir que je répondrai à toute question ou préoccupation que vous pourriez avoir.

Je vous prie, Général, de bien vouloir recevoir l’expression de mes salutations les plus distinguées.

 

Yves Côté, c.r.
Ombudsman

c.c. L’honorable Peter MacKay, ministre de la Défense nationaleChef du personnel militaire

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