Suivi de l'Ombudsman à la suite de la visite à Cold Lake

Le 6 juin 2012

Le Colonel Patrice Laroche, CD
Commandant de l’escadre
4e Escadre Cold Lake
C. P. 6550, succursale Forces
Cold Lake (Alberta) T9M 2C6

 

Colonel Laroche,

Je vous écris pour donner suite à la visite de sensibilisation que j’ai effectuée à la 4e Escadre Cold Lake du 14 au 18 mai 2012. Lors de cette visite, j’ai eu le plaisir de rencontrer et d’écouter les préoccupations et la rétroaction positive de centaines de militaires, d’employés civils, de fournisseurs de soins et de membres de famille de militaires. Nous sommes très reconnaissants de l’accueil et de l’ouverture que nous avons reçus par tous ceux que nous avons rencontrés à l’Escadre.

J’aimerais saisir cette occasion pour exposer en détail les sujets que nous avons abordés lors du briefing que nous vous avons offert avant notre départ de Cold Lake. Lors de notre séjour à la 4e Escadre, nous avons reçu 30 plaintes individuelles sur diverses questions et nous procédons à leur traitement. Par la présente, j’aimerais souligner certaines des préoccupations récurrentes et de plus grande portée qui ont été exprimées pendant notre visite. Je reconnais que votre personnel et vous êtes au courant de ces problèmes, mais j’ai cru bon les documenter et vous offrir notre aide pour ce qui est de leur suivi. Comme nous l’avons discuté, je vais également afficher cette lettre sur notre site Web afin de tenir les personnes qui peuvent avoir recours à nos services mieux informés du fonctionnement et des activités de notre Bureau.

I. Coût de la vie

Les problèmes associés au coût élevé de la vie à Cold Lake ont été soulevés dans toutes les réunions et assemblées publiques pendant notre visite. Nous avons été informés qu’en raison de l’augmentation de la production de l’industrie pétrolière et gazière dans la région, la population locale s’est accrue, les salaires des employés de l’extérieur de la communauté de la Défense ont augmenté et les coûts de la majorité des produits et services ont énormément augmenté. De plus, en raison de ces changements dans la communauté locale, le coût d’un logement résidentiel sur la base a aussi augmenté étant donné que les rajustements des loyers sont déterminés par les changements dans le marché de l’habitation local.

Comme il y a une augmentation générale des coûts et que les salaires militaires demeurent relativement constants, les membres des Forces canadiennes à Cold Lake et leur famille nous ont informés que leur qualité de vie s’est considérablement détériorée. En effet, plusieurs militaires nous ont indiqués qu’ils devaient cumuler deux emplois à temps partiel ou plus afin de joindre les deux bouts. Certaines personnes nous ont dit qu’elles n’avaient plus les moyens de s’offrir des services de téléphonie, de câblodistribution et d’Internet. D’autres nous ont indiqué qu’elles avaient dû vendre des biens qui leur étaient chers, n’avaient pas pu inscrire leurs enfants au hockey et à d’autres activités, avaient dû piger dans leurs fonds de régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et même avaient dû déclarer faillite afin de nourrir leur famille et de s’acquitter d’autres obligations financières.

Je suis très préoccupé que certains membres des Forces canadiennes et leur famille doivent faire ce genre de sacrifices pour servir leur pays. Je vais signaler ces problèmes, et les nombreux autres problèmes mentionnés dans cette lettre au ministre de la Défense nationale afin d’apporter une solution à ces conditions inacceptables.

II. Indemnité de vie chère en région

Pendant nos réunions et nos assemblées publiques à la 4e Escadre, de nombreux membres des Forces canadiennes ont soulevé de graves préoccupations liées à l’indemnité de vie chère en région. Il a souvent été mentionné que le taux d’indemnité de vie chère en région de Cold Lake ne reflète pas ou n’indemnise pas adéquatement le coût élevé de la vie et le manque de services dans la communauté lorsque ce taux est comparé aux autres régions. Par exemple, nous avons été informés que le taux actuel d’indemnité de vie chère en région à Cold Lake était de 319 $ par mois tandis que les membres des Forces canadiennes à Edmonton recevaient 684 $ par mois même s’ils habitent dans une région où ils ont accès à des logements, des services et des soins médicaux plus abordables.

Il me semble évident que ce grand écart entre les taux d’indemnité de vie chère en région a des répercussions négatives sur tous les membres des Forces canadiennes et leur famille qui sont mutés à Cold Lake. Non seulement de nombreux militaires doivent-ils faire de durs sacrifices pour survivre à leur affectation à la 4e Escadre, mais aussi ils sont clairement désavantagés, et ce, à long terme lorsqu’ils sont comparés aux autres membres actifs des Forces canadiennes des communautés militaires de partout au pays.

III. Logement des Forces canadiennes

Un grand nombre de membres des Forces canadiennes et leur famille ont soulevé de graves préoccupations concernant les logements résidentiels. Nous avons été informés que le loyer mensuel moyen pour un logement résidentiel est d’environ 1 100 $ et que de nombreuses personnes considéraient ce prix déraisonnable étant donné le mauvais état de leur logement.

Lors des assemblées publiques et des plus petites réunions, des militaires nous ont indiqué qu’ils devaient signer une renonciation dans laquelle ils reconnaissaient que leur grenier contenait de l’amiante et qu’ils ne devaient pas perturber cette zone. D’autres ont mentionné avoir dû signer une renonciation qui les informait que l’Agence de logement des Forces canadiennes ne serait pas responsable des dommages subis à leurs effets personnels en cas d’inondation du sous-sol. Certains nous ont parlé d’autocollants indiquant « sans mise à la terre » sur leurs prises de courant, ce qui rendait leur utilisation dangereuse. D’autres ont mentionné qu’ils devaient laisser couler l’eau de novembre à avril sans interruption pour empêcher la congélation des tuyaux. J’ai informé le représentant de l’Agence de logement des Forces canadiennes à Cold Lake de ces problèmes très sérieux à la santé et à la sécurité et j’ai demandé qu’ils soient réglés immédiatement.

À la 4e Escadre, nous avons aussi reçu plusieurs plaintes liées aux services offerts par l’Agence de logement des Forces canadiennes. Plusieurs personnes ont signalé que l’ALFC n’offre pas de services après les heures normales de travail et que les demandes de réparation restent souvent sans réponse ou les travaux sont effectués par des entrepreneurs inexpérimentés. D’autres se sont plaints que dès qu’une réparation est faite ou une rénovation est terminée, ils doivent payer un loyer plus élevé. Ils estiment que cette pratique est injuste, car les réparations ou les rénovations du logement servent seulement à répondre aux normes de construction résidentielle actuelles.

IV. Soins médicaux spécialisés

Pendant notre visite de la 4e Escadre, plusieurs membres de la communauté de la Défense de Cold Lake ont souligné qu’ils avaient des difficultés à avoir accès à des soins médicaux spécialisés. Bien qu’il y ait une clinique à l’Escadre qui s’occupe des questions médicales courantes des membres de famille des militaires, tous les autres soins doivent être traités à Edmonton. Il s’agit de la même situation pour les membres des Forces canadiennes.

Les familles des militaires nous ont indiqué qu’elles doivent conduire pendant plus de trois heures pour se présenter à des rendez-vous de médecins spécialistes à Edmonton. Certaines familles ont plus d’un enfant et elles doivent donc amener tous les enfants. Si le membre de la famille a un emploi, il doit prendre une journée complète de congé annuel ou autre. De plus, les familles nous ont dit qu’elles obtiennent seulement un remboursement de 58 $ pour l’essence, ce qui est la moitié de l’indemnité qui était précédemment offerte. Elles nous ont également indiqué qu’elles ne sont pas remboursées si elles décident de passer la nuit à Edmonton.

Nous avons été informés que l’Escadre offre le transport quotidien à Edmonton pour se rendre à ces rendez-vous. Toutefois, le transport quitte Cold Lake à 6 h et le trajet de retour part d’Edmonton à 13 h 30. Il a souvent été indiqué que cet arrangement est insatisfaisant, car il est difficile d’obtenir un rendez-vous avec un médecin spécialiste dans ce créneau. De plus, le transport de la base ne fonctionne pas pour les familles avec des petits enfants étant donné que les sièges d’auto pour enfants ne sont pas permis à bord de l’autobus.

D’autre part, il a été signalé que les membres des Forces canadiennes de la 4e Escadre n’ont plus les services d’un psychologue ou d’un psychiatre. Les deux personnes qui occupaient ces postes ont récemment quitté Cold Lake, et les patients qui nécessitent ces services seront envoyés à Edmonton. Finalement, les fournisseurs de soins de santé ont mentionné qu’il n’y a aucun service de soins de santé mentale francophone à l’intention des membres de la communauté de la Défense.

V. Procédure d’embauche/dotation

Pendant les diverses réunions et les assemblées publiques, les fournisseurs de soins de santé et de services de santé mentale et les employés civils sont passablement frustrés par les difficultés à doter des postes et à embaucher des employés civils. De nombreuses personnes indiquent que cette situation découle du « gel de l’embauche » ou de l’« embauche contrôlé » qui a été imposé à Cold Lake. Nous avons été informés que de bons candidats se désistent en raison des retards dans le processus de dotation, lesquels sont entrainés, car il faut envoyer toutes les demandes de dotation à Ottawa avant de lancer un processus. Les retards dans les postes à pourvoir et les dotations ont donné lieu à des charges de travail plus lourdes pour ceux qui occupent actuellement un poste et à l’embauche de plus d’occasionnels et de contractuels.

Comme c’est le cas partout au pays, les employés civils nous ont aussi informés de leurs préoccupations liées à la classification des postes. En particulier, plusieurs employés ont affirmé qu’il y avait une importante différence entre le niveau de classification d’un emploi à Cold Lake et la classification pour le même type de travail à Ottawa (p. ex., un CR-04 à Cold Lake fait le même travail qu’un AS-01 à Ottawa).

Je vais également mentionner ces problèmes de dotation au Sous-ministre adjoint (Ressources humaines – Civils) prochainement afin de déterminer s’ils peuvent être réglés.

En conclusion, j’aimerais réaffirmer mes préoccupations majeures concernant plusieurs problèmes qui ont une incidence négative sur la communauté de la Défense de Cold Lake, plus particulièrement le coût élevé de la vie, le taux insatisfaisant de l’indemnité de vie chère en région et le mauvais état des logements militaires. Il est évident que des personnes souffrent et que des changements s’imposent.

J’ai également constaté lors des nombreuses réunions et assemblées publiques à la 4e Escadre que votre équipe d’officiers supérieurs et vous êtes entièrement dévoués au bien être des hommes et des femmes qui servent sous votre commandement et que vous avez essayé de régler ces graves problèmes, dont de nombreux, en tout cas dans une certaine mesure, ne sont pas sous votre contrôle. Je vous encourage à continuer à faire pression pour régler ces problèmes et d’autres préoccupations qui sont soulevés à la 4e Escadre. Comme je l’ai mentionné, je vais faire un suivi auprès du ministre de la Défense nationale afin de donner suite aux questions et aux préoccupations plus vastes qui ont été soulevées lors de notre visite à Cold Lake.

Je souhaite remercier votre personnel et vous pour votre aide dans l’organisation et l’exécution de cette visite de sensibilisation qui a eu un franc succès. En particulier, veuillez transmettre mes remerciements à l’officier des visites de l’escadre pour son dévouement professionnel qui a facilité notre visite.

Je vous prie d’agréer, Colonel Laroche, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

 

Pierre Daigle
Ombudsman

c. c. :
Lieutenant-général André Deschamps, Commandant de l’Aviation royale canadienne
Cynthia Binnington, Sous-ministre adjointe (Ressources humaines — Civils)
Contre-amiral Andrew Smith, Chef du personnel militaire

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